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23/10/2020 | FRANCE | N°19NT00036

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 octobre 2020, 19NT00036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de condamner la commune de Vierzon à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de la décision du 18 avril 2016 le radiant des cadres pour abandon de poste, et d'autre part, de mettre à la charge de cette collectivité la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603824 du 6 novembre 2018, le tribuna

l administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de condamner la commune de Vierzon à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de la décision du 18 avril 2016 le radiant des cadres pour abandon de poste, et d'autre part, de mettre à la charge de cette collectivité la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603824 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 janvier 2019 et le 2 octobre 2020, M. A... représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de condamner la commune de Vierzon à lui verser une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vierzon le versement de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les conditions nécessaires à la constatation d'un abandon de poste n'étaient pas réunies et que la mesure de radiation prononcée le 18 avril 2019 qui revêtait un caractère illégal présentait le caractère d'une faute ;

- le tribunal a cependant commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaitre l'existence d'un préjudice quelconque du fait de sa radiation des cadres ; pendant plusieurs mois et jusqu'à ce qu'il retrouve un travail le 21 juin 2016, il a connu des difficultés financières ; sa demande d'allocation pour perte d'emploi a été refusée par pôle emploi le 8 juin 2016 puis par la commune de Vierzon le 30 août suivant ; du fait de sa radiation des cadres, il n'a perçu aucune indemnité journalière de la part de la CPAM du Cher ; il a été privé de toute ressource - rémunération - indemnisation - pendant une période de deux mois ; son préjudice financier est réel ; par ailleurs, son préjudice moral né de la façon dont il a été mis fin à ses fonctions alors qu'il ne voulait pas rompre le lien avec son employeur est indéniable ; il est dès lors bien fondé à solliciter une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

Un mémoire en défense, présenté par la commune de Vierzon et régularisé par son avocat le 6 novembre 2019, a été enregistré le 26 septembre 2019. La commune de Vierzon, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Vierzon soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Vierzon.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Vierzon à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la décision du 18 avril 2016 le radiant des cadres pour abandon de poste. Cette juridiction qui a estimé que les conditions nécessaires à la constatation d'un abandon de poste n'étaient pas réunies et que l'illégalité de la mesure de radiation de poste était fautive a cependant rejeté les prétentions indemnitaires de l'intéressé. M. A... relève appel de ce jugement. La commune de Vierzon qui fait valoir que sa responsabilité ne pouvait être retenue conclut au rejet de la requête.

Sur la responsabilité de la commune de Vierzon :

2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Cette mise en demeure doit ainsi comporter l'information selon laquelle la radiation peut être mise en oeuvre sans que l'intéressé bénéficie des garanties de la procédure disciplinaire. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention de reprendre son service avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester une telle intention, l'administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

3. Il résulte de l'instruction que M. A... a bénéficié d'un premier arrêt de travail du 8 mars 2016 au 18 mars 2016 qui a été prolongé jusqu'au 1er avril 2016 et que les justificatifs médicaux ont été fournis à la collectivité par l'intéressé, tout d'abord, le 17 mars 2016 consécutivement à une mise en demeure du 15 mars 2016 que lui avait adressée son employeur, puis par un courrier daté du 22 mars que les services municipaux ont reçu le 30 mars 2016, ainsi que la commune de Vierzon l'admet dans ses écritures. Entre temps, la collectivité avait, le 23 mars, adressé à son agent une mise en demeure par laquelle il lui était rappelé son obligation de justifier de ses absences dans un délai de 48h et qu'à défaut il s'exposerait à une procédure d'abandon de poste. Il est constant que la commune a de nouveau, par un courrier du 31 mars, mis l'intéressé en demeure de reprendre ses fonctions dans un délai de 48h ou de justifier de son absence dans le même délai. La collectivité admet que ce courrier a croisé celui de M. A..., évoqué plus haut, réceptionné le 30 mars 2016 par le service du courrier. Il résulte de ce qui vient d'être dit que cette mise en demeure du 31 mars 2016 concernait exclusivement la période d'absence de l'agent courant du 18 mars au 1er avril 2016.

4. Il résulte ensuite de l'instruction que M. A... avait obtenu le 31 mars, et à compter du 1er avril, une prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 15 avril, à nouveau prolongé du 18 avril jusqu'au 18 mai 2016, mais qu'il a transmis tardivement à la collectivité, et avec une adresse erronée, les justificatifs médicaux correspondants. La commune de Vierzon avait, dans cette période et par un courrier du 14 avril 2016, indiqué à son agent " que la procédure d'abandon de poste était engagée à son encontre du fait d'absence depuis le 4 avril " - le 2 et le 3 avril étant un week-end - et " qu'un arrêté de radiation serait établi ", ce qui s'est traduit par l'édiction de l'arrêté litigieux du 18 avril 2016 radiant M. A... des cadres pour abandon de poste. Or, il est constant que cet arrêté n'a pas été précédé d'une nouvelle mise en demeure adressée à son agent de reprendre ses fonctions à compter 4 avril 2016, la mise en demeure du 31 mars 2016, évoquée au point précédent et qui portait sur une période antérieure et à laquelle le courrier du 14 avril, qui mentionne " une mise en demeure adressée par LRAR à l'agent de reprendre ses fonctions ", semble faire référence, ne pouvant en tenir lieu. Le courrier du 14 avril 2016, dont la teneur a été rappelée, ne saurait non plus être assimilé à une mise en demeure de rejoindre son poste. Dans ces conditions, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que les premiers juges ont estimé que les conditions nécessaires à la constatation d'un abandon de poste n'étaient pas réunies et qu'en conséquence, la mesure de radiation pour abandon de poste prononcée le 18 avril 2016, entachée d'illégalité, était constitutive d'une faute engageant la responsabilité de la commune de Vierzon.

Sur l'indemnisation des préjudices :

5. En premier lieu, M. A... soutient qu'il a subi du fait des effets immédiats de la mesure de radiation des cadres pour abandon de poste un préjudice matériel, ayant été privé de ressources - rémunération et indemnité journalière - et qu'il a connu pendant plusieurs mois des difficultés financières. Il ressort, tout d'abord, des pièces du dossier que les difficultés dont le requérant fait état préexistaient à la décision litigieuse de radiation des cadres. En revanche, il résulte de l'instruction que cet agent n'a perçu aucune rémunération du 18 avril 2016 au 21 juin 2016, date à laquelle il a retrouvé une activité professionnelle. Toutefois, il ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir la réalité du préjudice qui en découlerait.

6. En second lieu, M. A... soutient qu'il a subi, du fait de sa radiation pour abandon de poste alors qu'il était en arrêt de travail, un préjudice moral et ajoute qu'il estime " avoir toujours fait le nécessaire pour garder le contact avec son employeur ". Toutefois, compte tenu en particulier des retards pris par l'intéressé à transmettre à son employeur les justificatifs médicaux de ses absences rendant difficile l'appréciation à porter sur sa volonté de maintenir ou non tout lien avec le service, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 500 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir, d'une part, que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui doit être réformé dans cette mesure, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté l'intégralité de ses prétentions indemnitaires, et d'autre part, à ce que le versement d'une indemnité de 500 euros soit mis à la charge de la commune de Vierzon.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. En application de ces mêmes dispositions, la demande présentée par la commune de Vierzon, partie perdante, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La commune de Vierzon est condamnée à verser à M. A... la somme de 500 euros.

Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Vierzon tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Vierzon.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.

Le rapporteur,

O. C...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT00036 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00036
Date de la décision : 23/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL ALCIAT-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;19nt00036 ?
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