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16/10/2020 | FRANCE | N°19NT04683

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 octobre 2020, 19NT04683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1904283 du 30 août 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2019 Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'

annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1904283 du 30 août 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2019 Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre de subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation en ce qu'elle ne fait pas mention de son état mental, qui nécessite un traitement auquel elle n'aurait pas accès en Serbie

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ; l'ensemble de sa famille, à savoir son époux et sa fille Alea, réside en France où elle a noué des relations amicales, alors qu'elle n'a plus aucune attache dans son pays d'origine ;

- le préfet, qui aurait dû consulter le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle souffre d'un stress post-traumatique et bénéficie d'un suivi psychiatrique et psychologique depuis son arrivée en France ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ; elle a fui son pays du fait des persécutions dont elle-même et son époux ont fait l'objet de la part de sa propre famille ainsi que des violences sexuelles perpétrées par l'oncle de son époux auquel elle les a cachées ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ; elle risquerait d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Serbie comme au Kosovo ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ; alors qu'elle ne pourrait être renvoyée que vers le Kosovo, son époux, qui n'a pas la nationalité de ce pays, ne pourrait pas l'y rejoindre ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ; sa fille risque d'être séparée de l'un de ses deux parents et encourt elle-même des risques du fait du conflit familial qui l'oppose à la famille de son épouse.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ; il n'est pas justifié de la date à laquelle l'aide juridictionnelle a été sollicitée, ni de la date à laquelle la décision d'octroi de l'aide juridictionnelle a été notifiée ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante serbo-kosovare, est entrée en France le 9 décembre 2017 selon ses déclarations, en compagnie de son époux M. E... C.... Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 30 avril 2018, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 22 octobre suivant. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a alors pris à son encontre le 17 décembre 2018 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par un jugement n° 1806397 du 29 janvier 2019 le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours en annulation formé contre cet arrêté. Mme C... s'est maintenue sur le territoire français et a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Par une décision du 9 avril 2019, le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande comme irrecevable. Par un arrêté du 22 juillet 2019 le préfet d'Ille-et-Vilaine a de nouveau fait obligation à Mme C... de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours formé contre ce dernier arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes du 1° de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".

3. Si Mme C... fait valoir que l'ensemble de sa famille, à savoir son époux et sa fille Alea, née à Lorient le 7 mai 2018, réside en France où elle a noué des relations amicales, alors qu'elle n'a plus aucune attache dans son pays d'origine, ayant rompu tout lien avec sa famille qui voulait la marier de force, et qu'elle a fait l'objet de violences de la part de membres de sa belle-famille en Serbie, elle n'établit toutefois par les pièces qu'elle produit ni l'intensité de son intégration sur le territoire français ni la réalité des menaces alléguées. Par suite, et eu égard à la faible durée du séjour en France de l'intéressée et à la circonstance que sa cellule familiale a vocation à se reconstituer hors de France, dès lors que son époux fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-4 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour au titre de l'état de santé, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, saisir le collège de médecins mentionné à l'article R. 511-1 de ce code.

6. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

7. Dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est notamment prise après que la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l'étranger. Or l'étranger est conduit, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de sa demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

8. Si Mme C... soutient que le préfet ne pouvait prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans consulter au préalable le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) afin d'être en mesure d'apprécier si elle entrait dans le champ des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'établit toutefois pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle aurait porté à la connaissance du préfet, durant l'instruction de la demande de réexamen de sa demande d'asile, les éléments qu'elle a versés aux débats contentieux pour établir la réalité de ses problèmes de santé mentale et les difficultés de prise en charge de ce type d'affection au Kosovo. Par suite, le préfet pouvait, sans méconnaître les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui faire obligation de quitter le territoire français sans avoir consulté au préalable le collège de médecins de l'OFII.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance des stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que des erreurs manifestes d'appréciation dont la décision contestée procèderait à ces deux titres, doivent être écartés pour les motifs exposés au point 3 du présent arrêt.

10. Pour le surplus, Mme C... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens et les mêmes arguments que ceux invoqués en première instance, tirés de ce que les décisions contestées sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation, et de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M Berthon, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.

Le rapporteur,

M. D...

Le président,

C. Brisson

Le greffier,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT046832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04683
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE TALLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-16;19nt04683 ?
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