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16/10/2020 | FRANCE | N°19NT04617

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 octobre 2020, 19NT04617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet du Finistère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1903178 du 26 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2019 Mme C..., représentée par Me E...,

demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 juillet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet du Finistère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1903178 du 26 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2019 Mme C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 5 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de l'admettre au séjour pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile ou, à défaut, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- son droit d'être entendue, garanti par le droit de l'Union européenne, a été méconnu ; elle n'a pas présenté une demande de titre de séjour mais a sollicité l'asile ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; son fils D... souffre de graves problèmes de santé qui nécessitent une prise en charge médicale et scolaire dont il peut bénéficier en France ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est la cible d'une vendetta dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante albanaise née le 13 septembre 1982 entrée en France le 26 juin 2017 en compagnie de son conjoint, décédé depuis lors, et des trois enfants mineurs du couple (nés en 2006, 2009 et 2015), a sollicité l'asile le 3 août 2017 auprès des services de la préfecture du Finistère. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 18 septembre 2018, puis par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 28 février 2019. Par un arrêté du 5 juin 2019, le préfet du Finistère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 26 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours contre cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

4. Dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est notamment prise après que la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l'étranger. Or l'étranger est conduit, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de sa demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

5. En l'espèce, Mme C... a pu présenter ses observations sur sa situation dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et ne pouvait ignorer que, depuis le rejet devenu définitif de celle-ci, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Si elle soutient avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux avant l'intervention des arrêtés contestés, il ressort des pièces du dossier que l'objet de leur demande de rendez-vous n'était pas, comme ils le prétendent, de présenter des éléments nouveaux sur leur situation, de nature à faire obstacle à une obligation de quitter le territoire, mais de déposer une demande d'admission au séjour sur un autre fondement que celui de l'asile. En tout état de cause, M. et Mme A... n'établissent pas avoir été empêchés de transmettre au préfet du Finistère les éléments nouveaux dont ils se prévalent, à savoir une promesse d'embauche et des certificats médicaux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il est constant que l'un des enfants de Mme C..., D..., né le 25 avril 2009, souffre d'une pathologie cardiaque et d'un déficit cognitif et intellectuel connus sous le nom de " syndrôme de Noonan ", en raison duquel il bénéficie d'un suivi cardiopédiatrique. Toutefois, en l'absence de pièces susceptibles d'établir l'ampleur et la nature de la prise en charge de l'enfant en France et eu égard au caractère récent de la présence en France de la requérante et de ses enfants, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant D... ne pourrait pas bénéficier d'un suivi adapté dans le pays d'origine de sa mère, où il a vocation à la suivre ainsi que le reste de la fratrie. Par suite, et eu égard de surcroît au caractère récent de la présence de Mme C... en France, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations précitées du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. Pour le surplus, Mme C... se borne à reprendre devant le juge d'appel le même moyen et les mêmes arguments que ceux invoqués en première instance, tirés de ce que le préfet du Finistère a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.

Le rapporteur,

M. F...

Le président,

C. Brisson

Le greffier,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT046172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04617
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : THEBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-16;19nt04617 ?
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