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16/10/2020 | FRANCE | N°19NT02113

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 octobre 2020, 19NT02113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 397 687,24 euros en réparation de l'accident médical dont elle a été victime le 15 octobre 2012 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen.

Par un jugement n° 1701460 du 3 avril 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juin 2019 et le 14 avril 2020 Mme D...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 397 687,24 euros en réparation de l'accident médical dont elle a été victime le 15 octobre 2012 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen.

Par un jugement n° 1701460 du 3 avril 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juin 2019 et le 14 avril 2020 Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 3 avril 2019 ;

2°) à titre principal, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 397 687,24 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une nouvelle expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 61-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle remplit les conditions de gravité lui ouvrant droit à l'engagement de la solidarité nationale, dès lors que l'accident médical dont elle a été victime a entraîné un arrêt de travail de plus de six mois pendant douze mois, est responsable pendant plus de six mois d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à 50% et l'a rendue définitivement inapte à exercer son métier ;

- elle a droit aux indemnités suivantes : 16 074 euros au titre du besoin en assistance par une tierce personne avant consolidation, 5 137 euros au titre de la perte de gains professionnels passés, 9 082,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 6 000 euros au titre des souffrances endurées, 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 49 121,28 euros au titre de l'assistance par une tierce personne après consolidation, 176 896,77 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, 6 350 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

3 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 3 000 euros au titre du préjudice sexuel.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 décembre 2019 et le 21 juillet 2020 l'ONIAM, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., qui présentait depuis 1997 de lourds antécédents de lombalgie et de sciatique, a subi le 15 octobre 2012 une arthrodèse lombaire L4-L5 au CHU de Caen. Elle est rentrée à son domicile le 20 octobre 2012 mais a conservé des douleurs sciatiques importantes qui ont nécessité un traitement par morphiniques. Elle s'est également plainte de douleurs à la jambe gauche et au niveau de l'aine du côté gauche, associées à une impression de chaleur. La pose d'un neurostimulateur, externe puis interne, lors d'une seconde hospitalisation, entre

le 25 mars et le 3 avril 2015, a toutefois permis une évolution très favorable de ces douleurs. Le 30 novembre 2015, elle a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de Basse-Normandie d'une demande indemnitaire. Après avoir confié une expertise à un neurochirurgien, cette commission a estimé, dans un avis du 16 décembre 2016, que le dommage de Mme D... était imputable à un accident médical mais que celui-ci ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour que soit engagée la solidarité nationale. Après avoir lié le contentieux par un courrier du 29 mai 2017, Mme D... a demandé au tribunal administratif de Caen de mettre à la charge de l'ONIAM la somme totale de 397 687,24 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 3 avril 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Mme D... relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".

3. Il résulte du rapport d'expertise et est admis par les parties que la mise en place du matériel d'arthrodèse, lors de l'intervention du 15 octobre 2012, a provoqué un étirement du système sympathique et des racines et que cette complication revêt la nature d'un accident médical dont la fréquence peut être évaluée entre 1 % et 2 %. Il est également constant que cet accident médical, qui est à l'origine de douleurs à la jambe gauche et à l'aine, d'une sensation de chaleur dans la jambe gauche et d'un retentissement psychologique, et qui a entrainé un déficit fonctionnel permanent évalué à 5% par l'expert mandaté par la CCI, a eu des conséquences anormales au regard de l'état de santé de Mme D... comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

4. En premier lieu, Mme D..., qui exerçait la profession de monteuse-câbleuse, a été placée en arrêt de travail pendant trois mois après sa sortie de l'hôpital, le 20 octobre 2012, mais a été licenciée le 6 décembre 2012 pour motif économique. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'accident médical dont elle a été victime serait à l'origine d'un arrêt temporaire de ses activités professionnelles pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.

5. En deuxième lieu, Mme D..., se fondant sur une note médicale établie à sa demande le 26 août 2016 par un neurochirurgien et complétée le 27 décembre 2018, fait valoir qu'elle a subi un déficit temporaire supérieur ou égal à 50% pendant plus de six mois consécutifs en raison de la persistance, dans les suites de l'intervention du 15 octobre 2012, de fortes douleurs sciatiques, jusqu'à la pose d'un neurostimulateur en avril 2015. Toutefois, il ne résulte pas des pièces médicales versées à l'instruction, en particulier des courriers du 19 juin 2013 et du 6 août 2013, rédigés respectivement par le chirurgien qui a opéré Mme D... et par son médecin traitant, que ces douleurs sciatiques seraient en lien avec l'accident médical dont elle a été victime. La note du 26 août 2016 complétée le 27 décembre 2018, au demeurant peu étayée, ne permet donc pas d'infirmer les conclusions claires de l'expert désigné par la CCI selon lesquelles ces douleurs sciatiques sont exclusivement imputables à l'état antérieur de la patiente. Mme D... n'est donc pas fondée à soutenir que l'accident médical du 15 octobre 2012 serait responsable d'un déficit temporaire supérieur ou égal à 50% pendant plus de six mois consécutifs.

6. En dernier lieu, s'il résulte de l'instruction que Mme D... a été placée en invalidité en octobre 2014, aucun élément ne permet d'établir, comme elle le soutient, que les séquelles de à l'accident médical seraient la cause de son inaptitude définitive à l'exercice du métier de monteuse-câbleuse, alors au demeurant que, comme il a été indiqué précédemment, elle souffrait depuis 1997 d'une pathologie lombaire lourde qualifiée avant l'opération du 15 octobre 2012 de " très douloureuse avec une répercussion importante sur la vie professionnelle et privée " par le chirurgien qui l'a opérée.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit utile d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que le préjudice de Mme D... ne présente pas un caractère de gravité suffisant au sens des dispositions rappelées au point 2 pour engager la solidarité nationale. Mme D... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacles à ce que l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme D... la somme qu'elle demande au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président,

- M. C..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.

Le rapporteur

E. C...Le président

C. Brisson

Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° N° de toutes les affaires


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02113
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL BAUGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-16;19nt02113 ?
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