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16/10/2020 | FRANCE | N°19NT00667

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 octobre 2020, 19NT00667


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Mayenne à lui rembourser la somme de 112 322,71 euros qu'elle a exposée pour la prise en charge de son assuré, M. A... H..., à la suite de l'accident de la circulation dont il a été victime le 11 mars 2013.

M. A... H..., M. C... H..., et Mme D... H... ont demandé à ce même tribunal de condamner le département de la Mayenne à leur verser la somme tot

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1 072 209,96 euros en réparation des préjudices que leur a causés l'acciden...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Mayenne à lui rembourser la somme de 112 322,71 euros qu'elle a exposée pour la prise en charge de son assuré, M. A... H..., à la suite de l'accident de la circulation dont il a été victime le 11 mars 2013.

M. A... H..., M. C... H..., et Mme D... H... ont demandé à ce même tribunal de condamner le département de la Mayenne à leur verser la somme totale

1 072 209,96 euros en réparation des préjudices que leur a causés l'accident de M. A... H....

Par un jugement n° 1309621 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné le département de la Mayenne à verser à M. A... H... la somme de

67 820,70 euros ainsi qu'une rente annuelle d'un montant de 873,60 euros et 1 800 euros chacun à M. C... et à Mme D... H.... Il a également condamné le département de la Mayenne à verser à la CPAM de la Loire-Atlantique la somme de 5 644,44 euros au titre de ses débours, la somme de 4 291,39 euros au titre de ses frais futurs et à lui rembourser sur justificatifs les sommes versées à M. A... H... au titre de sa pension d'invalidité.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 février 2019 et le 3 mars 2020, M. A... H... et autres, représentés par la SCP Pavet-Benoist-Dupuy-Renou, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2018 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes ;

2°) de condamner le département de la Mayenne à leur verser la somme totale de 1 072 209,96 euros ;

3°) de mettre à la charge du département de la Mayenne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- les premiers juges ont insuffisamment évalué l'indemnité due à M. A... H... au titre de son besoin en assistance par une tierce personne et devaient, pour le futur, lui allouer un capital et non une rente ; c'est aussi à tort qu'ils ont écarté la réparation de ses préjudices professionnels passés et futurs ;

- M. A... H... a droit à 5 637,60 euros au titre du besoin en assistance par une tierce personne avant consolidation, 74 136,75 euros au titre de la perte de revenus professionnels avant consolidation, 51 005,46 euros au titre de son besoin futur en assistance par une tierce personne, 729 782,40 euros au titre de sa perte de revenus professionnels futurs, 90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 12 071,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 18 000 euros au titre des souffrances endurées, 69 300 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent et

12 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

- M. C... H... et Mme D... H... ont droit à 3 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral ; ils justifient également de frais de transport à hauteur de 2 776,50 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2020 le département de la Mayenne, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, la réduction des sommes allouées aux requérants et à la CPAM de la Loire-Atlantique par les premiers juges.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle ne contient aucun moyen d'appel et se contente de renvoyer aux écritures de première instance ;

- c'est à tort que les premiers juges ont accordé des sommes à M. A... H... au titre du besoin en assistance d'une tierce personne avant et après consolidation et du préjudice sexuel et d'établissement ;

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il a rejeté les demandes des requérants au titre de la perte de revenus professionnels, de l'incidence professionnelle et des frais de transport ;

- les préjudice de M. A... H... au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique permanent doivent être respectivement fixés à 2 500 euros, 8 500 euros, 35 000 euros, 1 000 euros ;

- le tribunal a surévalué les sommes accordées à M. C... H... et à Mme D... H... au titre de leur préjudice moral ;

- il y a lieu de réduire à de plus justes proportions la somme allouée par les premiers juges à la CPAM de la Loire-Atlantique ; en effet, aux termes des dispositions de l'article L. 4541 du code de la sécurité sociale, la caisse est seulement fondée à réclamer le remboursement de la pension d'invalidité qu'elle verse à M. A... H... dans la limite de la part de cette pension qui lui est versée au titre de ses troubles psychologiques ;

- les frais futurs de la CPAM de la Loire-Atlantique ne peuvent donner lieu qu'à un remboursement au fur et à mesure et sur justificatifs.

Par un mémoire enregistré le 9 mars 2020 la CPAM de la Loire-Atlantique, intervenant pour le compte de la CPAM de la Mayenne, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;

2°) de condamner le département de la Mayenne à lui rembourser la somme de 115 411,03 euros ;

3°) mettre à la charge du département de la Mayenne la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle est fondée à demander le remboursement de ses frais futurs par le versement d'un capital de 115 411,03 euros ou, à défaut, d'une rente annuelle de 149,20 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. H... et autres, et de Me G..., représentant la CPAM de la Loire-Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... H..., né en 1991, a été victime d'un grave accident de la circulation, le

11 mars 2013, alors qu'il circulait sur la route départementale 24 entre Moulay et Commer (Mayenne). Il a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation du département de la Mayenne à l'indemniser de ses préjudices en raison du défaut d'entretien normal de cette route. Par un jugement du 24 mai 2016, devenu définitif, ce tribunal a déclaré le département de la Mayenne responsable des dommages de M. H... à hauteur de 60 %, ordonné avant dire droit une expertise aux fins de déterminer l'étendue des préjudices de la victime et réservé jusqu'à la fin de l'instance les droits et moyens des parties sur lesquels il n'était pas expressément statué. L'expert désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a déposé son rapport le 24 novembre 2016. Par un jugement du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné le département de la Mayenne à verser à M. A... H... la somme de 67 820,70 euros ainsi qu'une rente annuelle de

873,60 euros et 1 800 euros chacun à M. C... et à Mme D... H..., les parents de M. A... H.... Il a également condamné le département à rembourser à la CPAM de la Loire-Atlantique la somme de 5 644,44 euros au titre de ses frais passés, la somme de 4 291,39 euros au titre de ses frais futurs et, sur justificatifs et au fur et à mesure de son engagement, la pension d'invalidité versée à M. A... H.... M. H... et autres et la CPAM de la Loire-Atlantique relèvent appel de ce jugement. Le département de la Mayenne, par la voie de l'appel incident, demande la réduction des sommes allouées à M. H... et autres et à la CPAM de la Loire-Atlantique.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de la Mayenne :

2. Contrairement à ce que soutient le département de la Mayenne, la requête de M. H... et autres contient des moyens d'appel et ne constitue pas la reproduction littérale du recours de première instance. Elle est donc recevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le jugement attaqué est suffisamment motivé. Il n'est donc pas irrégulier.

Sur les préjudices de M. A... H... :

4. Il ressort du rapport d'expertise que M. H..., en conséquence de l'accident dont il a été victime le 11 mars 2013, a été hospitalisé jusqu'au 13 mai 2013 au centre hospitalier universitaire d'Angers, puis jusqu'au 1er août 2013 au centre de rééducation fonctionnelle de l'Arche, à Saint-Saturnin, et qu'il a subi, outre des fractures sans séquelles de l'humérus gauche, de plusieurs vertèbres et des deux omoplates, un polytraumatisme crânien grave responsable de séquelles neuropsychologiques lourdes telles que fatigabilité, troubles de l'attention, difficultés mnésiques, troubles dysexécutifs, ainsi qu'une impulsivité nécessitant la prise de médicaments.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux frais liés au handicap :

5. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.

6. Il résulte de l'instruction que M. H..., alors qu'il était hospitalisé au centre de rééducation fonctionnel de l'Arche, a bénéficié entre le début du mois de juin et le 1er août 2013 de " permissions de week-end " durant lesquelles il a été assisté par sa compagne pour la toilette, l'habillage et les déplacements entre le centre de rééducation et son domicile, à raison d'une heure et trente minutes par jour et de 50 minutes par trajet. Sur la base d'un total de quarante heures indemnisables et d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à

13,20 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de M. H... s'élève, pour cette période, à la somme de 596 euros (40 x 13,20 x 1,128).

7. Il résulte également de l'instruction, que M. H..., après son retour à domicile, le 1er août 2013, a eu besoin d'une assistance non spécialisée à raison d'une heure par jour jusqu'au 31 décembre 2013, puis de trente minutes par jour jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, que l'expert a fixée au 27 octobre 2015, date admise par les parties. Pour la période allant du 1er août au 31 décembre 2013, sur la base de 153 jours indemnisables et d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 13,20 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de M. H... s'élève à la somme de 2 278 euros (153 x 13,20 x 1,128). Pour la période allant du 1er janvier 2014 au 26 octobre 2015, sur la base de 664 jours indemnisables et d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à

13,40 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de M. H... s'élève à la somme de 5 018 euros ((664 : 2) x 13,40 x 1,128). Le préjudice total de M. H..., pour la période allant du 1er août 2013 au 27 octobre 2015 s'élève donc à la somme de 7 296 euros.

8. Il résulte enfin de l'instruction que le besoin de M. H... en assistance par une tierce personne non spécialisée est de deux heures par semaine depuis le 27 octobre 2015. Pour la période allant de cette date jusqu'à celle du présent arrêt, sur la base de 1 817 jours indemnisables et d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 13,85 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de M. H... s'élève à la somme de 8 232 euros (0,29 x 1 817 x 13,85 x 1,128).

9. Pour l'avenir, et dès lors que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il résulte du rapport d'expertise que le besoin en assistance de M. H... de deux heures par semaine est un besoin viager, il y a lieu de capitaliser une rente annuelle de 1 697 euros calculée sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 14,21 euros et d'une année de

412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés. Par application d'un coefficient de 43,564 issu du barème 2018 de la Gazette du Palais, correspondant à une victime âgée de

29 ans à la date du présent arrêt, le préjudice de M. H... s'élève à la somme de 73 928 euros.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 que le préjudice de M. H... au titre du besoin en assistance par une tierce personne non spécialisé atteint la somme de 90 052 euros. Après application du pourcentage de responsabilité de 60% fixé par le tribunal administratif de Nantes dans son jugement du 24 mai 2016, le département de la Mayenne doit donc être condamné à verser à M. H... et autres la somme de 54 031 euros.

Quant à la perte de gains professionnels :

11. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, que le législateur a entendu que la priorité accordée à la victime sur la caisse pour obtenir le versement à son profit des indemnités mises à la charge du tiers responsable, dans la limite de la part du dommage qui n'a pas été réparée par des prestations, s'applique, notamment, lorsque le tiers n'est déclaré responsable que d'une partie des conséquences dommageables de l'accident. Dans ce cas, l'indemnité mise à la charge du tiers, qui correspond à une partie des conséquences dommageables de l'accident, doit être allouée à la victime tant que le total des prestations dont elle a bénéficié et de la somme qui lui est accordée par le juge ne répare pas l'intégralité du préjudice qu'elle a subi. Quand cette réparation est effectuée, le solde de l'indemnité doit, le cas échéant, être alloué à la caisse. Toutefois, le respect de cette règle s'apprécie poste de préjudice par poste de préjudice, puisqu'en vertu du troisième alinéa, le recours des caisses s'exerce dans ce cadre.

12. D'autre part, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité.

13. Il résulte de l'instruction que M. H..., artisan boulanger, a été placé en arrêt de travail du 11 mars 2013 au 31 août 2014, qu'il a vendu la boulangerie dont il était propriétaire le 26 février 2014 et qu'il a repris le 1er septembre 2014 une activité de boulanger-pâtissier salarié à temps partiel, à raison de 86,67 heures par mois jusqu'en août 2015, puis de 104 heures par mois.

14. M. H... ne démontre pas, par les données comptables qu'il produit, la réalité d'une baisse de chiffre d'affaire de son commerce entre mars 2013 et février 2014 par rapport à la période précédente, ce chiffre d'affaire enregistrant même une augmentation régulière entre mars et septembre 2013. Au demeurant, M. H... avait pris le soin d'assurer la continuité de son commerce par le recrutement d'un remplaçant dès le mois de mars 2013. Il n'est donc pas fondé à demander à être indemnisé d'une perte de revenus en lien avec l'évolution de son chiffre d'affaire. En revanche, il résulte de l'instruction que le recrutement d'un salarié en sous-traitance entre mars et août 2013, puis en contrat à durée déterminée entre septembre 2013 et février 2014, a nécessairement affecté le résultat net de son entreprise et, par suite, les revenus qu'il a pu en retirer pendant cette période. M. H... justifiant uniquement du salaire et des charges versées à son salarié au titre de la période allant de septembre 2013 à février 2014 à hauteur de

16 782,45 euros, il y a lieu de fixer à ce montant le niveau de son préjudice.

15. Il ne résulte pas de l'instruction que M. H... aurait été contraint de vendre son commerce, qui restait rentable même après l'embauche d'un salarié supplémentaire, en raison des séquelles de son accident de la circulation. Par suite, il n'est pas fondé à calculer sa perte de revenus postérieure à cette vente en fonction des revenus théoriques qu'il aurait tirés de son ancien commerce. En revanche, ainsi que l'a relevé l'expert : " sur le plan professionnel, l'état du patient nécessite un travail à mi-temps dans un contexte bienveillant. Il ne peut être soumis à des activités multitâches et ses activités doivent être relativement stéréotypées et identiques d'un jour sur l'autre. ". M. H... doit donc être regardé comme ayant subi, à partir du 1er septembre 2014, date de la reprise de son activité professionnelle, une perte de revenus correspondant à la différence entre le salaire qu'il a perçu et celui auquel il aurait pu prétendre s'il avait pu travailler à temps plein. Il résulte de l'instruction que, pour la période allant du 1er septembre 2014 à la date de consolidation de son état de santé, le 27 octobre 2015, M. H... aurait perçu à temps plein environ 660 euros de plus par mois jusqu'en août 2015, puis 375 euros de plus jusqu'en octobre 2015. Par suite, sa perte de revenus pour cette période peut être justement évaluée à la somme totale de 8 760 euros.

16. Il résulte de ce qui précède que la perte de gains professionnels de M. H... jusqu'à la date de consolidation de son état de santé est de 25 542,45 euros (16 782,45 euros + 8 760 euros) et que l'indemnité à laquelle il peut prétendre, après application du taux de responsabilité de 60% du département de la Mayenne, s'élève à la somme de 15 325,47 euros.

Il convient toutefois de tenir compte des indemnités journalières accordées à M. H... pendant la même période par le RSI à hauteur de 10 515,71 euros et par la société d'assurance PREDICA pour un montant total de 14 419,36 euros, ainsi qu'il résulte de l'instruction. La perte de revenus de M. H... a donc été intégralement couverte par ces indemnités.

17. Pour la période allant du 27 octobre 2015 à la date du présent arrêt, il résulte de l'instruction que M. H... a subi une perte de revenus qui peut être justement évaluée à

430 euros par mois, soit au total à 25 370 euros. Il a donc droit à une indemnité correspondant à 60% de cette somme, soit 15 222 euros. Toutefois, M. H... a perçu au cours de la même période une pension d'invalidité pour un montant de 17 850 euros, supérieur à l'indemnité à laquelle il a droit, qui a donc compensé intégralement son préjudice.

18. Pour l'avenir, il résulte de l'instruction que la pension d'invalidité de M. H..., d'un montant de 3 400 euros environ par an, est supérieure à 60% de sa perte annuelle de revenus professionnels. M. H... n'a donc droit à aucune indemnisation à ce titre.

Quant à l'incidence professionnelle :

19. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que le handicap de M. H..., s'il ne l'empêche pas d'exercer sa profession, est à l'origine d'une lenteur dans l'accomplissement de ses tâches et d'une fatigabilité accrue qui ne lui permettront pas un déroulement de carrière normal. M. H... justifie donc d'un préjudice qui, eu égard aux nombreuses années de carrière qu'il lui reste à accomplir, sera justement évalué à la somme de 30 000 euros après prise en compte du partage de responsabilité retenu par le tribunal administratif de Nantes. Il y a lieu, toutefois, de déduire de cette somme le montant de la pension d'invalidité non affecté à la compensation de sa perte de revenus, pour un montant de

2 628 euros (17 850 euros - 15 222 euros). Il en résulte que le département de la Mayenne doit être condamné à lui verser la somme de 27 372 euros.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Quant aux préjudice temporaires :

20. Il résulte de l'instruction que M. H... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 100% pendant ses périodes d'hospitalisation et de rééducation, soit durant environ quatre mois, et de 33% ensuite. Ce préjudice peut être justement évalué à la somme de 5 400 euros.

M. H... a donc droit à une indemnité de 3 240 euros.

21. L'expert a évalué à 5 sur 7 les souffrances endurées par M. H.... Il y a lieu de confirmer les premiers juges qui lui ont alloué la somme de 9 000 euros au titre de ce chef de préjudice.

Quant aux préjudices permanents :

22. L'expert a fixé à 33% le déficit fonctionnel permanent de M. H.... Les premiers juges ont correctement évalué ce préjudice en accordant à M. H... la somme de 48 000 euros.

23. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de porter à 1 000 euros la somme allouée à M. H... au titre de son préjudice esthétique, évalué à 2 sur 7 par l'expert.

24. Le préjudice sexuel de M. H... a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 3 000 euros.

Sur les préjudices de M. C... H... et de Mme D... H... :

25. Il résulte de l'instruction que M. et Mme H... ont engagé des frais de transport pour rendre visite à leur fils durant ses périodes d'hospitalisation et de rééducation, dont il sera fait une juste évaluation en condamnant le département de la Mayenne à leur verser la somme totale de 1 500 euros, somme tenant compte du partage de responsabilité fixé par le tribunal administratif de Nantes.

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de confirmer les premiers juges qui ont accordé 1 800 euros chacun à M. et Mme H... au titre de leur préjudice moral.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 71 420,70 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le département de la Mayenne à verser à M. H... et autres doit être portée à 150 743 euros, dont 145 643 euros pour M. A... H... et

5 100 euros pour M. C... et Mme D... H....

Sur les droits de la CPAM de la Mayenne :

28. La CPAM de la Mayenne justifie avoir exposé au bénéfice de M. H... des frais d'hospitalisation, des frais pharmaceutiques et des frais de transport pour un montant total de 2 435,82 euros. Il y a donc lieu de mettre 60% de cette somme, soit 1 461,49 euros, à la charge du département de la Mayenne.

29. Il résulte de l'instruction que la CPAM de la Mayenne a versé à M. H... depuis le 1er novembre 2015 une somme de 17 850 euros au titre de sa pension d'invalidité. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 et 19 que la somme totale due par le département de la Mayenne au titre des préjudices professionnels de M. H... entre le 1er novembre 2015 et la date du présent arrêt est de 45 222 euros et que M. H... a droit à la somme de 27 372 euros. Il y a donc lieu de condamner le département de la Mayenne à verser le solde à la CPAM de la Mayenne, soit la somme de 17 850 euros.

30. Eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. Par suite, et dès lors que le département de la Mayenne s'est expressément opposé à un tel versement en capital, il y a lieu de le condamner à rembourser à la CPAM de la Mayenne ses débours futurs au fur et à mesure de leur engagement et sur justificatifs.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

31. Aux termes de l'arrêté du 27 décembre 2019 visé ci-dessus : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 108 € et à 1 091 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2020 ". En vertu de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Mayenne la somme de 1 091 euros à verser à la CPAM de la Mayenne.

Sur les frais liés au litige :

32. Il y a lieu de mettre définitivement à la charge du département de la Mayenne les frais d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du 2 décembre 2016 du président du tribunal administratif de Nantes à la somme de 2 550,60 euros.

33. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de département de la Mayenne des sommes de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. H... et par la CPAM de la Mayenne et non compris dans les dépens

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 71 420,70 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le département de la Mayenne à verser à M. H... et autres est portée à 150 743 euros.

Article 2 : La somme totale de 9 935,83 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le département de la Mayenne à verser à la CPAM de la Mayenne est portée à 19 311,49 euros.

Article 3 : Le département de la Mayenne versera à la CPAM de la Mayenne ses débours futurs au fur et à mesure de leur engagement et sur justificatifs.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. H... et par la CPAM de la Loire-Atlantique est rejeté.

Article 6 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 550,60 euros sont mis à la charge définitive du département de la Mayenne.

Article 7 : Le département de la Mayenne versera la somme de 1 091 euros à la CPAM de la Mayenne au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 8 : Le département de la Mayenne versera à M. H... et autres la somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le département de la Mayenne versera à la CPAM de la Mayenne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... H..., à M. C... H..., à Mme D... H..., au département de la Mayenne, au pôle national RCT travailleurs indépendants et à la CPAM de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président,

- M. F..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.

Le rapporteur

E. F...Le président

C. Brisson

Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT00667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00667
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-16;19nt00667 ?
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