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09/10/2020 | FRANCE | N°19NT02554

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 octobre 2020, 19NT02554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de liquider pour la troisième fois l'astreinte prononcée par le tribunal administratif de Nantes dans son jugement n°1507358 du 22 mars 2016 qui enjoignait au préfet de la Loire-Atlantique de prendre une nouvelle décision fixant le montant de référence de ses droits à paiement unique au titre des années 2006 à 2013.

Par un jugement n° 1803394 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser la somme de 40 0

00 euros à M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de liquider pour la troisième fois l'astreinte prononcée par le tribunal administratif de Nantes dans son jugement n°1507358 du 22 mars 2016 qui enjoignait au préfet de la Loire-Atlantique de prendre une nouvelle décision fixant le montant de référence de ses droits à paiement unique au titre des années 2006 à 2013.

Par un jugement n° 1803394 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser la somme de 40 000 euros à M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juillet 2019 et 8 janvier 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2019 ;

2°) de liquider à titre définitif l'astreinte prononcée par le jugement n°1507358 du

22 mars 2016 à hauteur de 20 000 euros.

Il soutient que :

- alors qu'il n'est désormais plus possible, pour des raisons informatiques et règlementaires, de modifier pour le passé la valeur des anciens droits à paiement unique (DPU), la somme de 55 000 euros que le préfet de la Loire-Atlantique a versée à M. B..., par une décision du 28 mai 2018, en exécution du jugement n° 1505421 du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2018, intègre la revalorisation de ses DPU pour la période 2006-2014 ; les jugements n°s 1000125, 1003113, 1004469, 1100491, 1200163, 1300175 et 1404174 du tribunal administratif de Nantes du 28 novembre 2014 ont donc été pleinement exécutés ; par suite, l'astreinte devait être définitivement liquidée pour la période courant du 28 juin 2017 au

28 mai 2018 pour un montant maximal de 50 100 euros, qu'il y a lieu en l'espèce de réduire à la somme de 20 000 euros ;

- les premiers juges ont méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n°1506794 du 1er février 2018 du tribunal administratif de Nantes ;

- les droits à paiement de base (DPB) de M. B... pour les années 2015 et suivantes ont été revalorisés ; les premiers juges ont donc commis une erreur de fait sur ce point ;

- les moyens soulevés par M. B... au soutien de ses conclusions incidentes ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 21 octobre 2019 et 27 janvier 2020 M. A... B..., représenté par Me C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la somme de 40 000 euros que l'Etat a été condamné à lui verser par le jugement attaqué soit portée à 96 600 euros ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne sont pas fondés ;

- c'est à tort que les premiers juges ont modéré l'astreinte ; il y a donc lieu de la liquider à la somme de 96 600 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de M. E..., représentant le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et de Me C..., représentant M. B....

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 22 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., éleveur de vaches laitières en Loire-Atlantique, a souscrit entre 2000 et 2002 des engagements agroenvironnementaux qui n'ont pas été pris en compte dans le calcul du montant de référence de ses droits à paiement unique (DPU). Les décisions par lesquelles le préfet de la Loire-Atlantique a notifié ses DPU à M. B... pour la période 2006-2014 ont, pour ce motif, été annulées par des jugements nos 1000125, 1003113, 1004469, 1100491, 1200163, 1300175 et 1404174 du tribunal administratif de Nantes du 28 novembre 2014. Saisi par M. B... d'un recours en exécution de ces six jugements, le tribunal administratif de Nantes, par un nouveau jugement n° 1507358 du 22 mars 2016, a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de " prendre une nouvelle décision fixant le montant de référence des droits à paiement unique de M. B... au titre des années 2006 à 2013, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 150 euros (cent cinquante euros) par jour de retard. ". Par des jugements du 29 septembre 2016 puis du 4 juillet 2017 le tribunal administratif de Nantes, après avoir constaté que l'injonction ainsi prononcée n'avait pas été exécutée, a liquidé l'astreinte provisoire dont elle était assortie en condamnant l'Etat à verser à M. B... les sommes de 15 000 puis de 30 000 euros. Par un jugement n° 1505421 du 1er février 2018, le tribunal administratif de Nantes a par ailleurs condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 55 000 euros au titre du préjudice subi par lui entre 2006 et 2014 du fait de la minoration de ses DPU. Par un jugement n° 1803394 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes, saisi à nouveau par M. B..., a liquidé une troisième fois l'astreinte prononcée par le jugement n° 1507358 du 22 mars 2016 en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 40 000 euros. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel de ce dernier jugement. M. B..., par la voie de l'appel incident, demande que la somme qui lui a été accordée soit portée à 96 600 euros.

2. Aux termes de l'article L. 911-3 du code de justice administrative : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ". Selon l'article L. 911-6 du même code : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif (...) ". Enfin, l'article L. 911-7 du même code dispose : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ".

3. Le juge de l'exécution saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, aux fins de liquidation d'une astreinte précédemment prononcée peut la modérer ou la supprimer, même en cas d'inexécution constatée, compte tenu notamment des diligences accomplies par l'administration en vue de procéder à l'exécution de la chose jugée. Il n'a cependant pas le pouvoir de remettre en cause les mesures décidées par le dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution est demandée.

4. En premier lieu, le ministre ne saurait utilement soulever les moyens tirés de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par le jugement n°1506794 du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2018, dont l'objet était distinct des autres jugements rendus depuis 2014 en faveur de M. B..., ni de l'erreur de fait dont serait selon lui entaché le jugement attaqué s'agissant de l'impact du calcul des DPU de M. B... sur les sommes qui lui ont été versées depuis 2015 au titre des DPB.

5. En second lieu, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation soutient que le préfet de la Loire-Atlantique a exécuté les jugements nos 1000125, 1003113, 1004469, 1100491, 1200163, 1300175 et 1404174 du tribunal administratif de Nantes du 28 novembre 2014 par une décision du 28 mai 2018 portant versement à M. B... de la somme de 55 000 euros que l'Etat a été condamné à lui verser par le jugement n° 1505421 du 1er février 2018. Il fait valoir que cette somme de 55 000 euros doit être regardée comme couvrant la revalorisation des DPU de M. B... pour la période concernée ou comme produisant un effet équivalent à cette revalorisation. Il en déduit que les premiers juges devaient liquider définitivement l'astreinte pour la période courant du 28 juin 2017 au 28 mai 2018. Toutefois, l'exécution d'un jugement indemnitaire ne saurait être regardée comme valant exécution d'un autre jugement ayant prononcé une injonction, et il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué par le ministre qu'une nouvelle décision permettant à M. B... de connaître le montant de référence de ses DPU lui aurait été notifiée. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'Etat n'avait pas exécuté le jugement n° 1507358 du 22 mars 2016.

6. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des diligences accomplies par l'administration en vue de procéder à l'exécution de la chose jugée, en particulier des sommes versées à M. B... dans les conditions rappelées au point 5, ainsi que des obstacles réglementaires et informatiques à l'établissement de nouvelles règles, conformes au cadre communautaire, permettant de calculer le montant de référence des DPU des agriculteurs ayant souscrit des engagements agroenvironnementaux entre 2000 et 2002, qui rendent impossible l'exécution du jugement du 22 mars 2016, il y a lieu de juger que l'astreinte due à M. B... pour la période allant du 28 juin 2017 au 28 mai 2018 sera liquidée de manière définitive, et d'en fixer le montant à la somme de 20 000 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à demander la réformation du jugement attaqué dans la mesure indiquée au point précédent, et que les conclusions incidentes présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 40 000 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. B... à titre d'astreinte est ramenée à 20 000 euros.

Article 2 : Le jugement n°1803394 du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. B... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Brisson, président assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.

Le rapporteur

E. D...Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02554
Date de la décision : 09/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL BARBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-09;19nt02554 ?
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