La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2020 | FRANCE | N°18NT04526

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 octobre 2020, 18NT04526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... E... et Mme M... N... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel à leur verser la somme de 220 561,01 euros en réparation de leur préjudice.

Par deux jugements rendus sous le n° 1600248 des 19 juin 2018 et 23 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a, d'abord, sursis à statuer afin que lui soit produit tout document permettant de déterminer la valeur vénale du terrain situé route d'Orléans à Saint-Denis-de-l'Hôtel, dont i

ls sont propriétaires et ensuite, condamné la commune à verser à M. E... et Mme N.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... E... et Mme M... N... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel à leur verser la somme de 220 561,01 euros en réparation de leur préjudice.

Par deux jugements rendus sous le n° 1600248 des 19 juin 2018 et 23 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a, d'abord, sursis à statuer afin que lui soit produit tout document permettant de déterminer la valeur vénale du terrain situé route d'Orléans à Saint-Denis-de-l'Hôtel, dont ils sont propriétaires et ensuite, condamné la commune à verser à M. E... et Mme N... la somme de 217 561,01 euros en réparation du préjudice résultant de l'inconstructibilité de leur propriété.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 décembre 2018 et le 4 avril 2020, la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel, représentée par Me Derec, demande à la cour :

1°) d'annuler ces jugements du tribunal administratif d'Orléans du 19 juin et du 23 octobre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. E... et de Mme N... ;

3°) subsidiairement de limiter leur indemnisation au remboursement des frais d'acte et des frais financiers et d'assurance qu'ils ont exposés entre la date d'acquisition de leur terrain le 28 mai 2008 et l'offre de son rachat par la commune le 1er juillet 2010.

4°) de mettre à la charge de M. E... et de Mme N... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute en ne s'opposant pas à la déclaration préalable de lotissement ;

- M. E... et Mme N... n'ont subi aucun préjudice ou, si celui-ci était retenu, il ne pourrait pas être supérieur au remboursement des frais d'acte et des frais financiers et d'assurance qu'ils ont exposés entre la date d'acquisition de leur terrain le 28 mai 2008 et l'offre de son rachat par la commune le 1er juillet 2010.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin 2019, 28 avril 2020 et 6 septembre 2020, M. E... et Mme N..., représentés par Me Tardif, concluent au rejet de la requête, à ce que la somme à laquelle la commune sera condamnée porte intérêt à compter du 21 septembre 2015 avec capitalisation des intérêts et que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la prescription quadriennale ne peut avoir commencé à courir avant le 1er janvier 2013 ;

- le décret du 13 décembre 1952 classe à grande circulation la N 60 de Nancy à Orléans par Troyes dans sa partie comprise entre la N 4 (à Toul) et la N 152 (à Chateauneuf-sur-Loire) excluant la partie comprise entre Chateauneuf-sur-Loire et Orléans mais le même décret classe à grande circulation la N 152 sur toute sa longueur ; ainsi la portion entre Châteauneuf-sur-Loire et Orléans, qui passe à Saint-Denis-de-l'Hôtel, était classée à grande circulation au titre de la N 152.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret du 13 septembre 1952 ;

- le décret n° 2009-615 du 3 juin 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme Brisson, président-assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Douet,

- les conclusions de M. Giraud,

- les observations de Me Lebel-Daycard, substituant Me Derec, représentant la commune de Saint-Denis de l'Hôtel, et les observations de Me Tardif, représentant M. B... et Mme N....

M. B... et Mme N... ont produit une note en délibéré, enregistrée le 22 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 octobre 2007, Mme G... K... et Mme L... K... ont obtenu un certificat d'urbanisme positif pour la réalisation d'une habitation mono-familiale sur un terrain A d'une superficie de 5 700 m², et une seconde habitation mono-familiale sur un terrain B d'une superficie équivalente. Le 3 avril 2008, Mmes K... ont déposé une déclaration préalable en vue de la réalisation de deux lots à bâtir, sur des parcelles cadastrées ZD nos 17, 20, 21, 22, 23 et 25, situées route d'Orléans à Saint-Denis-de-l'Hôtel, sur un terrain d'une superficie de 11 064 m². Le projet consistait en la réalisation d'une construction à usage d'habitation mono-familiale sur chacun des lots. Par un arrêté du 24 avril 2008, le maire de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel n'a pas fait opposition à la déclaration préalable. Le certificat d'achèvement de ce lotissement a été réceptionné par la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel le 16 juin 2008. M. E... et Mme N... ont déposé une demande de permis de construire le 21 décembre 2009 concernant la construction d'une habitation individuelle située sur les parcelles cadastrées ZD nos 86, 90, 91 et 92, issues de la division des parcelles ZD nos 17, 20, 21, 22, 23 et 25, complétée le 18 janvier 2010. Ils ont obtenu un permis tacite le 18 mars 2010. Par un arrêté du 17 mai 2010, le maire de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel a rapporté ce permis de construire et a sursis à statuer sur la demande de permis de construire. Par un arrêté du 11 juillet 2011, le maire leur a de nouveau refusé un permis de construire pour le même projet, en se fondant sur le nouveau plan local d'urbanisme (PLU) adopté par délibération du 24 février 2011. Par arrêté du 29 novembre 2012, le maire leur a de nouveau refusé un permis de construire pour le même projet, en se fondant, cette fois-ci, sur les dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme. Par un jugement du 1er avril 2014 devenu définitif, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. E... et Mme N... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 30 avril 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'arrêté du 17 mai 2010 en tant que le maire de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel a sursis à statuer sur la demande de permis de construire et a rejeté la requête en tant qu'elle portait sur la décision de retrait du permis de construire. M. E... et Mme N... ont présenté une réclamation préalable indemnitaire devant la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel, le 21 septembre 2015. Par un jugement avant dire droit du 19 juin 2018, le tribunal administratif d'Orléans a jugé que l'illégalité de l'arrêté de non opposition à déclaration préalable du 24 avril 2008 était constitutive d'une faute de la commune et sursis à statuer sur les conclusions de la requête. Puis, par un second jugement du 23 octobre 2018, le tribunal a condamné la commune à verser à M. E... et à Mme N... la somme de 217 561,01 euros en réparation du préjudice résultant pour eux de l'inconstructibilité de leur propriété. La commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel relève appel de ces jugements.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision de non-opposition à déclaration préalable du 24 avril 2008 : " Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ". Il résulte de l'article L. 442-3 du même code que les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d'un permis d'aménager en application du décret pris sur le fondement de l'article L. 442-2 doivent faire l'objet d'une déclaration préalable.

3. Le premier alinéa de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, relatif au plan local d'urbanisme, dispose que : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan ". Aux termes de l'article L. 111-1 du même code, alors applicable, relatif aux règles générales de l'urbanisme : " Les règles générales applicables, en dehors de la production agricole en matière d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne la localisation, la desserte, l'implantation et l'architecture des constructions, le mode de clôture et la tenue décente des propriétés foncières et des constructions, sont déterminées par des décrets en Conseil d'Etat. / Ces décrets en Conseil d'Etat peuvent prévoir les conditions dans lesquelles des dérogations aux règles qu'ils édictent sont apportées dans certains territoires. / Les règles générales mentionnées ci-dessus s'appliquent dans toutes les communes à l'exception des territoires dotés d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé, ou du document en tenant lieu. Un décret en Conseil d'Etat fixe celles de ces règles qui sont ou peuvent néanmoins demeurer applicables sur les territoires couverts par ces documents ". Aux termes de l'article L. 111-1-4 du même code alors applicable : " En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation. / Le plan local d'urbanisme, ou un document d'urbanisme en tenant lieu, peut fixer des règles d'implantation différentes de celles prévues par le présent article lorsqu'il comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, que ces règles sont compatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 111-1 du même code, relatif aux règles générales de l'urbanisme, dans sa version applicable : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux constructions, aménagements, installations et travaux faisant l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une déclaration préalable ainsi qu'aux autres utilisations du sol régies par le présent code. Toutefois a) Les dispositions des articles R. 111-3, R. 111-5 à 111-14, R. 111-16 à R. 111-20 et R. 111-22 à R. 111-24-2 ne sont pas applicables dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ". Enfin, aux termes de l'article L. 421-6 du même code alors applicable : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent dès lors respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient à l'autorité compétente, dans tous les cas, de s'opposer à une déclaration préalable portant sur un lotissement situé dans un secteur que ces règles rendent inconstructible.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du décret du 13 septembre 1952 portant nomenclature des voies à grande circulation que la RN 60, avant qu'elle ne devienne la RD 960, n'était classée route à grande circulation que sur la partie suivante : " 60- De Nancy à Orléans par Troyes. - Sur toute sa longueur, de la N.4 (à Toul) à la N 152 (à Châteauneuf-sur-Loire) (...)- Tronc commun avec la N 64 à Vaucouleurs, la N 19 à Troyes et la N 5 entre Theil et Sens ". Ainsi, cette voie n'était classée route à grande circulation que sur une partie seulement de son tracé et, en particulier, ne l'était pas sur la portion comprise entre Châteauneuf-sur-Loire et Orléans, sur laquelle se trouve la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel. Le décret du 13 décembre 1952 classe également à grande vitesse la RN 152 " de Briare à Angers par la rive droite de la Loire - sur toute sa longueur, de la N 7 (au nord de Briare à Angers) - Tronc commun avec la N 138 à Saumur ". Contrairement à ce qu'affirment M. B... et Mme N... il ne ressort pas des termes de ce décret qu'un tronçon de la RN 152 serait commun à la RN 60 sur la portion entre Chateauneuf-sur-Loire et Orléans. Ce n'est qu'à compter du 5 juin 2009, date de publication du décret n° 2009-615 du 3 juin 2009 fixant la liste des routes à grande circulation, que le tronçon compris entre Saint-Jean-de-Braye et Châteauneuf-sur-Loire, au bord duquel sont situés les terrains en litige, a été classé voie à grande circulation. Ainsi, à la date de la décision de non-opposition à déclaration préalable du 24 avril 2008, les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme n'étaient pas applicables dès lors que la RN 60, puis dénommée RD 960, qui jouxtait les terrains des requérants, n'était pas une route à grande circulation. Dès lors, le maire, en accordant l'autorisation de lotir aux consorts K... n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de la commune et ainsi, les conclusions indemnitaires présentées par M. E... et Mme N..., fondées sur l'illégalité de cette décision au regard des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ne peuvent être accueillies.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée, que la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à la demande de M. E... et de Mme N....

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. E... et Mme N... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... et de Mme N... le versement à la commune de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1600248 du 19 juin 2018 et 23 octobre 2018 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. E... et Mme N... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3: Les conclusions de M. E... et de Mme N... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel, à M. J... E... et à Mme M... N....

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Douet, président-assesseur,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.

Le rapporteur,

H. Douet

La présidente,

C. Brisson

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04526
Date de la décision : 09/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL DEREC

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-09;18nt04526 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award