Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 avril 2017 par laquelle le préfet de la Sarthe a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par son époux au titre de la procédure de regroupement familial.
Par un jugement n° 1704588 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrés les 9 juillet 2019 et 11 juillet 2019, Mme A... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal, de faire droit à la demande de regroupement familial la concernant dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ; l'exclusion d'un membre de la famille résidant irrégulièrement sur le territoire français, prévue par l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, n'est qu'une faculté ouverte au préfet ; c'est ainsi à tort que le préfet de la Sarthe, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation, s'est estimé lié par ces stipulations ;
- le préfet de la Sarthe a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2020, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Par une décision du 5 septembre 2019, Mme A... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., ressortissante algérienne née le 4 janvier 1987, a épousé M. F... A... D... le 20 janvier 2015 à Bouharoun en Algérie. M. A... D..., également de nationalité algérienne, est titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 11 février 2024. M. A... D... a souhaité que son épouse la rejoigne en France et a formé une première demande de regroupement familial. Cette demande a cependant été refusée par une décision du 10 juillet 2015, en raison de l'insuffisance de revenus de M. A... D.... Quelques mois plus tard, le 27 février 2016, Mme A... D... est entrée en France munie d'un visa de court séjour touristique. Elle s'est toutefois maintenue sur le territoire français après l'expiration de ce visa. Elle a ensuite donné naissance le 10 décembre 2016 à l'enfant G... A... D... au Mans. M. A... D... a alors formé une seconde demande de regroupement familial au profit de son épouse. Par une décision du 24 avril 2017, le préfet de la Sarthe a refusé cette demande. Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Par un jugement n° 1704588 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme A... D... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de la requête présentée par Mme A... D... devant le tribunal administratif de Nantes que celle-ci ne contentait l'exposé d'aucun moyen. Le tribunal administratif a, de manière bienveillante, considéré que Mme A... D... devait être regardée comme soulevant le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, il ne peut être reproché aux premiers juges d'avoir omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, qui n'était pas soulevé par la requérante. Par suite, Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Peut être exclu de regroupement familial : / (...) 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. (...) ".
4. Il résulte de ces stipulations que lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions citées au point 3, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Sarthe se serait estimé lié par les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien citées au point 3.
6. En deuxième lieu, ces dispositions de l'article 4 de l'accord franco-algérien qui permettent au préfet de refuser le regroupement familial à un étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français visent notamment à éviter que les étrangers rejoignent un membre de leur famille en France avant que la demande de regroupement familial ne leur ait été accordée. Ainsi, en épousant M. A... D..., la requérante ne pouvait ignorer qu'elle ne serait en mesure de le rejoindre en France que sous réserve d'une autorisation délivrée au titre du regroupement familial. Dans ces conditions, le retour en Algérie de Mme A... D... et de ses deux enfants ne saurait porter à cette dernière une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. En outre, si Mme A... D... fait valoir qu'elle vivait en France depuis plus d'un an à la date de la décision contestée, qu'elle s'occupe des enfants de M. A... D... issu d'une précédente union, qu'elle parle couramment le français, qu'elle n'a plus d'attaches en Algérie, que sa soeur vit en France et qu'elle a noué en France des relations amicales, ces éléments ne suffisent pas à établir que le préfet de la Sarthe aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Il suit de là que le préfet de la Sarthe n'a méconnu ni les stipulations de l'article 4 de la convention franco-algérienne ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02709