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08/10/2020 | FRANCE | N°18NT01750

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 08 octobre 2020, 18NT01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Les Bordes Golf International (LBGI) a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 et, à titre subsidiaire, d'ordonner le report en avant des déficits fiscaux détenus à la clôture de l'exercice 2010 sur le bénéfice 2012 reconstitué à

l'issue de la vérification de comptabilité.

Par un jugement n° 1700354 du 27 février ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Les Bordes Golf International (LBGI) a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 et, à titre subsidiaire, d'ordonner le report en avant des déficits fiscaux détenus à la clôture de l'exercice 2010 sur le bénéfice 2012 reconstitué à l'issue de la vérification de comptabilité.

Par un jugement n° 1700354 du 27 février 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 avril 2018, 25 juin 2018, 9 octobre 2018, 18 décembre 2018, 19 décembre 2018, 11 septembre 2019 et 5 novembre 2019, la SAS LBGI, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner la désignation d'un expert financier ayant pour mission de confirmer que le taux d'emprunt de 14% appliqué par la société LBH à LBGI est conforme à un taux de marché ;

3°) de prononcer, à titre principal, cette décharge et, à titre subsidiaire, ce report en avant des déficits ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité en raison de l'absence de débat oral et contradictoire ;

- les travaux de terrassement et d'aménagement en vue de la pratique du golf qu'elle a réalisés pouvaient faire l'objet d'un amortissement ;

- les services facturés par la société Rosaryville correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ; ces frais correspondent aux honoraires relatifs aux prestations d'expertise financière réalisées par M. A... C..., pour un montant de 151 859 euros ; M. A... C... agissait pour le compte de la société Rosaryville ;

- la comptabilisation d'une provision pour créance douteuse, d'un montant de 2 609 526 euros, est conforme aux règles posées par le 5° de l'article 39 du code général des impôts ; cette provision est notamment justifiée par la situation financière de la société LBBA au 31 décembre 2012 et par l'envoi de plusieurs mises en demeure ;

- s'agissant du prêt accordé par sa société mère LBH, le taux de 14% correspond au taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, au sens du I de l'article 212 du code général des impôts ;

- en application du paragraphe 40 de l'instruction BOI-IS-BASE-35-20-30-20 du 29 mars 2013 et du paragraphe 80 de l'instruction BOI-IS-BASE-35-20-30-10 du 29 mars 2013, le calcul du ratio d'endettement mentionné au III de l'article 212 du code général des impôts peut s'effectuer en remplaçant les capitaux propres par le capital social ; en procédant de la sorte, elle peut bénéficier de l'exception prévue au III de l'article 212 de ce code, son ratio d'endettement ainsi calculé étant inférieur au ratio d'endettement du groupe ;

- à titre subsidiaire, en application du paragraphe 60 de l'instruction BOI-IS-BASE-35-20-30-10 du 29 mars 2013, elle pouvait, pour le calcul de la limite prévue au a du 1 du II de l'article 212 du code général des impôts, ajouter au montant des capitaux propres la somme de 21 131 442,49 euros qui relève de la catégorie comptable des " autres fonds propres " ; en procédant de la sorte, la limite prévue au a du 1 du II de l'article 212 du code général des impôts s'élève à 784 332 euros ;

- ces intérêts ont fait l'objet d'une double imposition puisqu'ils ont été imposés à Chypre au taux de 10 % ; en pareil cas, la convention européenne d'arbitrage est applicable et enjoint aux Etats de trouver un accord ;

- à titre subsidiaire, les paragraphes 70 et 80 de l'instruction BOI-IS-DEF-20-10-20120912 concernant le report en arrière sur le bénéfice 2012 reconstitué à l'issue de la vérification de comptabilité des déficits fiscaux détenus à la clôture de l'exercice 2010.

Par des mémoires, enregistrés les 15 novembre 2018, 21 février 2019 et 25 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Des pièces complémentaires ont été enregistrées pour la SAS LBGI le 24 septembre 2020, à 9h30, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale signée entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Chypre le 18 décembre 1981 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la SAS LBGI.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Les Bordes Golf International (LBGI), qui exploite un terrain de golf à Saint-Laurent Nouan, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. A l'issue de ce contrôle, l'administration a mis à la charge de cette société, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source. Après mise en recouvrement et rejet partiel de sa réclamation, la SAS LBGI a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des impositions restant en litige, pour un montant total de 773 858 euros. Par un jugement n° 1700354 du 27 février 2018, le tribunal administratif a rejeté se demande. La SAS LBGI relève appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire, que la société reprend en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la dotation aux amortissements relative aux aménagements du terrain de golf :

3. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ".

4. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des amortissements qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

5. En l'espèce, la société LBGI a pratiqué un amortissement sur une durée de 99 ans des travaux de terrassement et d'aménagement qu'elle a réalisés en vue de la pratique du golf, pour un montant de 1 389 646 euros. Si la société soutient que ces aménagements se dégradent avec le temps et ne constituent donc pas une amélioration permanente du terrain, elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de cette allégation. La société n'apporte au demeurant aucune précision sur la nature exacte de ces travaux. Par suite, c'est à bon droit que le service a remis en cause cet amortissement

En ce qui concerne les services facturés par la société Rosaryville International Holdings Ltd :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : " Les intérêts, arrérages (...) ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. (...) Les premier et troisième alinéas s'appliquent également à tout versement effectué sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un des Etats ou territoires visés, respectivement, aux premier et troisième alinéas. ".

7. En l'espèce, le service a remis en cause la déduction d'une somme de 151 859 euros facturés par la société Rosaryville International Holdings Ltd, dont le siège est situé dans les Iles Vierges britanniques, correspondant à des prestations d'expertise financière. Le règlement de ces factures a été effectué sur un compte situé à Chypre. L'administration fiscale a également considéré qu'il s'agissait d'une distribution et a donc appliqué une retenue à la source sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts. La société fait valoir que ces prestations visaient à rémunérer le travail effectué par M. A... C..., qui assurait une mission équivalente à celle d'un directeur administratif et financier. La réalité des prestations d'expertise financière réalisées par M. C... n'est pas remise en cause par l'administration fiscale. Toutefois, il est constant que le " consultancy agreement " du 14 mars 2008 dont se prévaut la société LBGI n'a pas été signé avec la société Rosaryville, mais avec M. C... lui-même. Ce document ne fait en outre aucunement mention de la société Rosaryville. Les factures émises par la société Rosaryville en 2012 ne font pas non plus mention d'une mise à disposition de M. C.... Le seul fait qu'il existe une relative concordance entre les honoraires de M. C... figurant sur le " consultancy agreement " du 14 mars 2008 et les montants facturés par la société Rosaryville ne suffit pas à démontrer que les factures émises par la société Rosaryville correspondent aux prestations réalisées par M. C.... De même, si la société produit une attestation du 20 novembre 2014 du directeur de la société Rosaryville, indiquant que les factures adressées à la société LBGI concernent exclusivement les prestations de M. C..., cette attestation, qui ne comporte aucun détail sur les prestations réalisées et a été rédigée postérieurement aux opérations de contrôle, ne permet pas davantage de démontrer que les factures émises par la société Rosaryville correspondent aux prestations effectuées par M. C.... Il en va de même de l'attestation de l'expert-comptable de la société LBGI et de l'attestation d'une salariée de la société, qui se bornent à affirmer que les factures de la société Rosaryville correspondent aux prestations réalisées par M. C.... Ainsi aucun des éléments produits par la société ne permet de démontrer que les factures émises par la société Rosaryville correspondaient à la facturation de ces prestations. Il suit de là que la société LBGI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de ces factures et a appliqué la retenue à la source sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...). Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) ".

9. La société fait valoir, à titre subsidiaire, qu'elle était à tout le moins en droit de déduire le montant correspondant aux prestations réalisées par M. C..., sur le fondement du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Cependant, il est constant que la société n'a produit aucune facture émise par M. C.... Elle n'a pas davantage, pour pallier l'absence de factures, justifié du versement effectif des sommes correspondant à ces prestations. Il ressort d'ailleurs de l'attestation de Mme D..., salariée de la société LBGI, que seuls 33 000 euros auraient été payés par la société LBGI à la société Rosaryville. La société LBGI n'apportant pas la preuve du versement de cette somme de 33 000 euros, et en l'absence de factures émises par M. C..., elle n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle aurait pu déduire les charges correspondant aux prestations de M. C... sur le fondement du 1 de l'article 39 du code général des impôts.

10. En troisième lieu, la société se prévaut, à titre subsidiaire, s'agissant de la retenue à la source, de la convention fiscale signée entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Chypre le 18 décembre 1981 en vue d'éviter les doubles impositions. La société fait valoir que la société Rosaryville dispose d'un établissement permanent à Chypre, ainsi que d'un compte bancaire, et que tant le représentant de cette société que M. C... sont résidents chypriotes. Toutefois, la société ne justifie ni même n'allègue que la société Rosaryville a été imposée pour les mêmes sommes à Chypre. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

11. En dernier lieu, la société soutient, à titre subsidiaire, que la retenue à la source aurait dû être calculée sur le montant de 33 000 euros. Cependant, ni l'attestation de Mme D..., salariée de la société, ni l'attestation de l'expert-comptable de la société ne suffisent à démontrer que, au cours de l'année 2012, la société aurait versé un montant de 33 000 euros. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la provision pour dépréciation du compte courant d'associé de la société Les Bordes Bel Air (LBBA) :

12. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par l'entreprise à la condition, d'une part, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, d'autre part, que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante.

13. En l'espèce, l'administration fiscale a remis en cause une provision pour créance douteuse d'un montant de 2 609 526 euros. La société fait valoir qu'elle détenait sur sa filiale la société LBBA une créance de 6 091 800,38 euros figurant en compte courant d'associé, et que la provision pour dépréciation d'un montant de 2 609 526 euros correspondait à l'actif net négatif de la société LBBA. D'une part, si la société fait valoir qu'une procédure d'alerte a été ouverte en 2012, cette procédure ne portait pas sur la situation de sa filiale, mais sur sa propre situation financière. D'autre part, si la société fait valoir qu'elle avait intégralement déprécié les titres de LBBA dans ses comptes, qu'elle a mis à plusieurs reprises la société LBBA en demeure de lui rembourser cette créance et qu'il ressort du rapport du commissaire aux comptes de la société LBBA que la continuité cette société dépendait des avances de trésorerie, ces éléments ne permettent pas de caractériser une situation financière notoirement difficile et le caractère improbable du redressement de cette filiale. En outre, l'administration fiscale rappelle, d'une part, que la société LBBA a été en mesure de rembourser 1,25 millions d'euros entre septembre et décembre 2012, et, d'autre part, qu'il ressort du même rapport du commissaire aux comptes, concernant l'exercice clos au 31 décembre 2012, que la société LBGI s'était engagée à procéder à de nouvelles avances de trésorerie au bénéfice de sa filiale. Dès lors, c'est à bon droit que le service a remis en cause la déduction de cette provision.

En ce qui concerne les intérêts versés à la société les Bordes Holding Ltd (LBH) :

14. Aux termes de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. II. 1. Lorsque le montant des intérêts servis par une entreprise à l'ensemble des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 et déductibles conformément au I excède simultanément au titre d'un même exercice les trois limites suivantes : a) Le produit correspondant au montant desdits intérêts multiplié par le rapport existant entre une fois et demie le montant des capitaux propres, apprécié au choix de l'entreprise à l'ouverture ou à la clôture de l'exercice et le montant moyen des sommes laissées ou mises à disposition par l'ensemble des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 au cours de l'exercice, b) 25 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l'issue du contrat, c) Le montant des intérêts servis à cette entreprise par des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39, la fraction des intérêts excédant la plus élevée de ces limites ne peut être déduite au titre de cet exercice, sauf si cette fraction est inférieure à 150 000 €. (...) III. Les dispositions du II ne s'appliquent pas si l'entreprise apporte la preuve que le ratio d'endettement du groupe auquel elle appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d'endettement au titre de l'exercice mentionné au II. / (...) Le ratio d'endettement de l'entreprise mentionné au premier alinéa correspond au rapport existant entre le montant total de ses dettes et le montant de ses capitaux propres. (...) ".

15. La société chypriote LBH, société mère de la société LBGI, lui a consenti, par convention du 1er janvier 2012, une avance de trésorerie rémunérée au taux de 14%. Pour l'exercice 2012, la charge financière correspondant à ces intérêts s'est élevée à 2 702 286 euros. La société a estimé qu'elle était en mesure de déduire, en application du II de l'article 212 du code général des impôts, une somme de 1 918 083 euros. Le service a remis en cause l'intégralité de cette déduction.

S'agissant du taux d'intérêt mentionné au I de l'article 212 du code général des impôts :

16. La société LBGI soutient que le taux de 14% correspond au taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. Pour ce faire, la société fait valoir que la société chypriote LBH a elle-même souscrit un emprunt rémunéré à un taux de 14% les années suivantes. La société LBGI se prévaut également d'éléments d'ordre généraux relatifs à des prêts dits " mezzanine ". La société précise également que taux de 14% est le taux moyen de rendement des émissions obligataires des émetteurs notés " CCC ". Enfin, la société fait valoir qu'elle se trouvait alors dans une situation financière difficile et qu'elle faisait notamment l'objet d'une procédure d'alerte. Toutefois, la circonstance que la société mère ait emprunté, les années suivantes, au taux de 14% ne saurait constituer une preuve suffisante, la normalité du taux s'appréciant au regard des caractéristiques des prêts et des caractéristiques de l'entreprise emprunteuse. En outre, la société appelante ne justifie pas du fait qu'elle se trouvait dans une situation équivalente à une société souhaitant faire appel à un prêt " mezzanine " ou une société notée " CCC ". S'agissant de l'existence de difficultés financières, celles-ci ne permettent pas, à elles-seules, de justifier d'un taux d'emprunt de 14%. Enfin, le ministre fait valoir, sans être contredit, qu'aucun intérêt n'était demandé par la société mère en cas de paiement à échéance avant la signature de la convention du 1er janvier 2012. Ainsi, la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la normalité de ce taux de 14%. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, c'est à bon droit que le service a estimé que les intérêts étaient déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux de 3,39% prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39, soit 654 339 euros. L'administration n'était par ailleurs pas tenue de proposer un taux intermédiaire. Elle n'a donc pas, en tout état de cause, méconnu son obligation de loyauté.

S'agissant du plafond de déductibilité prévu au II de l'article 212 du code général des impôts :

17. Il n'est pas contesté que les limites prévues aux b et c du II de l'article 212 du code général des impôts étaient négatives. En ce qui concerne la limite prévue au a de cet article, le service a estimé que celle-ci était nulle. Il en a déduit que 654 339 euros d'intérêts calculés en vertu du II de l'article 212 du code n'étaient ainsi pas déductibles, ce montant dépassant les trois limites prévues au II de l'article 212. La société estime cependant que la limite prévue au a de l'article 212 n'était pas nulle, mais s'élevait à 784 332 euros. La société soutient plus précisément que, pour le calcul du montant des capitaux propres, elle était en mesure d'inclure une somme de 21 131 442,49 euros correspondant à l'avance de trésorerie accordée par la société LBH. La société appelante fait valoir qu'en vertu d'un avenant signé avec la société LBH avec effet au 31 décembre 2012, plus aucune date de remboursement n'était prévue et qu'elle pouvait suspendre tout remboursement en cas d'insuffisance de bénéfice. Elle estime en conséquence que cette avance de trésorerie constituait une " avance perpétuelle " assimilable à des fonds propres au sens fiscal.

18. Toutefois, il n'est d'une part pas contesté que, sur le terrain de la loi, l'avance de trésorerie en cause ne saurait être assimilée à des fonds propres. D'autre part, si la société se prévaut du paragraphe 60 de l'instruction BOI-IS-BASE-35-20-30-10 du 29 mars 2013 qui prévoit que le montant des capitaux propres peut être majoré de sommes provenant de l'émission d'instruments financiers hybrides inscrits sur le plan comptable en autres fonds propres, cette même instruction subordonne cette tolérance au fait que la rémunération de cette somme ne soit pas déductible, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Dès lors, la somme de 21 131 442,49 euros ne saurait être assimilée à des fonds propres au sens du a du II de l'article 212 du code général des impôts. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

S'agissant de l'exception prévue au III de l'article 212 du code général des impôts :

19. La société LBGI ne conteste pas le fait que son ratio d'endettement était supérieur au ratio d'endettement du groupe et qu'elle ne pouvait de ce fait, sur le fondement de la loi, bénéficier de l'exception prévue au III de l'article 212 du code général des impôts. La société fait cependant valoir que le paragraphe 40 de l'instruction BOI-IS-BASE-35-20-30-20 du 29 mars 2013, qui renvoie au paragraphe 80 du BOI-IS-BASE-35-20-30-10 du 29 mars 2013, prévoit une mesure de tolérance permettant de remplacer, pour le calcul du ratio d'endettement, les capitaux propres par le capital social. Toutefois, il résulte des termes de cette même instruction BOI-IS-BASE-35-20-30-20 du 29 mars 2013 que cette exception ne peut pas s'appliquer lorsque les capitaux propres sont négatifs, l'entreprise devant alors être considérée comme étant sous-capitalisée. Il suit de là que la société LBGI n'est pas fondée à se prévaloir de cette mesure de tolérance. Enfin, si la société fait valoir que l'administration a méconnu son obligation de loyauté, ce moyen n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

S'agissant de la double imposition :

20. La société fait valoir que les intérêts en cause ont été imposés à Chypre au taux de 10% et qu'en pareil cas, la convention européenne d'arbitrage enjoint aux Etats de trouver un accord afin d'éliminer cette double imposition. Le ministre fait cependant valoir en défense, sans être contredit, qu'aucune demande n'a été formée auprès du ministre chargé du budget et qu'une telle demande serait en tout état de cause tardive, le délai de trois ans expirant au 25 mai 2017. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'imputation des déficits reportables détenus à la clôture de l'exercice 2010 :

21. La société LBGI ne conteste pas le fait que le report en avant de ses déficits fiscaux antérieurs a bien été pris en compte par le service, conformément aux dispositions de l'article 209 du code général des impôts alors applicables. La société se prévaut cependant d'une mesure de tempérament prévue par les paragraphes 70 et 80 du BOI-IS-DEF-20-10-20120912. Toutefois, cette instruction est relative aux conditions de report en arrière des déficits, alors que la société pour sollicite un report en avant des déficits détenus à la clôture de l'exercice 2010. La société n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir de cette instruction. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société LBGI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS LBGI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Les Bordes Golfe International et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

La greffière,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 18NT017502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01750
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LPA CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-08;18nt01750 ?
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