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01/10/2020 | FRANCE | N°19NT02508

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2020, 19NT02508


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juin 2019 et le 19 juin 2020, l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", le centre équestre " Poney Evasion ", M. G... AG..., Mme W... F..., M. et Mme X... Y..., M. et Mme E... P..., M. et Mme O... V..., M. X... V..., Mme AA... AJ..., M. AB... AJ..., M. et Mme R... N..., M. L... K..., M. et Mme AC... AE..., M. D... C..., Mme Z... B..., M. S..., Mme AI... AD..., M. et Mme Q... O..., M. et Mme J... H..., Mme I... AF..., représentés par la SELAS de Bodinat - Echezar, demandent à la cour :

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) d'annuler l'arrêté du 28 février 2019 par lequel le préfet de Main...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juin 2019 et le 19 juin 2020, l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", le centre équestre " Poney Evasion ", M. G... AG..., Mme W... F..., M. et Mme X... Y..., M. et Mme E... P..., M. et Mme O... V..., M. X... V..., Mme AA... AJ..., M. AB... AJ..., M. et Mme R... N..., M. L... K..., M. et Mme AC... AE..., M. D... C..., Mme Z... B..., M. S..., Mme AI... AD..., M. et Mme Q... O..., M. et Mme J... H..., Mme I... AF..., représentés par la SELAS de Bodinat - Echezar, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a autorisé la société Ferme Eolienne du Pays de Flée à exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de la Ferrière-de-Flée et de Saint-Sauveur-de-Flée (Commune nouvelle de Segré-en-Anjou-bleu).

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est recevable dès lors, en particulier, qu'elle n'est pas tardive et qu'ils justifient disposer, chacun, d'un intérêt à agir ;

- l'étude d'impact est insuffisante en tant qu'elle porte sur les mesures compensatoires paysagères et environnementales, sur l'étude des effets cumulés avec d'autres projets éoliens, sur l'étude chiroptérologique, sur la présentation des conditions de raccordement, sur le volet paysager, sur l'appréhension des impacts du projet sur les activités équestres et équidés ;

- le dossier de demande d'autorisation est insuffisant dans la présentation des capacités techniques et financières de l'exploitant ;

- l'avis de l'autorité environnementale est irrégulier dès lors qu'il a été émis par un service ne disposant pas d'une indépendance et d'une autonomie par rapport à l'auteur de la décision contestée ;

- l'autorisation contestée est illégale eu égard aux impacts du projet sur le patrimoine architectural et sur les riverains et par le mitage induit par l'implantation de l'éolienne E 1 ;

- elle est également illégale compte tenu de l'impact sur la nature et l'environnement eu égard à l'intérêt chiroptérologique présenté par le territoire d'implantation ;

- le projet porte atteinte à la santé eu égard aux émergences sonores qui sont susceptibles, en période nocturne, de dépasser le seul maximal dans quatre secteurs sans que l'autorisation contestée contiennent des prescriptions suffisamment précises pour éviter ce dépassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2020, la société Ferme éolienne du Pays de Flée, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que les requérants n'établissent pas leur qualité ou leur intérêt pour agir ;

- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me Echezar, représentant l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", représentant unique des requérants, et de Me Bergès, substituant Me Elfassi, représentant la société Ferme éolienne du Pays de Flée.

Des notes en délibéré, présentées pour la société Ferme éolienne du Pays de Flée, ont été enregistrées le 7 juillet 2020 et 10 juillet 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne du Pays de Flée a présenté, le 31 juillet 2015, une demande d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de 1'énergie mécanique du vent et regroupant plusieurs aérogénérateurs d'une puissance maximale de huit mégawatts (MW). Par un arrêté du 28 février 2019, le préfet de Maine-et-Loire lui a délivré l'autorisation d'exploiter qu'elle a sollicitée en tant qu'elle porte seulement sur l'éolienne E1, située sur les parcelles cadastrées section B n°46 à 48 sur le territoire de la commune de La-Ferrière-de-Flée et les éoliennes E3 et E4, situées sur les parcelles cadastrées section B n°242, 243 et 938 sur le territoire de la commune de Saint-Sauveur-de-Flée, ces deux communes étant désormais associées au sein de la commune nouvelle de Segré-en-Anjou-bleu. L'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres demandent à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir des requérants :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " a pour objet, selon ses statuts, de " défendre l'environnement et de protéger les espaces naturels et le patrimoine bâti, la qualité des paysages, des sites et du patrimoine des départements de Maine-et-Loire et de la Mayenne, du territoire de la Communauté de Communes de Segré et Château-Gontier et plus particulièrement des communes de Saint-Sauveur-de-Flée, La Ferrière-de-Flée, L'Hôtellerie-de-Flée, Segré, Saint-Quentin-les-Anges, Bourg-Philippe-en-Chemazé, Chemazé et Montguillon (...) ". Le projet, qui par ses caractéristiques est susceptible de porter atteinte à l'environnement, doit s'implanter sur le territoire des communes de Saint-Sauveur-de-Flée et de La-Ferrière-de-Flée. Il suit de là que l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " a un intérêt à contester l'arrêté en litige. Par suite, la requête collective de l'association " Bien vivre dans le pays de Flée " et autres est recevable. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des requérants doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

4. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / (...) 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable. ".

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Selon l'article L. 512-1 du ce code, contenu au chapitre II du titre Ier du livre V, dans sa rédaction applicable au présent litige, l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement " (...) " prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes du 5° de l'article R. 512-3 du même code, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'autorisation, mais aussi que l'autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si ces conditions ne sont pas remplies. Le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard, des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

6. Pour justifier de ses capacités techniques, la société Ferme éolienne du Pays de Flée a précisé dans sa demande d'autorisation, qu'elle bénéficiait de celles de sa société mère, la société Vinci Construction France, laquelle est la plus importante société française dans le domaine du bâtiment et des travaux publics (BTP), a développé plusieurs parcs éoliens pour une puissance totale représentant 27,5 MW, dans les régions de Pays de Loire et Poitou-Charentes et a initié 40 MW de projets éoliens en cours de développement (parc éolien de Vix/Le Guée de Velluire (10 MW), Eolienne du Carnet dans la commune de Frossay (6 MW) et le parc éolien de Conquereuil (12,5 MW). De même, s'agissant de ses capacités financières, elle s'en remettait aux comptes de résultats de l'année 2014 de la société Vinci Construction France, cette dernière lui apportant un engagement au titre des garanties financières. Toutefois, dans cette même demande, elle indiquait que la société Vinci construction France n'étant pas producteur d'électricité, ni exploitant de parc éolien, la société Ferme éolienne du pays de Flée est destinée à être cédée intégralement à une entreprise spécialisée de production d'énergie éolienne, non identifiée à ce jour. Par suite, en l'absence de toute indication sur l'entreprise spécialisée susceptible de reprendre la société Ferme éolienne du Pays de Flée, le préfet ne disposait pas d'informations suffisamment certaines permettant d'apprécier si l'exploitant disposera effectivement, en cours d'exploitation, des capacités techniques et financières à même de lui permettre de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Ce vice est de nature à avoir eu une influence sur le sens de la décision contestée et à nuire à l'information complète de la population.

7. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable à compter du 31 mars 2017 : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / (...) / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ". Toutefois, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de dépôt d'une demande d'autorisation par le futur exploitant de l'installation, ce vice n'est pas susceptible de faire l'objet d'une régularisation.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 28 février 2019.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 28 février 2019 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", représentant unique désigné par la SELAS de Bodinat - Echezar, mandataire, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Ferme éolienne du Pays de Flée.

Une copie du présent arrêt sera notifiée, pour son information, au le préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT02508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02508
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELAS DE BODINAT ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-01;19nt02508 ?
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