Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société KDI a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 8 août 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à procéder au licenciement de Mme B... E... et de la décision implicite de la ministre chargée du travail rejetant son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1701499 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Caen, territorialement compétent, a annulé ses deux décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 janvier 2019 et 13 janvier 2020, Mme E..., représentée par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 novembre 2018 ;
2°) de mettre à la charge de la société KDI le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée devant le tribunal administratif par la société KDI était tardive ; la société ne peut valablement soutenir qu'elle n'a pas reçu la moindre information concernant les voies et délais de recours ;
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré du défaut de consultation de l'ensemble des comités d'établissement concernés par la restructuration de cette société et à celui tiré de ce que cette dernière n'aurait pas respecté son obligation de reclassement en lui proposant la totalité des postes disponibles ;
- la décision du 9 août 2016 a été prise au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où l'élaboration de l'ordre du jour du comité d'établissement qui devait se prononcer sur le projet de restructuration n'a pas été établi conformément aux dispositions de l'article L. 2325-15 du code du travail ; la société ne démontre pas avoir consulté l'ensemble des comités d'établissement impactés par sa restructuration ; il n'est pas établi que les avis des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail concernés aient été préalablement communiqués au comité central d'entreprise et au comité d'établissement concernés par le projet ;
- la procédure d'information et de consultation du comité d'établissement amené à se prononcer sur son licenciement est irrégulière dès lors que les mandats de ses membres expiraient le 23 mai 2016 et qu'ils n'ont été prorogés que par l'accord du 6 juin 2016 ; le comité d'établissement, qui n'a reçu aucune information précise sur son licenciement, n'a pas été en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause ; il n'a pas émis d'avis sur son licenciement ;
- la réalité du motif économique n'est pas démontrée ;
- la société n'a pas respecté son obligation de reclassement ; elle ne justifie d'aucune recherche personnalisée, précise et complète sur l'ensemble du groupe ; l'accord collectif du 4 décembre 2015 imposait à l'employeur d'identifier préalablement les postes susceptibles de faire l'objet d'une proposition individuelle aux salariés et ne prévoyait pas que l'aptitude linguistique des salariés fasse l'objet d'un test unilatéral établi par l'employeur ; la société ne rapporte pas la preuve des recherches de reclassement dans les pays francophones.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 février 2019, 13 février 2020 et 24 février 2020, la société KDI, devenue la société Kloeckner Metals France (KMF), représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2020, la ministre du travail, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la demande de la société KDI était tardive dans la mesure où elle ne pouvait contester la décision initiale de l'inspecteur du travail et sa décision implicite la confirmant au-delà du 9 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a été recrutée à compter du 6 janvier 2014 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de télévendeur par la société KDI, filiale du groupe Klockner et Co, spécialisée dans la distribution de produits métallurgiques. L'intéressée, qui a été affectée au sein de l'établissement de Bretteville-sur-Odon, était titulaire d'un mandat de représentant syndical au comité d'établissement mis en place au sein de l'établissement distinct " Rouen " regroupant les établissements secondaires de Rouen, Bretteville-sur-Odon, Evreux, Dieppe et Gainneville. Au cours de l'année 2015, la société KDI a annoncé la réorganisation de ses activités, impliquant notamment la fermeture de 11 établissements et la suppression de 349 postes. Les instances représentatives du personnel ont été consultées et le 24 décembre 2015, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a homologué le projet de plan de sauvegarde de l'emploi de la société. Mme E... a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement. Le 15 juin 2016, la société KDI a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de l'intéressée. Par une décision du 8 août 2016, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à sa demande. Le recours hiérarchique présenté par la société contre cette décision, le 6 octobre 2016, a été implicitement rejeté. Après avoir sollicité les motifs de cette décision, la société KDI a saisi, le 19 juillet 2017, le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Mme E... relève appel du jugement du 8 novembre 2018, par lequel le tribunal administratif de Caen, territorialement compétent, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 8 août 2016 ainsi que la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique.
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. Contrairement à ce que soutient la requérante le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement. Il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés à l'appui de ce moyen, et de surcroît à ceux invoqués en défense par Mme E.... Par ailleurs, si dans son mémoire du 22 août 2018 la société KDI évoque la procédure de consultation des instances représentatives du personnel c'est uniquement pour répondre aux arguments de Mme E..., tout en indiquant, à titre principal, que l'intéressée n'était pas recevable à contester la régularité de cette procédure dans le cadre de la présente instance. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait omis de répondre à ces moyens, et aurait, par suite, entaché d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête ". Par ailleurs, pour l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, l'article R. 2422-1 du code du travail prévoit que : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Et aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation./ Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite. ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite. Il en va ainsi alors même que la décision du ministre du travail, prise à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision de l'inspecteur du travail qui a fait l'objet de ce recours.
5. Par un courrier du 6 octobre 2016, reçu le lendemain, la société KDI a présenté un recours hiérarchique contre la décision du 8 août 2016 de l'inspecteur du travail refusant de lui accorder l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de Mme E.... Si la ministre du travail produit un courrier adressé à la société lui indiquant qu'au terme d'un délai de quatre mois expirant le 8 février 2017 une décision implicite de rejet de sa demande interviendra et que cette décision pourra être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois, elle ne justifie pas de l'envoi de ce courrier, lequel n'est ni daté, ni signé. Par suite, et alors même que le 8 mars 2017 la société a sollicité la communication des motifs du refus implicite intervenu selon elle le 5 février 2017, et que le 5 avril 2017 la ministre du travail lui a répondu, par un courrier qui ne peut être regardé comme constituant une décision expresse au sens de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, qu'elle n'excluait pas de procéder au retrait des décisions implicites intervenues pour plusieurs de ses salariés, les délais de recours contre cette décision ainsi que contre celle de l'inspecteur du travail ne lui étaient pas opposables. Par suite, Mme E... d'une part, et la ministre du travail d'autre part, ne sont pas fondées à soutenir qu'en ne déclarant la demande de la société KDI enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen le 19 juillet 2017 irrecevable pour forclusion, les premiers juges auraient entaché d'irrégularité leur jugement.
S'agissant de la régularité de la procédure suivie :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2325-15 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " L'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise est arrêté par l'employeur et le secrétaire. / Toutefois, lorsque sont en cause des consultations rendues obligatoires par une disposition législative, réglementaire ou par un accord collectif de travail, elles y sont inscrites de plein droit par l'employeur ou le secrétaire. ". Aux termes de l'article L. 2421-3 du même code : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement (...) ". Si la requérante soutient que l'ordre du jour du comité d'entreprise n'aurait pas été fixé conjointement avec le secrétaire du comité d'entreprise contrairement à ce qu'impose l'article L. 2325-15 du code du travail, en tout état de cause la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement étant obligatoire en vertu de l'article L. 2421-3 du code du travail, cette question devait obligatoirement être fixée à l'ordre du jour du comité d'entreprise. Dès lors le moyen invoqué par Mme E... tiré de l'absence de fixation conjointe de l'ordre du jour du comité d'entreprise est, en tout état de cause, inopérant et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, si Mme E... soutient, sans invoquer la méconnaissance d'aucune disposition légale ou règlementaire précise, qu'il n'est pas établi que l'ensemble des comités d'établissement impactés par sa restructuration de la société KDI aurait été consulté et que le comité central d'entreprise aurait eu communication des avis des autres instances représentatives du personnel, la société rappelle, sans être contredite, que la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 24 décembre 2015 validant son plan de sauvegarde de l'emploi vise la consultation du comité central d'entreprise, les 13 octobre 2015 et 4 décembre 2015, celle des 11 comités d'établissement concernés entre le 1er et le 3 décembre 2015, celle de l'instance de coordination des CHSCT (l'ICCHSCT) le 18 novembre 2015 et enfin, la consultation des 10 comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail entre les 19 et 23 novembre 2015. La société ajoute que cette décision, qui n'a pas été contestée par les parties concernées, est devenue définitive. Dans ces conditions, Mme E..., n'est en tout état de cause, pas fondée à invoquer une quelconque irrégularité de la procédure d'information consultation des instances représentatives du personnel sur le projet de restructuration de la société KDI.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux produits par la société KDI que le renouvellement des membres du comité d'établissement de Rouen est intervenu à l'issu du second tour des élections qui s'est déroulé le 7 juin 2012. Leur mandat expirait par conséquent le 7 juin 2016. Il résulte cependant des termes de l'article 3 d'un accord conclu avec les organisations syndicales, les mandats des membres du CCE, CE, DP et CHSCT ont été prorogés " en l'état jusqu'à leur renouvellement lors des prochaines élections professionnelles ou, à défaut, jusqu'au 31 décembre 2016 ". Cet accord est entré en vigueur le 6 juin 2016. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis émis par le comité d'établissement le 9 juin 2016 au sujet de son licenciement serait irrégulier à raison de l'expiration du mandat de ses membres.
10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ordre du jour de la réunion du comité d'établissement du 9 juin 2016 portait sur l'information/consultation sur l'éventuel licenciement pour motif économique de Mme E..., dont les mandats étaient rappelés. Une note d'information était annexée à la convocation des membres du comité d'entreprise. Elle précisait l'âge de l'intéressée, la date de son entrée dans la société, les fonctions qu'elle exerçait, son coefficient de rémunération et son statut. Par ailleurs, le procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 9 juin 2016 indique que l'application des critères d'ordre au niveau national a permis d'identifier des salariés travaillant sur des sites non impactés par la restructuration alors qu'une suppression de poste dans sa catégorie restait à réaliser, que Mme E... disposait sur son site du score social le plus faible au sein de sa catégorie d'emploi, qu'une mobilité lui avait été proposée sur 14 sites pour exercer des fonctions identiques, que d'autres propositions lui avaient été faites les 10 février et 12 mai 2016. Par suite, les membres du comité d'établissement, qui avaient déjà eu à connaître le 1er décembre 2015 du projet de restructuration de la société, ont disposé d'éléments suffisants pour se prononcer sur le licenciement de cette salariée, en toute connaissance de cause. Contrairement à ce que soutient Mme E..., après avoir débattu du projet de son licenciement pour motif économique, les membres titulaires du comité d'établissement ont procédé à un vote. La circonstance que le résultat de ce vote s'est soldé par deux abstentions n'est pas de nature à révéler ni un défaut d'information des membres du comité d'établissement, ni leur refus de participer à ce vote.
S'agissant de la réalité du motif économique du licenciement de Mme E... :
11. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.
12. Mme E... soutient que le groupe Kloeckner est un groupe à dimension internationale, qui exploite 170 établissements intervenant dans le même secteur d'activités dans 13 pays différents, que le coût du plan de sauvegarde de l'emploi est à l'origine du résultat déficitaire observé en septembre 2015 et que les résultats du groupe pour les exercices 2016, 2017 et 2018 étaient excellents. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la baisse d'activité des secteurs de la construction, de l'industrie ou de la mécanique ont fortement impacté les résultats de la société et du groupe, notamment à la suite de l'affaiblissement du marché américain. Le groupe a enregistré des pertes à hauteur de 76 millions d'euros à la fin de 1er semestre 2015 et de 85 millions d'euros au 30 septembre 2015. La société KDI a quant à elle vu son activité baisser de 805 900 tonnes en 2008 à 514 100 en 2014, représentant une perte de 36 % en 5 ans. Dans sa décision du 8 août 2016 l'inspecteur du travail a d'ailleurs admis que l'entreprise était confrontée à des difficultés économiques sérieuses liées à la baisse générale de consommation d'acier et de produits métallurgiques depuis 2008 provoquant une importante diminution de ses ventes ainsi que celles du groupe. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à contester la réalité du motif économique de son licenciement.
S'agissant du respect de son obligation de reclassement par la société KDI :
13. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".
14. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
15. D'une part, il est constant que Mme E... occupait un poste de télévendeur appartenant à la catégorie d'emploi " commercial sédentaire FI " de niveau IV. Le 10 février 2016, la société KDI lui a proposé une offre de mobilité sur 14 sites différents, dont l'un à Dieppe et l'autre à Evreux, pour y exercer des fonctions identiques à celles qu'elle occupait et pour une rémunération inchangée. En outre, des propositions de reclassement lui ont été faites concernant 17 postes de commercial sédentaire, 5 postes d'assistant commercial, et des postes d'assistante administrative, d'assistante de direction commerciale ou d'assistante transport. Le 23 février 2016 la société lui a transmis une nouvelle offre d'emploi émise par l'union des industries et des métiers de la métallurgie pour un emploi de commerciale sédentaire dans une entreprise extérieure située dans la région Normandie. Le 12 mai 2016, des propositions complémentaires de reclassement lui seront faites pour des postes de commercial sédentaire à Agen, de vendeur comptoir à Rennes et de commercial sédentaire à Rennes. Si Mme E... soutient que tous les postes vacants ne lui auraient pas été proposés, et notamment les postes de commercial itinérant, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier de sa capacité à occuper de telles fonctions, qui lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi ont été identifiées comme relevant de catégories d'emplois distinctes. En dépit des délais qui lui ont été laissés, Mme E... n'a donné suite à aucune de ces propositions de mobilité ou de reclassement, lesquelles répondaient aux exigences de l'article L. 1233-4 du code du travail.
16. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Lorsque l'entreprise ou le groupe dont l'entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L'employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises. / Les modalités d'application du présent article, en particulier celles relatives à l'information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national, sont précisées par décret. ". Par ailleurs, la partie III de l'accord collectif valant plan de sauvegarde de l'emploi, consacrées aux mesures d'aide au reclassement interne dispose que : " Un questionnaire sera adressé aux salariés désignés par les critères d'ordre aux fins d'identifier leur souhait d'une mobilité géographique au sein du Groupe à l'étranger. La Direction des Ressources Humaines de KDI identifiera ensuite avec ses homologues au sein des sociétés du Groupe à l'étranger les opportunités de postes qui seraient ouvertes à la mobilité internationale en statut local et qui correspondraient aux compétences des salariés qui seraient candidats à une mobilité internationale. Les postes ainsi identifiés feront l'objet d'une proposition individuelle, le cas échéant, à ces salariés en fonction de leur souhait de mobilité internationale et de leurs aptitudes, notamment linguistiques. "
17. Il ressort des pièces du dossier que la société KDI a invité à plusieurs reprises Mme E... à compléter un questionnaire en vue de lui proposer des postes de reclassement dans les filiales du groupe situées à l'étranger. Il lui était demandé son niveau de maîtrise de la langue pour les pays souhaités (diplôme, certificat officiel etc). L'intéressée a indiqué qu'elle serait intéressée par l'ensemble des postes situés en Europe mais également aux Etats-Unis, au Mexique, au Brésil et en Chine, sans ajouter aucune mention particulière ou préférence pour les pays francophones. En réponse à un courrier du 14 mars 2016, l'intéressé a indiqué que " bien évidemment " elle maîtrisait l'anglais et qu'elle avait " des notions en espagnol et en allemand ". Un test de langue lui a été proposé avec une société indépendante, puis un entretien avec le responsable des ressources humaines et de la politique sociale de la société, ce qu'elle a également refusé. Mme E... conteste la procédure ainsi menée par la société KDI et indique qu'elle aurait dû d'abord recenser les postes vacants et ensuite s'assurer de la compétence linguistique des salariés. La procédure mise en place par la société n'est cependant contraire ni aux dispositions précitées de l'article L.1233-4-1 du code du travail, ni à celles du plan de sauvegarde de l'emploi. En outre, elle n'a pas eu pour effet de léser les salariés, dont le recrutement n'aurait pu être finalisé à défaut de maîtriser la langue du pays concerné, ou tout au moins, l'anglais. Si Mme E... soutient que le niveau de maîtrise d'une langue étrangère diffère suivant les postes proposés, la nature des tâches à accomplir et de leur degré de technicité, les fonctions de commercial sédentaire auxquelles elle pouvait prétendre ne peuvent être regardées comme entrant dans une catégorie où cette compétence n'était pas indispensable. La société indique enfin, sans être sérieusement contredite, qu'aucun poste n'était disponible dans les sociétés du groupe situées en Belgique et en Suisse, ainsi qu'en attestait d'ailleurs le plan de sauvegarde de l'emploi, même si celui-ci a été établi avant la décision de l'inspecteur du travail. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à que les premiers juges auraient estimé à tort que la société KDI avait respecté son obligation de reclassement interne y compris dans les filiales du groupe situées à l'étranger.
18. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société KDI, devenue la société Kloeckner Metals France (KMF), qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme E... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à la société Kloeckner Metals France et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00020