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24/09/2020 | FRANCE | N°18NT04345-19NT00551

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 septembre 2020, 18NT04345-19NT00551


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1700362 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a déchargé M. et Mme D... de la majoration de 40% qui leur a été appliquée sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts (article 1er),

a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1700362 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a déchargé M. et Mme D... de la majoration de 40% qui leur a été appliquée sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts (article 1er), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de la demande (article 3).

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 décembre 2018 et 11 juillet 2019 sous le n° 18NT04345, M. et Mme D..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. D... remplissait la condition tenant à l'exercice de fonctions de direction normalement rémunéré au sein de la société dont les titres sont cédés prévue par l'article 150-0 D ter du code général des impôts dès lors qu'il y a lieu, pour l'application de ces dispositions, de ne pas tenir compte de la période de deux ans précédant la vente des titres et au cours de laquelle le cédant doit avoir arrêté son activité ou fait valoir ses droits à la retraite, s'il ne le fait pas postérieurement à la cession ;

- ils se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 330 du BOI-RPPM-PVBMI-20-30-30-40 ; l'administration fiscale n'était pas fondée à remettre en cause l'abattement dès lors que ce paragraphe prévoit qu'il convient de ne pas prendre en compte la période de deux ans précédant la cession dans la mesure où le cédant qui a l'obligation de cesser son activité peut le faire à tout moment durant cette période ; ce paragraphe n'est pas lié aux paragraphes 450 et 470 de la même instruction et, en tout état de cause, M. D..., qui n'était pas affilié à un régime de retraite de base pour son activité de dirigeant, entrait dans le cas de figure visé par ces paragraphe ; il jouissait de ses droits à la retraite de base au titre de sa dernière activité avant la cession de ses parts de la société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 3 août 2020 et présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, n'a pas été communiqué.

II. Par une requête, enregistrée le 5 février 2019 sous le n° 19NT00551, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 17 172 euros.

Il soutient que le tribunal a inexactement qualifié les faits en jugeant que l'intention d'éluder l'impôt, justifiant de l'application de la pénalité, n'était pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2019, M. et Mme D..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 3 août 2020 et présenté par le ministre de l'action et des comptes publics n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par proposition de rectification du 26 octobre 2015, l'administration fiscale a remis en cause l'abattement de 100% dont M. et Mme D... s'étaient prévalus au titre de l'année 2012 à raison du gain net réalisé lors de la cession, le 31 décembre 2012, des titres que M. D... détenait dans la société MJ D..., société exerçant l'activité de commissaire aux comptes dont il était le gérant majoritaire. Au terme de la procédure contradictoire, l'imposition supplémentaire résultant de ce contrôle a été mise en recouvrement le 30 avril 2016 pour un montant total, en droits et pénalités, de 61 327 euros. Après le rejet, par décision du 16 novembre 2016, de leur réclamation préalable, M. et Mme D... ont sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge de cette imposition. Par un jugement du 11 octobre 2018, ce tribunal a déchargé M. et Mme D... de la pénalité de 40% dont avait été assortie cette imposition (article 1er), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de la demande (article 3).

2. M. et Mme D... relèvent appel, par une requête enregistrée sous le n° 18NT04345, de l'article 3 de ce jugement tandis que le ministre de l'action et des comptes publics relève appel, par une requête enregistrée sous le n° 19NT00551, de ses articles 1er et 2. Les requêtes présentées par M. et Mme D... et le ministre de l'action et des comptes publics étant dirigées contre un même jugement du tribunal administratif de Nantes, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un arrêt unique.

Sur l'appel de M. et Mme D... :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. L'article 150-0 D ter du code général des impôts prévoit que les gains nets que les dirigeants de petites et moyennes entreprises retirent de la cession à titre onéreux des titres de leur société lors de leur départ en retraite bénéficient, sous réserve du respect d'un ensemble de conditions relatives au cédant et à la société dont les titres sont cédés, de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D bis du même code. Aux termes du I de cet article, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " (...) 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° ; / Toutefois, cette condition n'est pas exigée lorsque l'exercice d'une profession libérale revêt la forme d'une société anonyme ou d'une société à responsabilité limitée et que les parts ou actions de ces sociétés constituent des biens professionnels pour leur détenteur qui y a exercé sa profession principale de manière continue pendant les cinq années précédant la cession ; (...) c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession ; (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis du code général des impôts alors en vigueur : " Les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : / 1° Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions. / Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. ".

4. Il est constant que M. D... n'a perçu aucune rémunération de la société MJ D... au titre de l'année 2011. Par suite, il ne remplit pas la condition d'exercice effectif de fonctions de direction donnant lieu à rémunération normale représentant plus de la moitié des revenus à raison desquelles il était soumis à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues à l'article 885 O bis du code général des impôts au titre de cette année.

5. Le requérant soutient que la lecture combinée des dispositions prévues aux a) et c) du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts implique qu'il ne soit pas tenu compte de l'année 2011. Toutefois, s'il résulte des dispositions du c) que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts est, notamment, subordonné à la double condition que le cédant ait cessé toute fonction dans la société cédée et qu'il ait fait valoir ses droits à la retraite au cours d'une période de quatre années allant de deux ans avant à deux ans après la cession, le délai ainsi prévu pour la condition relative à la cessation effective de toute fonction au sein de la société est sans incidence sur l'appréciation de la période pendant laquelle la condition prévue au a) relative à l'exercice de manière continue pendant une période d'au moins cinq ans avant la date de la cession par le cédant de fonctions de direction dans la société dont les titres sont cédés doit être remplie.

6. Il résulte de ce qui précède que M. D... ne remplit pas les conditions prévues par la loi fiscale pour bénéficier de l'abattement prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts sur le gain net réalisé lors de la cession, le 31 décembre 2012, des titres qu'il détenait dans la société MJ D....

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".

8. Le point 14 de l'instruction 5 C-2-09 du 7 avril 2009 prévoit que : " Lorsque, antérieurement à la cession des titres ou droits (dans le délai maximum de vingt-quatre mois précédant la cession), le cédant ne respecte plus la condition tenant à l'exercice, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, d'une fonction de direction dont la rémunération a représenté plus de la moitié de ses revenus professionnels (CGI art. 150-0 D ter, I-3-2° -a), parce qu'il a cessé ses fonctions de direction dans la société et/ou est entré en jouissance de ses droits à la retraite, il est admis, pour apprécier ladite condition, de ne pas tenir compte de la période comprise entre la date de cessation des fonctions et/ou du départ à la retraite (premier de ces deux événements) et la date de la cession. En outre, pour l'appréciation du rapport de 50 % (au sens où la rémunération perçue par le cédant au titre de sa fonction de direction doit représenter plus de la moitié de ses revenus professionnels), il est admis de ne pas tenir compte des rémunérations perçues du 1er janvier de l'année de cessation des fonctions de direction et/ou du départ à la retraite (le premier de ces deux événements) jusqu'au 31 décembre de l'année précédant celle de la cession ".

9. M. D... se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative citée au point 8 dans la mesure où il a fait valoir ses droits à la retraite en 2011. Toutefois la circonstance qu'il ne respecte pas la condition tenant à l'exercice de manière continue pendant les cinq années précédant la cession d'une fonction de direction dont la rémunération a représenté plus de la moitié de ses revenus professionnels ne résulte pas du fait que, titulaire de la pension de retraite de base à compter du 1er janvier 2011, il est entré en jouissance de ses droits à la retraite mais de la décision prise par l'assemblée générale sur sa proposition, alors qu'il était toujours gérant majoritaire de la société MJ D..., de surseoir provisoirement au versement d'une rémunération au titre de l'année 2011. Par conséquent, sa situation ne rentre pas dans le champ d'application de cette instruction et l'intéressé n'est pas fondé à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012. Par suite, leur requête, y compris leurs conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

Sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics :

11. Pour prononcer la décharge des pénalités auxquelles M. et Mme D... ont été assujettis au titre de l'année 2012, le tribunal administratif de Nantes a retenu le moyen tiré de l'absence de caractère intentionnel du manquement dès lors que le rejet des demandes de rescrit présentées par les intéressés n'établissait pas de ce seul fait la volonté délibérée d'éluder l'impôt.

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

13. Pour justifier de l'application des pénalités prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale fait valoir que le caractère délibéré du manquement était établi en raison, d'une part, du fait que les requérants ne pouvaient ignorer, compte tenu des deux avis défavorables émis dans le cadre de leur demande de rescrit, que la plus-value ne pouvait bénéficier du régime prévu à l'article 150 0 D ter du code général des impôts et, d'autre part, que compte tenu de la profession d'expert-comptable de M. D..., celui-ci avait tous les moyens de prendre connaissance de la législation applicable aux faits et situations motivant les rectifications. Si la circonstance que les contribuables n'aient pas partagé la position de l'administration, même exprimée sous la forme d'un rescrit, ne peut suffire à démontrer le caractère délibéré du manquement, M. D..., qui exerçait les fonctions d'expert-comptable et de commissaire aux comptes ne pouvait, sincèrement, estimer entrer dans le champ légal d'application du régime de l'article 150-0 D ter du code général des impôts et n'a pas assorti sa déclaration d'une mention précisant qu'il entendait se prévaloir de l'interprétation administrative 5 C-2-09 du 7 avril 2009. Dans ces conditions, l'administration fiscale établit le caractère délibéré du manquement ainsi que le bien-fondé de la pénalité infligée à M. et Mme D....

14. Il s'ensuit que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer cette décharge, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce motif et à demander l'annulation des articles 1er et 2 de ce jugement ainsi que la remise à la charge de M. et Mme D... de la majoration de 40% pour manquement délibéré.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : La majoration de 40% pour manquement délibéré est remise à la charge de M. et Mme D....

Article 3 : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D... et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le rapporteur,

P. B...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 18NT04345, 19NT00551 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04345-19NT00551
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL SAVARIN AVOCAT FISCALISTE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-24;18nt04345.19nt00551 ?
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