Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) KLA Promotions a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 novembre 2012.
Par un jugement n° 1602973 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 novembre 2012 (article 1er), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de la demande (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 octobre 2018, 22 mai 2019, 28 avril 2020, 15 juillet 2020 et 28 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la SARL KLA Promotions le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 33 949 euros en droits et de 4 345 euros d'intérêts de retard ;
3°) d'ordonner la restitution de la somme de 1 500 euros versés à la société en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts suppose que le bien vendu conserve la même qualification juridique entre l'achat et la revente ;
- la vente, après division parcellaire, d'un terrain à bâtir qui faisait initialement partie du terrain d'assiette d'un immeuble bâti ne peut, par conséquent, relever du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu à l'article 268 de ce code.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 18 janvier 2019, 18 juillet 2019, 3 juillet 2020 et 17 juillet 2020, la SARL KLA Promotions, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés ;
- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 20 de l'instruction BOI-TVA-IMM-10-10-10-40 ainsi que des paragraphes 10 et suivants de l'instruction BOI-TVA-IMM-10-20-10 ;
- pour l'opération de Mauves-sur-Loire, la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 12 095 euros a été acquittée, pour son compte, par son co-indivisaire, la société AMB Habitat ; un co-indivisaire est en droit de prendre en charge les déclarations et le versement au Trésor public de la taxe sur la valeur ajoutée collectée pour le compte des autres co-indivisaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 juin 2011 et le 19 juillet 2011, la société à responsabilité limitée (SARL) KLA Promotions, agissant en qualité de marchand de biens, a acquis en indivision avec la société AMB Habitat, à hauteur de 30%, deux ensembles immobiliers composés chacun d'une maison d'habitation et d'un jardin. Le premier bien, situé sur le territoire de la commune de Mauves-sur-Loire, a été acquis au prix de 420 000 euros. Après avoir procédé à la division de la parcelle, la société a vendu six terrains à bâtir issus du démembrement de cette propriété. Le second bien, situé à Thouaré-sur-Loire, a été acquis au prix de 285 000 euros. Après avoir divisé la parcelle d'assiette, la SARL KLA Promotions a ensuite cédé quatre terrains à bâtir. Les dix terrains à bâtir cédés par la SARL KLA Promotions ont été revendus en incluant la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge, en application de l'article 268 du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er juillet 2011 au 30 novembre 2014, l'administration fiscale a estimé que la vente de ces dix terrains ne pouvait pas relever de ce régime particulier de taxation sur la marge et aurait dû faire l'objet d'une taxation sur le prix total. Après mise en recouvrement des rappels découlant de ce contrôle et rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de ces rappels, pour un montant de 33 949 euros de droits et de 4 345 euros d'intérêts de retard. Par un jugement du 6 juillet 2018, le tribunal a fait droit à sa demande. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.
Sur le moyen retenu par le tribunal administratif de Nantes :
2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".
4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que chaque terrain à bâtir cédé par la SARL KLA Promotions faisait partie, au moment de son acquisition, d'une seule et même unité foncière supportant une maison d'habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d'immeuble bâti, et non de terrains à bâtir. Le fait qu'un permis d'aménager autorisant la création d'un lotissement a été accordé préalablement à la vente du bien de Mauves-sur-Loire et que ce permis était mentionné dans l'acte de vente est sans incidence sur la qualification des terrains au moment de leur acquisition, dès lors que ceux-ci n'ont pas été acquis séparément de la maison par la SARL KLA Promotions. De la même façon, s'agissant de l'opération de Thouaré-sur-Loire, le fait qu'un document d'arpentage faisant apparaître les divisions parcellaires a été enregistré avant l'acquisition du bien est sans incidence sur la qualification des terrains au moment de leur acquisition. Par conséquent, la société ne pouvait se placer, pour vendre ces terrains, sous le régime de la taxation sur la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour décharger la SARL KLA Promotions des impositions en litige.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL KLA Promotions devant la cour et le tribunal administratif de Nantes.
Sur le moyen relatif à l'interprétation administrative de la loi fiscale invoqué devant le tribunal administratif de Nantes :
7. La SARL KLA Promotions se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 20 de l'instruction BOI-TVA-IMM-10-10-10-40. Toutefois, cette instruction se borne à préciser le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en matière immobilière en définissant la notion de " livraisons d'immeubles réalisées par un assujetti en tant que tel ". En l'espèce, il est constant que la vente des terrains en question entrait bien dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Le présent litige ne portant que sur la question de savoir si la vente doit être taxée sur le prix total ou sur la marge, la société n'est pas fondée à se prévaloir de cette instruction. La SARL KLA Promotions se prévaut également, toujours sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 10 et suivants de l'instruction BOI-TVA-IMM-10-20-10. Cependant, cette instruction rappelle bien que l'application du régime de la taxation sur la marge ne s'applique qu'aux terrains à bâtir qui n'avaient pas le caractère d'immeuble bâti au moment de leur acquisition, l'application de ce régime étant conditionnée au fait que l'immeuble ait conservé la même qualification entre l'achat et la revente. Cette instruction ne comporte donc pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application. Il suit de là que ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le moyen relatif à la prise en compte de taxe sur la valeur ajoutée acquittée par la société AMB Habitat :
8. La SARL KLA Promotions fait valoir que, pour l'opération de Mauves-sur-Loire, la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 12 095 euros a été acquittée, pour son compte, par son co-indivisaire, la société AMB Habitat. Toutefois, pour justifier du fait qu'un co-indivisaire est en droit de prendre en charge les déclarations et le versement au Trésor public de la taxe sur la valeur ajoutée collectée pour le compte des autres co-indivisiaires, la société se borne, au soutien de son argumentation, à faire état d'une réponse du représentant de l'administration faite lors d'une réunion du comité fiscal d'organisation administrative du 25 juin 1985 qui ne portait pas sur les opérations de vente d'un bien immobilier, mais sur les opérations de location. Au demeurant, l'administration fiscale a, lors du contrôle de la société AMB Habitat, déduit des rappels notifiés à l'encontre de cette société le trop-versé de 12 095 euros. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 novembre 2012 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la demande du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que soit ordonnée la restitution de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat en première instance :
10. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, l'annulation du jugement attaqué implique nécessairement la restitution de la somme de 1500 euros mise à la charge de l'Etat en première instance. Il n'y a donc pas lieu, dans ces conditions, de faire droit à la demande du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que soit ordonnée la restitution de cette somme.
Sur les frais liés au litige :
11. L'Etat n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SARL KLA sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1602973 du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : Le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 33 949 euros en droits ainsi que les intérêts de retard d'un montant de 4 345 euros sont remis à la charge de la SARL KLA Promotions.
Article 3 : Les conclusions d'appel de la SARL KLA Promotions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des comptes publics et à la société à responsabilité limitée SARL KLA Promotions.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 18NT038112