La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2020 | FRANCE | N°19NT04254

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 19NT04254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901872 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 novembre 201

9 et 13 mars 2020, Mme C... D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901872 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 novembre 2019 et 13 mars 2020, Mme C... D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 juillet 2019 ;

3°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à Me A... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision attaquée méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- l'annulation de la décision portant refus de séjour entraîne l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- l'annulation des décisions précédentes entraîne nécessairement l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de 1ère instance et que la lévotyroxine est disponible en Mongolie.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante mongole, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 6 juillet 2015. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 28 juin 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 février 2017. Elle a sollicité, le 12 décembre 2017, un titre de séjour en qualité d'étranger malade, qui lui a été délivré pour une durée de neuf mois, jusqu'au 24 janvier 2019. Elle en a sollicité le renouvellement le 14 novembre 2018. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet du Calvados lui a refusé ce renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 17 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Mme D... fait appel de ce jugement.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Dans son avis du 19 février 2019, le collège de médecins de l'OFII a considéré que si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut d'une telle prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre d'un diabète de type II connu depuis 2013, d'une hépatite virale C chronique au stade de cirrhose, d'une hypertension artérielle, d'une hypothyroïdie depuis au moins le début de l'année 2019 et d'apnées du sommeil. Mme D... ne conteste pas que les médicaments qui lui sont prescrits sont disponibles en Mongolie, excepté le médicament qu'elle prend pour traiter son hypothyroïdie, le levothyrox 25 µg. Il ressort d'un courrier médical qu'elle ne prend ce médicament que depuis fin avril 2019, sa thyréostimuline (TSH) ayant augmenté, soit postérieurement à l'avis émis par le collège de l'OFII. En outre, le certificat médical du 19 août 2019 qu'elle produit, ne mentionne pas l'hypothyroïdie parmi les " affections d'une particulière gravité " dont elle souffre. En tout état de cause, le préfet fait valoir, en produisant une fiche MedCoi actualisée le 19 mars 2015, que la molécule de ce médicament, la lévothyroxine, est disponible en Mongolie. Si la requérante produit en appel un document émanant de l'agence exécutive du gouvernement mongol daté du 27 septembre 2016, indiquant qu'elle ne peut pas fournir de manière " stable " les médicaments " Levothyrox 125, L-thyroxine et Lyevotorikksin 100 ", ce document n'établit pas que le Levothyrox 25 ou un médicament équivalent ne serait pas effectivement disponible en Mongolie. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. S'il ressort des pièces du dossier que la requérante est hospitalisée depuis le début de l'année 2020 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen pour un cancer métastatique nécessitant un traitement anti-angiogénique avec suivi ultérieur, ces éléments sont postérieurs à la décision attaquée et en tout état de cause, il n'est pas établi ni même allégué que Mme D... ne pourrait pas être traitée pour son cancer en Mongolie.

9. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyen que Mme D... réitère en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Comme l'ont indiqué les premiers juges, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. En tout état de cause, le moyen ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 5 et 8.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 5 et 8.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

P. B...

Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04254
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LEBEY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;19nt04254 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award