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10/09/2020 | FRANCE | N°19NT04171

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 19NT04171


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 février 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 1903389 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2019, M. E..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 février 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 1903389 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée de vices de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 septembre 2018 ne lui a pas été communiqué, que cet avis ne précise pas certains éléments de procédure et que le préfet ne l'a pas joint à son arrêté contesté ;

- le préfet n'apporte pas la preuve que le médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein de ce collège ;

- il a été privé de la garantie tirée du débat collégial du collège ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de son état de santé au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 janvier et 20 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ,

- et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien né le 14 janvier 1993, a sollicité, le 27 novembre 2017, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 27 février 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Par un jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté. M. E... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit (...) : / (...) / 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". En vertu de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application de ces stipulations, le préfet délivre le titre de séjour au vu d'un avis émis, dans les conditions fixées par un arrêté, par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.

3. Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

4. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

5. En premier lieu, si M. E... fait valoir que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 septembre 2018 ne lui a pas été communiqué, ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, ni aucun autre texte ne prévoit la communication à l'intéressé de cet avis, lequel a par ailleurs été versé au dossier par le préfet de la Loire-Atlantique en première instance.

6. Le requérant avance que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne précise pas si certains éléments de procédure, tels la convocation pour examen au stade de l'élaboration de l'avis et les demandes d'examens complémentaires, ont été réalisés ou non. Toutefois, aucune des dispositions applicables ne fait obligation au collège de mentionner dans son avis des convocations, demandes ou examens complémentaires qu'il n'a pas effectués.

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas tenu de joindre l'avis du collège de médecins à l'arrêté contesté.

8. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Loire-Atlantique, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical, fourni au préfet par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le rapport médical sur l'état de santé de M. E... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi le 24 mai 2018 par le docteur Pintas et transmis pour être soumis au collège de médecins de l'Office. Ce collège était composé des docteurs Crocq, Gerlier et Mbomeyo. Dès lors, le préfet apporte la preuve que le médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein de ce collège.

9. Lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il ressort des pièces du dossier que l'avis médical du 28 septembre 2018 concernant M. E..., signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office, porte cette mention. M. E... se borne à soutenir, sans plus d'arguments, qu'il a été privé de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'Office. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

11. Par un avis rendu le 28 septembre 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. M.E..., qui souffre de troubles psychiatriques, se prévaut de certificats médicaux et de fiches descriptives de médicaments ainsi que de considérations générales et d'articles de revue sur la situation sanitaire en Algérie. Ces éléments ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la Loire-Atlantique, qui s'est approprié l'avis du collège de médecins, sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de M. E... et d'un accès effectif à ce traitement. Par suite le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de son état de santé au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

12. Enfin, M. E..., entré en France le 23 octobre 2015 selon ses déclarations, soit depuis à peine plus de trois ans à la date de l'arrêté contesté, est célibataire et sans enfant à charge en France où il est dépourvu de toute attache familiale. Malgré les attestations que M. E... verse pour démontrer ses efforts d'intégration dans la société française, et eu égard au caractère récent de sa présence et aux conditions de son séjour en France, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de séjour a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. C...

Le président,

F. Bataille Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04171
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;19nt04171 ?
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