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10/09/2020 | FRANCE | N°18NT04185

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 18NT04185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ont été assujettis M. et Mme C... F... au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1703697 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 novembre 2018 et 23 juin 2019, Mme F..., représenté

e par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a maintenu la qualif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ont été assujettis M. et Mme C... F... au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1703697 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 novembre 2018 et 23 juin 2019, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a maintenu la qualification des parties de chasse en revenus fonciers ;

2°) de prononcer la décharge à hauteur de 4 185 euros au titre de l'année 2014 et de 438 euros au titre de l'année 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- alors que le tribunal administratif a indiqué que les droits de chasse sont un attribut inséparable de la propriété foncière, le critère du dessaisissement juridique est pourtant déterminant pour le louage de choses tant dans le code civil que dans la doctrine ; le droit de jouir de la chose à charge de la conserver figure dans les instructions 7 E-1 n° 6 du 1er septembre 1997 et BOI-ENR-JOMI-40 du 12 septembre 2012 ; en raison de ce dessaisissement juridique, le bailleur n'a plus d'autres charges que celles de la propriété ;

- l'administration distingue, dans ses instructions 5 D-2-07 fiche 1 n° 42 du 23 mars 2007 et BOI-RFPI-CHAMP-10-30 n° 130 du 12 septembre 2012, la simple location du droit de chasse, qui produit des revenus fonciers, de la location assortie de prestations de services qui relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- les journées de chasse amicales qui ont été organisées ne pouvaient être regardées comme de simples locations ; il revenait au service de rechercher l'existence d'un profit en vue, le cas échéant, de requalifier ces revenus en bénéfices industriels et commerciaux ;

- compte tenu des pertes constatées, les huit parties de chasse organisées à titre amical ne sont imposables ni en revenus fonciers ni en bénéfices industriels et commerciaux ; la prise en compte de ces recettes serait contraire au 1 de l'article 13 du code général des impôts ;

- elle doit bénéficier d'une exonération dès lors qu'elle se réserve la jouissance des parcelles en invitant des amis qui s'acquittent d'une participation, laquelle est inférieure aux dépenses se rapportant aux parties de chasse ;

- elle se prévaut des instructions 5 D-5-05 et BOI-RFPI-CHAMP-20-20 n° 130 du 12 septembre 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de Mme F... tendant à ce que, d'une part, les revenus issus de la location de droits de chasse sur ses parcelles relèvent non de la catégorie des revenus fonciers mais de celle des bénéfices industriels et commerciaux et, d'autre part, les recettes de huit journées de chasse amicales ne soient pas imposables, soit 4 185 euros en 2014 et 438 euros en 2015, ne sont pas recevables dès lors que ces deux sommes n'ont pas fait l'objet d'une réclamation préalable ;

- les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle des déclarations de revenus fonciers de M. et Mme F... en 2014 et 2015, l'administration a imposé la somme de 27 105 euros au titre de l'année 2014 et celle 25 406 euros au titre de l'année suivante, ces sommes étant afférentes au droit de chasse sur le terrain de la maison d'habitation dont M. et Mme F... s'étaient réservés la jouissance, sise au lieu-dit " Les Villiers " à Villeny. Par un jugement du 2 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande des intéressés tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Mme veuve F... relève appel de ce jugement.

Sur le principe de l'imposition des droits de chasse :

2. Aux termes de l'article 30 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15-II, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles dont le propriétaire se réserve la jouissance est constitué par le montant du loyer qu'ils pourraient produire s'ils étaient donnés en location. Il est évalué par comparaison avec les immeubles ou parties d'immeubles similaires faisant l'objet d'une location normale, ou, à défaut, par voie d'appréciation directe. Il est majoré, s'il y a lieu, des recettes visées au deuxième alinéa de l'article 29. Cette disposition ne concerne pas le droit de chasse. ". Aux termes de l'article 29 du même code : " (...) Dans les recettes brutes de la propriété sont comprises notamment celles qui proviennent de la location du droit d'affichage ou du droit de chasse (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que sont comprises dans la catégorie des revenus fonciers les recettes qui proviennent de la location du droit de chasse afférent à une propriété, ainsi que pour les propriétaires qui se réservent la jouissance de ce droit immobilier, le montant du revenu qu'ils tireraient de la mise en location de ce droit.

4. Il n'est pas contesté que M. et Mme F... ont donné en location de chasse en 2014 et 2015 un territoire de 250 hectares à Villeny. Ainsi, ils ne se réservaient pas la jouissance de ce territoire et ne rentraient donc pas dans les prévisions de l'exception prévue à l'article 30 et relative au droit de chasse.

Sur la qualification catégorielle de la location des droits de chasse :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, les recettes issues des droits de chasse sur le territoire de 250 hectares à Villeny appartenant à M. et Mme F... devaient être déclarés en tant que revenus fonciers, comme les intéressés l'ont fait en 2014 et 2015. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces revenus devaient relever de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux doit être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. En premier lieu, Mme F... se prévaut de l'instruction 7 E-1 n° 6 du 1er septembre 1997 mais cette instruction n'existe pas sous cette référence.

7. Mme F... se prévaut également de l'instruction référencée BOI-ENR-JOMI-40 du 12 septembre 2012 selon laquelle " Dans la vente, c'est la propriété de la chose elle-même qui est transférée à l'acquéreur. Dans le contrat de bail, le preneur acquiert seulement le droit de jouir de la chose louée, à charge de la conserver et de la rendre à la fin du bail. / De plus, le bail produit des effets successifs, tandis que la vente a un effet immédiat. Mais dans l'un et l'autre des contrats, le prix peut faire l'objet de versements périodiques. " et des instructions référencées 5 D-2-07 fiche 1 n° 42 du 23 mars 2007 et BOI-RFPI-CHAMP-10-30 du 12 septembre 2012 selon lesquelles : " 42. Location du droit de chasse assortie de prestations de services. / Les produits procurés par la location du droit de chasse ne peuvent présenter le caractère de revenus fonciers ou de bénéfices agricoles que si la location ne s'accompagne d'aucune prestation et si le gibier tiré et remis au bailleur n'est pas revendu par celui-ci. / Dans le cas contraire (location du droit de chasse assortie de la fourniture du couvert ou du gîte comme dans le cas des chasses à la journée, revente par le bailleur des animaux abattus...), les produits de la location sont imposables, en principe, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, quel que soit le mode d'exploitation des terres. / Dans le cas où les revenus d'une chasse donnée en location sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, le loyer est pris en compte pour la détermination du résultat de l'exercice au cours duquel il est venu à échéance. Il convient, le cas échéant, d'y ajouter les profits retirés des prestations de services. / Il convient, bien évidemment, d'imposer le locataire dans la même catégorie des bénéfices industriels et commerciaux s'il pratique des opérations identiques (sous-location avec gîte ou couvert ou vente commerciale des animaux abattus). / Dans certaines situations, les produits tirés de la location du droit de chasse assortie de prestations de services sont imposables dans la catégorie des bénéfices agricoles (voir n° 43.). ". Toutefois, ces instructions ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application.

8. Enfin, Mme F... se prévaut également de l'instruction référencée BOI-RFPI-CHAMP-20-20 n° 130 du 12 septembre 2012 selon laquelle : " B. Droit de chasse dont le contribuable se réserve la jouissance. / 130 / Seul le revenu en nature dont jouit le propriétaire qui se réserve le droit de chasse sur ses terres est concerné par la mesure d'exonération. / Il s'agit du revenu en nature dont jouit le propriétaire qui se réserve le droit de chasse sur ses terres, que ces immeubles soient affermés, exploités en faire-valoir direct (forfait ou régime du bénéfice réel agricole avec option pour le maintien des terres dans le patrimoine privé) ou inexploités. Il s'agit également des droits de chasse qui sont mis gratuitement à la disposition d'un tiers. ". Toutefois M. et Mme F... ne rentraient pas dans les prévisions de cette instruction dès lors qu'ils ont déclaré des revenus fonciers issus de la location des droits de chasse.

Sur l'imposition des recettes provenant de huit droits de chasse à la journée :

9. Ces droits de chasse, qui correspondent à huit parties amicales de chasse, se sont élevés à 4 185 euros en 2014 et de 438 euros en 2015. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, ces sommes sont des revenus fonciers, comme l'ont initialement déclaré M. et Mme F..., même si Mme F... soutient que ces participations des chasseurs sont en réalité inférieures aux dépenses réelles de ces parties de chasse.

10. Mme F... ne peut pas utilement se prévaloir des instructions précitées 5 D-2-07 fiche 1 n° 42 du 23 mars 2007 et BOI-RFPI-CHAMP-10-30 du 12 septembre 2012 dès lors que Mme F... ne justifie pas, en tout état de cause, de l'existence de la fourniture du couvert ou du gîte ou de la revente des animaux abattus lors de ces chasses à la journée.

Sur la déductibilité des dépenses engagées pour l'exercice de la chasse :

11. L'article 13 du code général des impôts énonce que " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. ".

12. La requérante soutient que les dépenses qui avaient été engagées étaient déductibles du revenu imposable en application des dispositions du 1 de l'article 13 du code général des impôts. Toutefois, M. F... n'exerçait aucune activité de chasse à titre professionnel et les charges dont il est fait état, sans autre précision, ne sont pas liées à l'acquisition d'un revenu professionnel. Ainsi, Mme F... ne peut pas se prévaloir de ces dispositions.

13. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. B...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04185
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET ANTOINE VIGNERAS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;18nt04185 ?
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