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31/07/2020 | FRANCE | N°19NT00065

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 31 juillet 2020, 19NT00065


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner La Poste à lui verser les sommes de 45 000 euros et de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de faits constitutifs de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

Par un jugement n° 1701828 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2019, M. C..., représenté par la

Selarl Omnis Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner La Poste à lui verser les sommes de 45 000 euros et de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de faits constitutifs de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

Par un jugement n° 1701828 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2019, M. C..., représenté par la Selarl Omnis Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 8 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite du 3 avril 2017 par laquelle la société La Poste a rejeté sa réclamation préalable ;

3°) de condamner La Poste à lui verser les sommes de 45 000 euros et de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de faits constitutifs de discrimination syndicale et de harcèlement moral ;

4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- recruté en 1983 en tant que contrôleur de La Poste, ses conditions de travail se sont détériorées depuis qu'il a pris des responsabilités représentatives et syndicales à partir de l'année 2002 ;

- depuis la prise de ses mandats syndicaux, il subit un traitement atypique dans l'exercice de ses activités professionnelles, n'étant pas traité de manière égale avec ses collègues de travail, relevant du même service. Cette disparité s'est renforcée depuis 2014, date à laquelle il a été amené à gérer, dans le cadre de son mandat de défenseur syndical, la défense de plusieurs salariés de la Poste devant les juridictions prud'homales ;

- les agents à temps partiel de La Poste assument, malgré ce temps partiel, des activités plus variées et plus complexes que celles qui lui ont été confiées relevant d'une mono activité ;

- la réduction des missions confiées a entraîné un accès réduit aux formations qualifiantes et les comptes-rendus de ses entretiens d'évaluation font référence à son activité syndicale ;

- il est également victime de harcèlement moral matérialisé notamment par les réactions de son employeur à l'utilisation de son téléphone portable, des reproches de ne pas respecter ses horaires. Il est, depuis la dernière réorganisation de son service, isolé et placé sous la surveillance constante de ses supérieurs hiérarchiques et il lui est demandé de justifier de l'ensemble du temps consacré à son mandat de conseiller du salarié ;

- il est fondé à solliciter une indemnité de 45 000 euros au titre de la discrimination syndicale et de 15 000 euros au titre du harcèlement moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 aout 2019, La Poste conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable en ce qu'elle ne répond pas à l'obligation de motivation prévue aux articles R. 811-13 et R. 411-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par M. C... sont infondés.

L'instruction a été close au 25 septembre 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., chargé de clientèle (service clients) au centre financier d'Orléans de La Poste depuis le 13 octobre 1997, relève appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser les sommes de 45 000 euros et de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de faits constitutifs de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'existence d'une discrimination syndicale :

2. De manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

3. M. C... soutient avoir été victime de discrimination syndicale la part de La Poste depuis qu'il a pris des responsabilités représentatives et syndicales à partir de l'année 2002. Il allègue que, depuis la prise de ses mandats syndicaux, il subit un traitement atypique dans l'exercice de ses activités professionnelles, n'étant pas traité de manière égale avec ses collègues de travail, relevant du même service. Cette disparité s'est renforcée depuis 2014, date à laquelle il a été amené à gérer, dans le cadre de son mandat de défenseur syndical, la défense de plusieurs salariés de la Poste devant les juridictions prud'homales. Il ajoute que les agents à temps partiel de La Poste assument, malgré ce temps partiel, des activités plus variées et plus complexes que celles qui lui ont été confiées qui se limitent à une mono-activité de nature répétitive et sommaire. La réduction des missions qui lui ont été confiées a entraîné un accès réduit aux formations qualifiantes et les comptes-rendus de ses entretiens d'évaluation font référence à son activité syndicale, de 2010 à 2012, en raison de son engagement syndical.

4. Les éléments de fait avancés par M. C... sont susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes.

5. En réponse, La Poste fait valoir qu'elle n'a commis aucune discrimination à raison du mandat syndical de M. C..., lequel, en tout état de cause, n'en rapporte pas la preuve. Elle ajoute que l'intéressé a été traité non seulement comme les autres titulaires d'un mandat syndical, mais encore comme tous les agents appartenant à son niveau.

6. Il résulte de l'instruction que M. C... a bénéficié d'avancements réguliers depuis le début de sa carrière et est régulièrement inscrit sur liste d'aptitude lui permettant de postuler à un avancement au grade supérieur. Il a également bénéficié d'un aménagement de son temps de travail afin de pouvoir honorer ses mandats syndicaux. Il n'est pas contesté, en outre, qu'à compter de l'année 2001 l'intéressé ne s'est jamais présenté à un seul de ses entretiens d'évaluation. La fiche d'évaluation du requérant, établie en 2014 au titre de l'année 2013, mentionne d'ailleurs que M. C... n'a pas de projet d'évolution professionnelle et qu'aucun rendez-vous avec un conseiller en évolution professionnelle ou gestionnaire de carrière n'est souhaité. Aucun des éléments du dossier ne permet de supposer que la nature des fonctions confiées à M. C... serait justifiée par d'autres motifs que celui d'adapter ses missions au temps partiel et aux décharges d'activités dont il bénéficie. Contrairement à ce qui est allégué, les tâches confiées à M. C... au cours de la période en cause ont été plus diversifiées que ce qui est soutenu, les fiches d'évaluation de l'intéressé pour les années 2007, 2008 et 2009 font référence au traitement d'opérations de gestion administrative des clients personnes physiques, à l'ouverture et à des modifications des contrats des domaines et dépôt et épargne et à la délivrance des moyens de paiement. De plus, il n'est pas établi que les collègues de M. C..., également à temps partiel, seraient chargés de tâches plus variées et plus complexes. Si la valeur professionnelle de l'intéressé a été jugée partiellement adaptée aux exigences du poste en 2014, il ressort de la fiche d'évaluation que cette appréciation n'est pas en lien avec son activité syndicale mais sanctionne son comportement inapproprié, lequel a d'ailleurs conduit le directeur du centre d'Orléans La Source a lui infliger un blâme par décision du 24 juin 2015. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les éléments mentionnés précédemment par M. C... seraient constitutifs d'une discrimination syndicale à son encontre.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

7. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

8. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

9. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

10. Les faits dénoncés par M. C... à l'appui de sa demande d'indemnisation ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral allégué. En effet, il ne ressort pas de l'ensemble des pièces du dossier que les mesures dénoncées par M. C..., à savoir les remontrances quant à l'utilisation de son téléphone portable, le non-respect de ses horaires et le positionnement de son bureau à proximité de celui de son chef de service ou les demandes de justification du temps consacré au mandat syndical, auraient excédé les limites normales du pouvoir hiérarchique et du pouvoir d'organisation du service ou que ces mesures auraient entraîné une dégradation de ses conditions de travail.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. C... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme réclamée par La Poste au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 17 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT00065


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00065
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL OMNIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-31;19nt00065 ?
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