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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT04882

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT04882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 août 2019 par lequel le préfet du Loiret l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1903257 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019 le préfet du Loiret demande à la cour :

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) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 août 2019 par lequel le préfet du Loiret l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1903257 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019 le préfet du Loiret demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'appliquent pas aux mesures d'éloignement mais à la procédure de refus d'entrée sur le territoire français ;

- la circonstance que la décision de l'OFPRA n'aurait pas été notifiée à M. B... dans une langue qu'il comprend est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 20 août 2019 ;

- M. B... ne disposait du droit de se maintenir sur le territoire français que jusqu'au 31 mai 2019, date à laquelle la décision de l'OFPRA statuant en procédure accélérée lui a été notifiée.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien né le 21 juillet 1967, déclare être entré en France le 10 août 2018 avec sa femme et sa fille. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2019, confirmée le 3 octobre 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 20 août 2019, le préfet du Loiret l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. Le préfet du Loiret relève appel du jugement du 4 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrête du préfet du Loiret :

2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des article L. 743-1 et L. 743-2 (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci.(...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I (...) de l'article L. 732-2 (...) ". En vertu du 1° du I de l'article L. 732-2 du même code, l'office statue en procédure accélérée lorsque le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application des dispositions de l'article L. 722-1 de ce code.

4. Enfin, selon l'article R. 723-19 du même code : " I.-La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. II.-La notification de la décision du directeur général de l'office mentionne : / 1° Les modalités d'accès à l'enregistrement sonore de l'entretien personnel prévues au II de l'article L. 723-7. (...) / 2° Le délai prévu à l'article 9-4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; / III.-La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. / IV.-La preuve de la notification de la décision du directeur général de l'office peut être apportée par tout moyen. "

5. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. B..., ressortissant géorgien, a été rejetée par une décision du 31 mai 2019 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 732-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort de la fiche TelemOfpra produite pour la première fois en appel par le préfet du Loiret que la décision du 31 mai 2019 a été notifiée à M. B... le 11 juin 2019. Le requérant n'a produit aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur ce document qui, en vertu des dispositions précitées du III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait foi jusqu'à preuve du contraire. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté contesté du préfet du Loiret au motif que la décision de l'OFPRA du 31 mai 2019 n'aurait pas été régulièrement notifiée à M. B....

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif d'Orléans.

7. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par le secrétaire général de la préfecture du Loiret en vertu d'une délégation de signature du 3 septembre 2018, régulièrement publiée le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'autorisant notamment à signer les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été pris par une autorité incompétente doit donc être écarté.

8. En deuxième lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il est donc suffisamment motivé.

9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. B....

10. En quatrième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

11. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et il lui est ainsi loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne la constatation du terme du maintien au séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise à la suite de cette constatation.

12. Ayant sollicité l'asile, M. B... a nécessairement entendu demander la délivrance d'une carte de résident ou d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 ou de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il conservait ainsi la faculté, pendant la durée d'instruction de son dossier et avant l'intervention de la mesure d'éloignement, de faire valoir au préfet tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de cette mesure. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait transmis de tels éléments à l'administration préfectorale. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue.

13. En cinquième lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

15. Si M. B... soutient être suivi pour une pathologie chronique, grave et évolutive, il ne ressort pas de l'unique certificat médical non circonstancié qu'il produit qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées au point précédent doit être écarté.

16. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. Il ressort des pièces du dossier que M. B... pourra reconstituer sa cellule familiale en Géorgie avec son épouse, également en situation irrégulière, et avec sa fille mineure, dont il n'est pas établi qu'elle ne pourrait y poursuivre sa formation. De plus,

M. B..., qui ne résidait en France que depuis un an environ à la date de l'arrêté contesté, ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française. Enfin, M. B... n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales en Géorgie, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de

51 ans. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux stipulations rappelées au point précédent.

18. En huitième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

19. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté pour les raisons indiquées au point 17.

20. En dernier lieu, M. B... soutient qu'il a quitté la Géorgie en raison des risques de persécution qu'il encourt dans ce pays. Toutefois, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément probant de nature à établir qu'il serait personnellement exposé à des risques graves et actuels en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 20 août 2019.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1903257 du tribunal administratif d'Orléans du 4 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente rapporteure,

- M. Mony, premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

La rapporteure

N. C... L'assesseur le plus ancien

A. Mony

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04882
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt04882 ?
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