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17/07/2020 | FRANCE | N°18NT03844

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 juillet 2020, 18NT03844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006, d'autre part, d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir d'abroger l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006, enfin de mettre à la charge de l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 180

2125 du 24 août 2018, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Or...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006, d'autre part, d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir d'abroger l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006, enfin de mettre à la charge de l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1802125 du 24 août 2018, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 octobre et 5 décembre 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 24 août 2018 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006 signé par le secrétaire général de la préfecture a été pris par une autorité incompétente et méconnaît les dispositions de l'article L. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne fixe pas le pays de renvoi ;

- il ne présente pas une menace grave pour l'ordre public ; l'arrêté d'expulsion est intervenu le 15 septembre 2006, soit il y a plus de douze ans désormais ; son casier judiciaire est vierge ; en tant que ressortissant communautaire, son droit d'entrée et de libre séjour sur le territoire de l'un des Etats membres ne saurait être limité que " pour des raisons impérieuses de santé publique ". Son droit au séjour en France ne représente aucune menace réelle et actuelle avérée.

- il est chargé de famille, ayant deux enfants mineurs et un troisième dont il assure la tutelle ; il souhaite pouvoir séjourner ponctuellement sur le territoire français pour des motifs de loisir et dans la perspective d'éventuelles opportunités professionnelles.

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à la préfète d'Eure-et-Loir qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant roumain, a par une lettre du 13 février 2018, reçue le 15 février suivant, formé auprès de la préfète d'Eure-et-Loir une demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion prononcé à son encontre le 15 septembre 2006 par la même autorité. Il relève appel de l'ordonnance du 24 août 2018 par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " et aux termes de l'article L.524-1 du même code : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public, sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée.

3. Au cas d'espèce, M. D..., qui a fait l'objet d'un arrêté préfectoral d'expulsion en date du 15 septembre 2006 après avoir été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 14 septembre 2004 pour des faits de proxénétisme aggravé a exécuté sa peine. Il ressort des pièces versées au dossier par l'intéressé qu'au cours de sa période d'incarcération, il a suivi différentes formations qualifiantes, a obtenu une attestation de formation d'une durée de 400 heures en qualité " d'agent polyvalent de restauration collective " justifiant notamment de sa parfaite maîtrise du français. Il est également établi que M. D... n'a eu aucun comportement répréhensible ni commis d'autre infraction depuis l'exécution de la mesure d'expulsion en 2006, comme le confirme l'extrait de son casier judiciaire roumain établi à la date du 31 janvier 2018. Il justifie également avoir créé en 2013 une société - Sarl - de droit roumain spécialisée dans le négoce et la vente en gros de champignons, fruits et produits d'herboristerie divers qui sont commercialisés dans toute l'Europe. Plusieurs attestations versées au dossiers, qui émanent de personnes résidant dans la commune de Cluj où l'intéressé demeure et exerce son activité professionnelle, rendent compte de sa bonne moralité et de sa parfaite insertion sociale. Compte tenu de ces différents éléments, et en estimant implicitement mais nécessairement que la présence en France de M. D... constituerait une menace grave pour l'ordre public de nature à justifier le rejet en 2018, de la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006 dont l'intéressé faisait l'objet, la préfète d'Eure-et-Loir a commis une erreur d'appréciation et entaché d'illégalité la décision contestée.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la première chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté, sans aucun examen, sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006 dont il a fait l'objet.

Sur les frais liés au litige :

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat le paiement à d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1802125 du 24 août 2018 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans ainsi que la décision implicite par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté la demande de M. D... tendant à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 15 septembre 2006 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

O. C...Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18NT03844 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03844
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET XAVIER DAUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;18nt03844 ?
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