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17/07/2020 | FRANCE | N°18NT02944

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 juillet 2020, 18NT02944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le ministre chargé de l'agriculture a mis fin à son détachement sur un emploi de chargée de mission de l'agriculture et de l'environnement et l'a réintégrée dans son corps d'origine d'ingénieur de l'agriculture et de l'environnement à compter du 1er septembre 2016 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux dirigé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1605446 du 18 avril 2

018, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces deux décisions, a enjoint au mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le ministre chargé de l'agriculture a mis fin à son détachement sur un emploi de chargée de mission de l'agriculture et de l'environnement et l'a réintégrée dans son corps d'origine d'ingénieur de l'agriculture et de l'environnement à compter du 1er septembre 2016 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux dirigé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1605446 du 18 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces deux décisions, a enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de réintégrer Mme B... sur l'emploi de chef de mission qu'elle occupait à compter du 1er septembre 2016 jusqu'à ce qu'il statue à nouveau sur sa situation et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 avril 2018 en tant qu'il lui a enjoint de réintégrer Mme B... sur l'emploi de chef de mission qu'elle occupait à compter du 1er septembre 2016 jusqu'à ce qu'il statue à nouveau sur sa situation ;

2°) de juger qu'il lui appartient seulement de réintégrer Mme B... dans un emploi de chef de mission pour la période du 1er septembre au 5 novembre 2016.

Il soutient que :

- l'arrêté du 26 octobre 2016 n'est illégal qu'en tant qu'il prévoit un effet rétroactif au 1er septembre 2016 ; depuis le lendemain de sa publication au journal officiel le 4 novembre 2016, Mme B... n'occupait plus un emploi ouvrant droit à l'exercice des fonctions de chef de mission du ministère chargé de l'agriculture ; à la date du 18 avril 2018, le tribunal ne pouvait donc lui enjoindre de la réintégrer sur le poste qu'elle occupait jusqu'à ce qu'il soit statué de nouveau sur sa situation dans la mesure où cet emploi n'existait plus ; à compter du 5 novembre 2016, il était en situation de compétence liée pour mettre fin à ce statut pour Mme B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2018, Mme B..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 26 octobre 2016 modifiant l'arrêté du 1er juillet 2016 fixant la liste et la localisation des emplois de chef de mission de l'agriculture et de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant Mme B....

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 8 juillet 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 13 juillet 2011, Mme B..., ingénieur divisionnaire, a été détachée pour la période du 23 octobre 2010 au 31 décembre 2014 en qualité de chef de mission de l'agriculture et de l'environnement à l'agence de services et de paiement (ASP) de Nantes (direction régionale des Pays-de-la-Loire), ce service étant chargé de faciliter la mise en oeuvre des politiques communautaires et nationales en matière d'agriculture notamment. En 2015, l'intéressée a été mutée, à sa demande, à l'ASP de Chantepie (direction régionale de Bretagne). Par un arrêté du 28 juillet 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a mis fin à son détachement sur un emploi de chef de mission de l'agriculture et de la forêt et l'a réintégrée dans le corps des ingénieurs divisionnaires de l'agriculture et de l'environnement à compter du 1er septembre 2016. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et du rejet implicite de son recours gracieux présenté le 17 août 2016. Par un jugement du 18 avril 2018, le tribunal administratif a annulé ces deux décisions (article 1er), " a enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de réintégrer Mme B... sur l'emploi de chef de mission qu'elle occupait à compter du 1er septembre 2016 jusqu'à ce qu'il statue à nouveau sur sa situation " (article 2), a rejeté le surplus des conclusions de l'intéressée (article 3) et a mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel de l'article 2 de ce jugement en soutenant qu'il lui appartient seulement de réintégrer Mme B... dans l'emploi de chef de mission qu'elle occupait pour la période du 1er septembre au 5 novembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

2. Aux termes de l'article L. 911 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

3. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 octobre 2016 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt modifiant l'arrêté du 1er juillet 2016 fixant la liste et la localisation des emplois de chef de mission de l'agriculture et de l'environnement : " La liste des emplois de chef de mission fixée par l'arrêté du 1er juillet 2016 susvisé est modifié conformément aux mentions figurant dans les annexes du présent arrêté à compter du 1er septembre 2016 ". Selon l'annexe V à cet arrêté concernant la localisation des emplois de chef de mission dans les établissements publics relevant du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, " Sont supprimées les mentions : délégations régionales de l'agence de services et de paiement pour les fonctions : auditeur au service d'audit interne à la direction régionale de Bretagne ". Cet arrêté a été publié au journal officiel de la République française le 4 novembre 2016.

4. Le tribunal administratif de Rennes a estimé que les dispositions de l'arrêté du 26 octobre 2016 étaient illégales en raison de leur caractère rétroactif. Il a fait droit au moyen tiré de l'exception d'illégalité soulevé par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 juillet 2016 mettant fin à son détachement sur l'emploi de chef de mission de l'agriculture et de l'environnement et la réintégrant dans son corps d'origine à compter du 1er septembre 2016. Il a, par l'article 1er de son jugement, annulé cette décision. Le ministre chargé de l'agriculture, n'ayant pas fait appel de l'article 1er de ce jugement, celui-ci est revêtu de l'autorité de la chose jugée.

5. Il est cependant constant qu'à la date de son entrée en vigueur, le 5 novembre 2016, et ainsi que l'admet d'ailleurs Mme B..., l'emploi d'auditeur au service d'audit interne à la direction régionale de Bretagne, qu'elle occupait depuis 2015, n'existait plus. Dans ces conditions, cette dernière ne pouvait y être maintenue au-delà de cette date. Par suite, le ministre chargé de l'agriculture était tenu de la réintégrer dans son corps d'origine à compter du 5 novembre 2016. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes l'a enjoint de réintégrer Mme B... sur l'emploi de chef de mission qu'elle occupait à compter du 1er septembre 2016 " jusqu'à ce qu'il statue à nouveau sur sa situation ". L'article 2 du jugement attaqué doit en conséquence être annulé.

6. Enfin, en première instance, Mme B... a demandé au tribunal administratif d'enjoindre au ministre chargé de l'agriculture de prononcer son détachement sur un emploi de chef de mission (IAE) pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2019 et de la rétablir dans ses droits en terme de rémunération. Compte tenu de ce qui est mentionné au point 5, il y a seulement lieu d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de réintégrer l'intéressée sur l'emploi de chef de mission qu'elle occupait, pour la période du 1er septembre 2016 au 4 novembre 2016, puis de la réintégrer dans son corps d'origine à compter du 5 novembre 2016 et d'en tirer toutes les conséquences financières.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1605446 du tribunal administratif de Rennes en date du 18 avril 2018 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de réintégrer Mme B... sur l'emploi de chef de mission qu'elle occupait, pour la période du 1er septembre 2016 au 4 novembre 2016, et de réintégrer l'intéressée dans son corps d'origine à compter du 5 novembre 2016 et d'en tirer toutes les conséquences financières.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que celles présentées par l'intéressée en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à Mme C... B....

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02944
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL BOURGES-BONNAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;18nt02944 ?
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