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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT00680

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT00680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... et M. E... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme F... la somme de 556 205,63 euros, à M. E... la somme de 60 000 euros et à leur enfant A... la somme de 35 000 euros en raison des préjudices subis par eux en raison des conditions de la prise en charge médicale de Mme F... lors de son accouchement intervenu le 6 décembre 2012 au centre ho

spitalier régional d'Orléans.

Par un jugement n°1700860 du 20 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... et M. E... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme F... la somme de 556 205,63 euros, à M. E... la somme de 60 000 euros et à leur enfant A... la somme de 35 000 euros en raison des préjudices subis par eux en raison des conditions de la prise en charge médicale de Mme F... lors de son accouchement intervenu le 6 décembre 2012 au centre hospitalier régional d'Orléans.

Par un jugement n°1700860 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2019 Mme F... et M. E..., représentés par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de condamner l'ONIAM à verser à Mme F... la somme totale de 549 702,41 euros, à M. E... la somme de 60 000 euros et à A... E... la somme de 35 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le refus de voir dans les actes ayant accompagné l'accouchement des actes médicaux entrant dans le champ d'application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- la réalisation de ces actes médicaux (recours au forceps et épisiotomie) lors de l'accouchement entre dans le cadre des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de santé publique dès lors qu'il en est résulté des conséquences anormales, en particulier un déficit fonctionnel permanent évalué à 33 %, qui doivent être prises en charge au titre de la solidarité nationale ;

- le tribunal administratif s'est mépris sur l'appréciation qu'il a porté sur les séquelles dont souffre Mme F..., qui trouvent leur origine dans l'utilisation du forceps lors de l'accouchement, ses troubles psychologiques étant indissociables de ses troubles physiologiques ;

- leurs différents préjudices doivent être intégralement réparés, soit 5 822,22 euros au titre des dépenses de santé actuelles et futures et des frais divers, 14 310 euros au titre du besoin d'assistance par tierce personne, 152 462 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs, 150 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

7 945 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 30 000 euros au titre des souffrances endurées, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 100 650 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 30 000 euros au titre du préjudice sexuel, 25 000 euros au titre du préjudice d'établissement pour Mme F..., 25 000 euros au titre du préjudice d'affection, 15 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et 20 000 euros au titre du préjudice sexuel pour M. E..., 20 000 euros au titre du préjudice d'affection et 15 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence pour leur enfant A... E....

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2019 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme F... et M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant Mme F... et M. E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... a été admise le 6 décembre 2012 au centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans afin d'y donner naissance, dans le cadre d'un accouchement provoqué pour cause de diabète gestationnel, à son premier enfant. L'enfant naît le 7 décembre, après un accouchement par voie basse au cours duquel une épisiotomie a été pratiquée et un forceps utilisé car l'enfant se présentait en position occipito-sacrée. Mme F..., qui continue de souffrir de douleurs et de gênes périnéales, a saisi le 19 mai 2014 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) du Centre d'une demande d'indemnisation. Celle-ci a désigné un expert qui a remis son rapport le 6 mars 2015, à l'issue duquel elle a rendu, le

7 mai 2015, un avis favorable à l'indemnisation de l'intéressée au titre de la solidarité nationale. Par une décision du 14 septembre 2015, l'ONIAM a refusé de proposer une offre d'indemnisation à Mme F.... Celle-ci a alors demandé la désignation d'un expert par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, qui a fait droit à sa demande. L'expert judiciaire, gynécologue obstétricien, a souhaité recourir à un sapiteur psychiatre. Leur rapport a été remis le 1er septembre 2016. Mme F... et son compagnon ont formé le

13 mars 2017 un recours indemnitaire dirigé contre l'ONIAM. Ils relèvent appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Sur l'obligation de l'ONIAM :

2. Aux termes de l'article L.1142-1 du code de la santé publique : " (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.(...) ".

3. Mme F... a fait l'objet, lors de son accouchement par voie basse, d'actes médicaux spécifiques sous la forme d'une épisiotomie latérale droite et du recours à un forceps pour extraire l'enfant. Il résulte de l'instruction, en particulier des deux rapports d'expertise rendus au sujet des conditions dans lesquelles s'est déroulé cet accouchement et des complications subies par l'intéressée, que leurs conclusions concordent sur le fait que l'épisiotomie préventive pratiquée était nécessaire au vu de la manière particulière dont se déroulait l'accouchement, s'agissant d'un premier enfant de poids relativement élevé et se présentant en position dite occipito-sacrée. Il en va de même s'agissant de l'utilisation du forceps car l'enfant à naître présentait des anomalies du rythme cardiaque et les efforts expulsifs de Mme F... se révélaient inefficaces. Par ailleurs, selon le rapport de l'expert judiciaire, la suture de l'épisiotomie a été réalisée dans les règles de l'art et n'a dû être reprise en 2014 qu'en raison d'un lâchage des fils en intra cicatriciel, favorisé par la présence probable d'un hématome sous-jacent sur la partie musculaire, lui-même à l'origine des douleurs intenses alors ressenties par Mme F....

4. Si Mme F... soutient que les séquelles qu'elle présente depuis l'accouchement sont directement en lien avec les actes médicaux ainsi rappelés, et plus particulièrement avec l'utilisation d'un forceps, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que les troubles de la sensibilité et des troubles sphinctériens ressentis par Mme F... ont pour origine la compression des terminaisons nerveuses, en particulier du nerf pudendal innervant le périnée, survenue lors de la descente de la tête foetale dans la filière génitale. Ce type de pathologie a été décrit, même en l'absence d'usage du forceps, en cas de présentation de l'enfant en position occipito-sacrée. Dans ces conditions, les séquelles conservées par Mme F... ne peuvent être regardées comme directement imputables aux actes de soins pratiqués lors de son accouchement. Par suite, les conditions d'indemnisation de Mme F... par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale telles qu'elles sont énoncées à l'article L. 1142-1 II précité du code de la santé publique ne sont pas réunies.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme F... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme F... et à M. E... la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme F... et de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... F..., à M. C... E..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 juillet 2020.

Le rapporteur

A. B...

Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19NT00680 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00680
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LATOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt00680 ?
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