Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 2 avril 2019 du préfet du Loiret l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1901349, 1901613 du 20 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 septembre 2019 M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 20 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu garanti par les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant son pays d'origine comme pays de renvoi a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2019 le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 20 mai 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2019 du préfet du Loiret l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu par les services de la police aux frontières devant lesquels il avait été convoqué le 2 avril 2019 à 14 h 30, soit avant la notification, le même jour à 17 h 00, de la mesure d'éloignement contestée. L'intéressé n'établit pas que cette audition aurait porté sur sa seule situation administrative et qu'il aurait été dans l'impossibilité de présenter des observations relatives à sa situation personnelle et familiale avant que ne soit prise la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que M. B... a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.
3. En deuxième lieu, c'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que le premier juge a écarté, au point 10 de son jugement, le moyen tiré de ce que le préfet du Loiret n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation M. B....
4. En troisième lieu, si M. B... soutient qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Loiret a en réalité cherché à faire obstacle à son mariage, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette autorité aurait été informée du caractère irrégulier du séjour en France du requérant avant l'audition par les services de police, qui a précisément révélé cette circonstance. Ainsi la mesure contestée, qui a tiré les conséquences de l'irrégularité de la présence en France de M. B... dans un délai rapide mais qui n'est pas inhabituel lorsqu'un cas de séjour irrégulier est mis à jour au cours d'une audition par les services de police ou de gendarmerie, n'a pas eu pour motif déterminant de faire obstacle à son mariage, lequel a été d'ailleurs été célébré le 11 mai 2019. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
5. En quatrième lieu, M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo entré irrégulièrement en France en 2013, soutient qu'il vit avec une compatriote réfugiée qu'il connaît depuis 2015, avec laquelle il a contracté un mariage coutumier le 12 mai 2018 et qu'un projet de mariage civil était en cours à la date de l'arrêté litigieux. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de cet arrêté, la communauté de vie des intéressés était récente. Par ailleurs, M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée et qui a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, n'allègue ni n'établit être dépourvu de toute attache hors du territoire français où il est entré à l'âge de vingt-sept ans. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. B..., la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
7. M. B... se prévaut des risques qu'il encourt en cas de retour en République démocratique du Congo en sa qualité de membre de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). A cet égard, l'intéressé produit une attestation du président de la cellule Lumumba de l'UDPS, datée du 10 décembre 2018, ainsi qu'une attestation de la secrétaire générale de cette cellule datée du 1er décembre 2017 indiquant qu'il est un membre très actif du parti, qu'il a exercé les fonctions de " mobilisateur " et est exposé à un danger de mort à l'instar de M. E..., assassiné dans la nuit du 19 au 20 septembre 2016. Le requérant verse également au dossier un avis de recherche émis à son encontre par les autorités policières congolaises, en date du 16 mai 2019 ainsi que l'extrait d'un jugement rendu le 9 janvier 2016 par le tribunal de paix Assossa-Kinshasa-Kasa-Vubu le condamnant à quatre ans de détention pour des faits de " provocation et d'incitation à des manifestations contre le pouvoir public et évasion ". Enfin, il ressort des sources publiques disponibles qu'en dépit d'une présidence de l'Etat aux mains de l'UDPS, les personnes affiliées à l'UDPS peuvent être menacées du fait de la mainmise du clan Kabila sur le pouvoir, l'appareil sécuritaire et la justice, et que certains exilés peuvent se retrouver, en cas de retour, pris dans un " règlement de comptes " personnel avec le clan Kabila. Dans ces conditions,
M. B... doit être regardé comme établissant la réalité des risques qu'il encourt s'il est renvoyé dans son pays. Par suite, l'arrêté contesté du 2 avril 2019 doit être annulé en tant qu'il fixe le pays de renvoi.
8. Il résulte de ce tout qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi d'office.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt, qui se borne à annuler la décision fixant le pays de renvoi de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de M. B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de l'intéressé de la somme de 800 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1901349,1901613 du 20 mai 2019 du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté du 2 avril 2019 du préfet du Loiret en ce qu'il fixe la République démocratique du Congo comme pays de destination.
Article 2 : L'arrêté du 2 avril 2019 du préfet du Loiret est annulé en tant qu'il fixe la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel M. B... pourrait être reconduit d'office.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme D..., présidente-assesseure,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2020.
La rapporteure
N. D...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT037832