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16/06/2020 | FRANCE | N°18NT03737

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 juin 2020, 18NT03737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours devant la commission de recours des militaires du 20 mars 2016 contre la décision du 4 février 2016 mettant à sa charge la somme de 4 411,49 euros.

Par un jugement n° 1602362 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 octobre 2018 et le 3 février 2020, M.

C... doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours devant la commission de recours des militaires du 20 mars 2016 contre la décision du 4 février 2016 mettant à sa charge la somme de 4 411,49 euros.

Par un jugement n° 1602362 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 octobre 2018 et le 3 février 2020, M. C... doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 mars 2018 ;

2°) d'annuler le titre de perception émis à son encontre par le directeur départemental des finances publiques de la Sarthe le 4 mars 2014, ainsi que la décision de rejet partiel de sa réclamation du 15 mars 2016, et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 4 411 euros ;

Il soutient que :

- la décision attaquée méconnait l'article L. 4137-5 du code de la défense dès lors qu'on ne peut lui opposer une absence de service fait dans la mesure où il appartenait à l'administration de le placer en situation régulière, c'est-à-dire de le suspendre de ses fonctions voire de le rayer des contrôles car sa hiérarchie était informée de sa situation et qu'il était dans l'impossibilité matérielle d'exercer ses fonctions du fait de son incarcération ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenus qu'il était redevable d'une somme de 4 411 euros alors que la soustraction de la somme que l'exposant aurait dû percevoir (1 459,48 euros) de la somme indûment versée (5 429,22 euros), s'élève à 3 969,74 euros ;

- contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, le fait pour l'administration d'avoir maintenu le versement de sa solde et des indemnités accessoires à son profit peut être assimilé à une décision implicite accordant un avantage financier créatrice de droit qui ne pouvait, dès lors, être retirée que dans le délai de quatre mois suivant son édiction ;

- la perception de sa solde et des indemnités accessoires est imputable à une carence de l'administration liée à un dysfonctionnement du logiciel unique à vocation interarmées de la solde des militaires dit " Louvois ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2020, la ministre des armées, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- si, tel que le jugement a justifié son calcul, le montant de l'indu devrait être égal à la somme de 3 969,74 euros, le trop-perçu en litige s'élève bien à un montant total de 4 411,49 euros et il conviendra de procéder à une substitution de motifs sur ce point ;

- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000

- le décret n°59-1193 du 13 octobre 1959 ;

- le décret n°85-1148 du 24 octobre 1985 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., engagé le 3 décembre 2002 par contrat pour une durée de cinq ans afin de servir au 2ème régiment d'infanterie de marine du Mans, a été incarcéré du 22 aout 2012 au 9 juillet 2013. Par une lettre du 10 décembre 2013, le ministre de la défense lui a notifié un trop-perçu de rémunération, d'indemnités pour charges militaires et de supplément familial d'un montant de 4 597, 25 euros. Le 4 mars 2014, un titre de perception du même montant a été émis à son encontre. M. C... a contesté cette décision par une réclamation du 9 avril 2014. Par une décision du 15 mars 2016, la réclamation de l'intéressé contre ce titre a été partiellement rejetée et la somme à recouvrer a été ramenée à un montant de 4 411 euros. Par sa requête visée ci-dessus, M. C... doit être regardé comme demandant à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 mars 2018 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre par le directeur départemental des finances publiques de la Sarthe le 4 mars 2014, ainsi que la décision de rejet partiel de sa réclamation du 15 mars 2016, et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 4 411 euros.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4137-5 du code de la défense, dans sa rédaction applicable à la date de l'émission du titre litigieux : " En cas de faute grave commise par un militaire, celui-ci peut être immédiatement suspendu de ses fonctions par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. / Le militaire suspendu demeure en position d'activité. Il conserve sa solde, l'indemnité de résidence et le supplément familial de solde. / La situation du militaire suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé est rétabli dans un emploi de son grade, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales./ Lorsque le militaire, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans un emploi de son grade, le ministre de la défense peut déterminer la quotité de la retenue qu'il subit et qui ne peut être supérieure à la moitié de sa solde augmentée de l'indemnité de résidence et du supplément familial de solde./ Si le militaire n'a subi aucune sanction disciplinaire, il a le droit au remboursement des retenues opérées sur sa rémunération. Toutefois, en cas de poursuites pénales, ce droit n'est définitivement arrêté que lorsque la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive."

4. Par ailleurs, à défaut de dispositions contraires, les agents publics n'ont droit au paiement de leur rémunération qu'en contrepartie de l'accomplissement de leur service. Toutefois, le droit de tout agent à percevoir son traitement ne peut cesser que si l'absence d'accomplissement de son service résulte de son propre fait.

4 Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été incarcéré du 22 août 2012 au 9 juillet 2013. Durant la période du 1er août 2012 au 31 octobre 2012, il a perçu la somme de 4 361,72 euros au titre de la solde, la somme de 1 173,27 euros au titre de l'indemnité pour charges militaires et la somme de 219,12 euros au titre du supplément pour charges de famille. Il n'est pas contesté que seules les sommes respectives de 1 017,73, euros, 273,76 euros et 51,13 euros lui étaient dues au titre de chacune de ces catégories de rémunération. Par suite, le requérant est effectivement redevable d'un trop-perçu de rémunération d'un montant de 4 411 euros.

5. En deuxième lieu, l'absence de service accompli par M. C... entre le 22 août 2012 et le 9 juillet 2013 ne résulte pas de l'impossibilité d'exercer ses fonctions dans laquelle il a été placé par l'administration. En outre, contrairement à ce qui est allégué, l'administration n'était nullement tenue de suspendre M. C... de ses fonctions sur la période considérée, dès lors que les procédures pénales et disciplinaires sont indépendantes l'une de l'autre. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnait l'article L. 4137-5 du code de la défense au motif qu'il aurait dû être suspendu de ses fonctions et que l'absence d'accomplissement de son service ne résulterait pas de son propre fait.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Dans les deux hypothèses mentionnées au deuxième alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, la somme peut être répétée dans le délai de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.

8. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales.

9. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. En conséquence, tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification.

10. Il résulte de l'instruction que l'administration a notifié au requérant un trop-perçu de rémunération, d'indemnités pour charges militaires et de supplément familial par lettre du 10 décembre 2013. Elle a ensuite émis, le 4 mars 2014, un titre de perception relatif au trop-perçu litigieux, titre que le requérant a contesté le 9 avril 2014. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les sommes perçues du 22 août 2012 au 31 octobre 2012 qui lui ont été réclamées étaient atteintes par la prescription prévue par les dispositions précitées.

11. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la perception des sommes litigieuses par M. C... soit imputable à une carence de l'administration, liée notamment à un dysfonctionnement du logiciel unique à vocation interarmées de la solde des militaires dit " Louvois ". Par suite, le requérant n'est pas fondé à demander à ce que montant du titre de perception litigieux soit réduit sur ce fondement.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020

Le rapporteur,

F. B...Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N°18NT03737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03737
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET AetE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-16;18nt03737 ?
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