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16/06/2020 | FRANCE | N°18NT02665

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 juin 2020, 18NT02665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 avril 2017 par lequel le directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Calvados l'a déclaré incapable de diriger un établissement d'enseignement ou d'y être employé et l'a radié du corps des professeurs des écoles ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1701914 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté ainsi que le rejet i

mplicite du recours gracieux de M. A... en tant qu'ils le radient du corps des profes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 avril 2017 par lequel le directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Calvados l'a déclaré incapable de diriger un établissement d'enseignement ou d'y être employé et l'a radié du corps des professeurs des écoles ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1701914 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté ainsi que le rejet implicite du recours gracieux de M. A... en tant qu'ils le radient du corps des professeurs des écoles, a enjoint au recteur de l'académie de Caen d'examiner les possibilités de reclassement de l'intéressé dans un délai d'un mois et a mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 juillet 2018, 28 mai 2019 et 9 janvier 2020, le ministre chargé de l'éducation nationale demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A....

Il soutient que :

- l'article L. 911-5 du code de l'éducation institue une incapacité de plein droit, de sorte que l'administration qui prononce la radiation des cadres d'un personnel sur ce fondement, ne fait que tirer les conséquences qui découlent nécessairement de sa condamnation ; c'est par suite à tort que le tribunal administratif a jugé que ces dispositions n'impliquaient pas la radiation de M. A... du corps des professeurs des écoles ;

- aucune disposition législative ou règlementaire n'impose une obligation de reclassement dans un autre corps de fonctionnaire pour les enseignants, recrutés pour assurer des fonctions d'enseignement, qui font l'objet d'une procédure de radiation des cadres sur le fondement de l'article L. 911-5 du code de l'éducation ; les règles du statut de la fonction publique ne confèrent aucun droit, pour un fonctionnaire, à occuper de manière générale, un emploi autre que ceux que le corps dans lequel il a été recruté lui donne vocation à occuper en fonction du grade dont il est titulaire.

Par des mémoires, enregistrés les 3 mai 2019 et 6 décembre 2019, M. B... A..., représenté par Me Chanut, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à l'inspecteur d'académie du Calvados d'examiner ses possibilités de reclassement dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de l'éducation ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été titularisé dans le corps des instituteurs à compter du 1er septembre 1984 puis intégré, au 1er septembre 2011, dans le corps des professeurs des écoles. En consultant le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles en juin 2016, son administration s'est rendu compte qu'il avait fait l'objet d'une condamnation par un jugement de la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Caen du 26 octobre 2006 à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis pour des faits de " diffusion (...) par le biais d'internet, d'un message à caractère violent ou pornographique de nature à porter atteinte à la dignité humaine ". Par un arrêté du 26 avril 2017, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Calvados a déclaré M. A... incapable de diriger un établissement d'enseignement ou d'y être employé et l'a radié du corps des professeurs des écoles. Le 20 juin 2017, l'intéressé a formé un recours gracieux contre cet arrêté. Par un jugement du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté ainsi que le rejet implicite du recours gracieux de M. A..., en tant qu'ils le radient du corps des professeurs des écoles. Il a enjoint au recteur de l'académie de Caen d'examiner les possibilités de reclassement de l'intéressé dans un délai d'un mois. Le ministre chargé de l'éducation nationale relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 911-5 du code de l'éducation dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions contestées : " Sont incapables de diriger un établissement d'enseignement du premier et du second degré ou un établissement d'enseignement technique, qu'ils soient publics ou privés, ou d'y être employés, à quelque titre que ce soit : 1° Ceux qui ont subi une condamnation judiciaire pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente d'apprécier, sous le contrôle du juge, si les faits ayant valu à une personne dirigeant un établissement d'enseignement du premier et du second degré ou de l'enseignement technique ou y étant employée une condamnation judiciaire pour crime ou délit sont contraires à la probité ou aux mœurs. Lorsque tel est le cas, l'incapacité qui résulte, en vertu des mêmes dispositions, de cette condamnation entraîne de plein droit, à la date à laquelle elle est devenue définitive, la rupture du lien de l'agent avec son service.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une condamnation pénale pour avoir en 2005 transféré une photographie à caractère pornographique sur un site de " tchat " réservé au moins de 18 ans au préjudice d'une mineure de 12 ans. Cette peine a été inscrite sur le bulletin n° 2 de son casier judiciaire ainsi qu'au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles. Conformément aux dispositions précitées de l'article L. 911-5 du code de l'éducation nationale, cette condamnation, pour un délit contraire à la probité et aux mœurs, suffisait à justifier non seulement l'incapacité de l'intéressé à diriger un établissement d'enseignement ou à y être employé mais également sa radiation du corps des professeurs des écoles [0]du fait de la rupture de ses liens avec son service ainsi que cela est rappelé au point précédent. Par suite, le ministre chargé de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions litigieuses en estimant que les dispositions de l'article L. 911-5 du code de l'éducation n'impliquaient pas une telle mesure.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Caen.

5. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration était tenue en raison de sa condamnation pénale pour atteinte aux mœurs de prendre une décision de radiation des cadres à l'encontre de M. A.... Par suite, l'intéressé ne peut utilement invoquer le défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, qui résulterait selon lui du fait qu'il a pu poursuivre son activité professionnelle sans incident pendant plus de douze ans et n'a fait l'objet d'aucune autre poursuite judiciaire, ou le défaut d'habilitation de la personne ayant consulté le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles en juin 2016. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

6. En second lieu, la décision en litige ne constitue pas une sanction disciplinaire, mais une mesure prise en considération de la personne. Par suite, M. A..., qui a pu consulter préalablement son dossier administratif et faire valoir ses observations, n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse en tant qu'elle prononce sa radiation du corps des professeurs des écoles constituerait une sanction déguisée destinée à éviter une procédure disciplinaire.

7. Il résulte de ce qui précède, que le ministre chargé de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions litigieuses en tant qu'elles radiaient M. A... du corps des professeurs des écoles.

Sur le surplus des conclusions :

8. Les conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. A... en appel doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701914 du tribunal administratif de Caen du 3 mai 2018, en tant qu'il a annulé l'arrêté du 26 avril 2017 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. A... dirigé contre cette décision, en tant qu'ils prononcent sa radiation du corps des professeurs des écoles, est annulé.

Article 2 : Le demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de la décision prononçant sa radiation contenue dans l'arrêté du 26 avril 2017 est rejetée.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT02665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02665
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET CHANUT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-16;18nt02665 ?
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