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11/06/2020 | FRANCE | N°18NT02276

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 juin 2020, 18NT02276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1603279 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des sommes de 333 euros en droits et

62 euros en pénalités sur les conclusions relatives à l'année 2010 (article 1er) et reje

té le surplus de leur demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1603279 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des sommes de 333 euros en droits et

62 euros en pénalités sur les conclusions relatives à l'année 2010 (article 1er) et rejeté le surplus de leur demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juin 2018 et 11 mars 2019, M. et Mme E..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'application rétroactive de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 26 avril 2017 méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ; elle est également contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- aucune disposition ne prévoit l'obligation de restituer une aide d'Etat versée prématurément ;

- l'administration a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe d'égalité des armes en opposant aux contribuables des renseignements portant sur la date de réalisation de l'investissement productif obtenus auprès d'EDF par l'usage d'une procédure contraignante alors qu'ils ne peuvent obtenir les documents que le service leur oppose ;

- les informations obtenues par l'administration n'ont pas été mises à leur disposition en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et des droits de la défense ;

- l'obtention des attestations d'EDF n'est pas légale ; ces attestations n'ont pas de valeur probante ;

- l'administration n'apporte pas la preuve d'une surfacturation concernant la centrale acquise par la société en participation (SEP) Sunra 137 et exploitée par la société en nom collectif (SNC) Sourlya 23.

Par des mémoires, enregistrés les 15 mars 2019 et 10 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., qui ont investi dans plusieurs sociétés en participation (SEP), ont imputé sur le montant de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés dans le département de la Réunion par ces sociétés et consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. Cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Électricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements considérés n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de cette année. L'administration a également remis en cause le report de cette réduction au titre de l'année 2011. Après le rejet de leur réclamation par l'administration, M. et Mme E... ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011. Ils relèvent appel de l'article 2 du jugement du 11 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence à concurrence des sommes de 333 euros en droits et 62 euros en pénalités sur les conclusions relatives à l'année 2010 (article 1er), a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et qui ont résulté de ces remises en cause.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, les requérants, qui soutiennent que l'administration a obtenu de manière contraignante un renseignement qu'il leur était impossible d'obtenir et qu'il n'était pas nécessaire d'avoir ce renseignement pour établir leur déclaration d'impôt sur le revenu en application de l'article 95 T de l'annexe II au code général des impôts, ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et invoquer, sur ce fondement, l'atteinte au principe d'égalité des armes pour contester la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu devant le juge de l'impôt dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale.

3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées ". Aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'État, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le droit de communication reconnu à l'administration fiscale par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales a pour seul objet de lui permettre, pour l'établissement et le contrôle de l'imposition d'un contribuable, de demander à un tiers ou, éventuellement, au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela ne nécessite d'investigations particulières ou, dans les mêmes conditions, de prendre connaissance et, le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Ce droit de communication ne s'exerce que sur des documents de service que les personnes destinataires des demandes de l'administration fiscale détiennent du fait de leur activité. Un document de service au sens des dispositions précitées de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales s'entend de tout document ou de toute donnée élaboré dans le cadre des missions de l'organisme à raison desquelles celui-ci est regardé comme soumis au contrôle de l'autorité administrative.

5. Les demandes adressées par l'administration à Electricité de France (EDF) dans le cadre de son droit de communication avaient pour objet d'obtenir des informations sur l'existence et la date de raccordement effectif des installations concernées au réseau public d'électricité. Les données étaient détenues par EDF dans le cadre de ses obligations de service. Le contenu des attestations fournies par EDF, dont l'irrégularité formelle est, en tout état de cause, inutilement opposée à l'administration fiscale par les requérants, se limitait à des données issues de documents de service. Par suite, les documents et renseignements ainsi transmis par EDF à l'administration n'ont nécessité ni retraitement de données ni investigations particulières de la part de l'opérateur. Ils entraient ainsi dans la catégorie des documents de service au sens des dispositions de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration a excédé les pouvoirs que lui conférait le droit de communication mentionné à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

7. L'administration a exercé son droit de communication auprès d'EDF afin d'obtenir des informations sur les dates de dépôt de demandes de raccordement complètes, de réception du certificat du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité et de mise en production effective des centrales photovoltaïques acquises par les SEP dont M. et Mme E... étaient les associés. Ces éléments d'information, qui étaient mentionnés dans la proposition de rectification, comportaient l'identité du tiers ayant communiqué à l'administration les renseignements considérés et étaient d'une précision suffisante. Ils ont été portés à la connaissance des contribuables dès lors que les réponses et attestations d'EDF étaient annexées à la proposition de rectification. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que pour établir le motif et le montant du redressement contesté, l'administration aurait eu recours à d'autres éléments ni qu'elle aurait utilisé d'autres documents obtenus de tiers. Donc, l'administration, qui n'était pas tenue d'indiquer les modalités d'exercice du droit de communication et notamment la date des demandes de communication, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

8. Enfin, les requérants ne peuvent pas utilement se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-CF-COM-10-10-10 du 12 septembre 2012 n° 90 qui est relative à la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

9. Il résulte des dispositions des articles 199 undecies B du code général des impôts et 95 Q de l'annexe II au même code dans leur rédaction applicable au litige que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. S'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et, par suite, productives de revenus qu'à compter de cette date. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de cet avantage fiscal.

10. L'interprétation des dispositions de l'article 119 undecies B du CGI telle qu'elle a été formulée par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 398405 du 26 avril 2017 statuant au contentieux et s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'électricité, qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence et ne présente aucun caractère rétroactif, ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique ni, en tout état de cause, le principe de confiance légitime.

11. Le montant des investissements productifs à prendre en compte pour calculer la réduction d'impôt dont peut bénéficier un associé d'une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 du code général des impôts ou d'un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C du même code est, en principe, calculé à partir de la valeur pour laquelle l'immobilisation en cause est inscrite au bilan de cette société en application de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code. Toutefois, l'administration peut apporter la preuve que cette valeur est surévaluée par rapport au prix normal du marché. Dans ce cas, elle peut se fonder sur la valeur de l'immobilisation rectifiée, non seulement pour remettre en cause la déductibilité du montant des amortissements pratiqués par la société qui en est propriétaire, mais aussi pour calculer la réduction d'impôt dont peut bénéficier l'associé de la société en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

12. En l'espèce, l'administration, après avoir exercé son droit de communication auprès de fournisseurs et installateurs de matériels photovoltaïques sur l'île de La Réunion, a déterminé le prix moyen de 4,54 euros hors taxe par watt-crête pour des centrales de gammes et de puissance comparables commercialisées dans le département. L'administration a pu constater que ce prix correspond à un montant nettement inférieur à celui facturé aux sociétés dans lesquelles le requérant a investi. Ce faisant, eu égard aux termes de comparaison retenus, qui ne sont pas sérieusement contestés, l'administration a suffisamment justifié de la réalité et du montant de la surfacturation dès lors que les requérants n'apportent aucun élément de nature soit à démontrer que le prix déterminé par l'administration serait sous-évalué soit à justifier la différence de prix. Dans ces conditions, le moyen selon lequel l'administration n'apporte pas la preuve d'une surfacturation ne peut qu'être écarté.

13. Il est constant que les centrales photovoltaïques dans lesquelles avaient investi les SNC dont les requérants étaient associés n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité au 31 décembre 2010, de sorte que les investissements en cause ne pouvaient être regardés comme réalisés au titre de cette même année. L'administration était fondée, pour ce seul motif, à remettre en cause la réduction d'impôt appliquée par les requérants sur leur impôt sur le revenu de l'année 2010, sans que ces derniers puissent utilement soutenir qu'aucune disposition ne prévoit l'obligation de restituer une aide d'Etat versée prématurément.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 juin 2020.

Le rapporteur,

J.-E. D...

Le président,

F. Bataille Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02276
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL DGM ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-11;18nt02276 ?
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