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02/04/2020 | FRANCE | N°19NT04015

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 avril 2020, 19NT04015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... C... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Paris, lequel a transmis cette demande au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du préfet de Police de Paris du 13 octobre 2016 déclarant irrecevable sa demande de naturalisation et cette décision préfectorale.

Par un jugement n° 1703194 du 20 août 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... C... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Paris, lequel a transmis cette demande au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du préfet de Police de Paris du 13 octobre 2016 déclarant irrecevable sa demande de naturalisation et cette décision préfectorale.

Par un jugement n° 1703194 du 20 août 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 octobre 2019 et le 5 mars 2020, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 août 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son niveau de maîtrise de la langue française n'a pas été évalué conformément aux dispositions de l'arrêté du 22 février 2005 ;

- elle justifie d'une maîtrise suffisante de la langue française et a démontré lors de l'entretien en préfecture comprendre les questions relatives à sa vie familiale et à ses intérêts personnels et être en mesure d'y répondre en français ; elle atteste en outre être en capacité de faire face aux situations simples de communication de la vie quotidienne ;

- son mari a obtenu la nationalité française ; il est français au même titre que leur fille et leurs petits-enfants ;

- elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer ;

- la décision expresse du 4 avril 2017 ne lui est pas opposable

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A... C... épouse F..., ressortissante syrienne née le 23 janvier 1940, a sollicité sa naturalisation auprès des services du préfet de police de Paris. Par une décision du 13 octobre 2016, cette demande a été déclarée irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article 21-24 du code civil. Mme F... a demandé l'annulation de cette décision ainsi que celle de la décision implicite née du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'intérieur sur le recours hiérarchique qu'elle a formé le 2 novembre 2016. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette décision implicite a été retirée par le ministre chargé des naturalisations qui a pris une décision expresse déclarant irrecevable la demande le 4 avril 2017. Les conclusions de la demande de Mme F... ont été regardées comme tendant à l'annulation de cette seule décision, intervenue en cours d'instance. Mme F... relève appel du jugement du 20 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

2. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 que les décisions par lesquelles le ministre statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées. Par suite, la décision expresse du 4 avril 2017, qui a eu pour effet de retirer la décision implicite intervenue antérieurement, par laquelle le ministre a rejeté le recours préalable obligatoire formé par Mme F..., s'est substituée à la décision préfectorale du 13 octobre 2016 attaquée. Ainsi, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de cette décision doivent être rejetées comme étant irrecevables et les arguments de sa requête selon lesquels la décision expresse du 4 avril 2017 ne lui serait pas opposable écartés comme inopérants.

3. D'autre part, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 21-24 du même code : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l'adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. / A l'issue du contrôle de son assimilation, l'intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d'Etat, rappelle les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française. ". Aux termes de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993 : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : 1° Tout demandeur doit justifier d'une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques " écouter ", " prendre part à une conversation " et " s'exprimer oralement en continu " du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) du 2 juillet 2008. (...) ".

4. Pour déclarer irrecevable la demande de naturalisation de Mme F..., le ministre de l'intérieur a estimé qu'elle ne répondait pas aux conditions énoncées par l'article 21-24 du code civil dès lors que l'intéressée n'a pas été capable lors de l'entretien réalisé en préfecture de comprendre les points essentiels d'une conversation courante ainsi que de converser sur des sujets familiers et relatifs à ses centres d'intérêts.

5. Le niveau de langue française exigé par le postulant à la naturalisation obéit aux dispositions du décret du 30 décembre 1993 précité et de l'arrêté du 22 février 2005 relatif au compte-rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 15 du décret du 30 décembre 1993. Cet arrêté définit, en vertu d'une grille d'évaluation, les critères d'appréciation qui déterminent le degré de connaissance de la langue française de l'étranger qui postule à la nationalité française. Il ressort des pièces du dossier, contrairement aux allégations de la requérante, que cette grille a été mise en oeuvre en l'espèce par l'administration pour vérifier son niveau de maîtrise de la langue française. Si Mme F... soutient qu'il n'est pas possible à la lecture du résultat du compte-rendu de l'entretien individuel de savoir quelles ont été les questions qui lui ont été posées, elle n'allègue pas que les questions posées n'auraient pas été appropriées.

6. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du procès-verbal d'assimilation linguistique du 30 septembre 2016 que la requérante n'a pas été en mesure de comprendre les points essentiels d'une conversation courante et qu'elle n'a pas été capable de converser sur des sujets familiers et relatifs à ses centres d'intérêts. L'évaluateur a conclu que le niveau B1 requis n'était pas atteint. Si l'intéressée produit à l'instance des attestations de proches établissant qu'elle est capable au quotidien d'accomplir seule des démarches de la vie courante, il ressort des pièces du dossier que son niveau de connaissance de la langue française demeure encore insuffisant en dépit des efforts qu'elle justifie avoir accomplis, notamment en suivant des cours de français. Dans ces conditions, eu égard au large pouvoir dont il dispose, le ministre a pu, sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation, déclarer irrecevable la demande de naturalisation de Mme F... pour défaut d'assimilation linguistique.

7. Si Mme F... se prévaut d'une maladie dégénérative qui l'aurait empêché de répondre sereinement aux questions posées lors de l'entretien et produit un certificat médical, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a bénéficié des dispositions de l'article 37-1 du décret du 30 décembre 1993 la dispensant de la production d'un diplôme ou une attestation justifiant d'un niveau de langue égal ou supérieur niveau B1. Son assimilation linguistique a été appréciée sur la base de l'entretien d'assimilation dont il est fait état aux points précédents et il n'est pas établi que sa maladie aurait eu une influence sur les réponses qu'elle a pu apporter ni sur son niveau de compréhension des questions.

8. La circonstance selon laquelle son mari, sa fille et ses petits-enfants sont de nationalité française est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, eu égard au motif sur lequel elle se fonde.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

Le rapporteur,

T. D...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04015
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : MOYSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;19nt04015 ?
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