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02/04/2020 | FRANCE | N°19NT02142

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 avril 2020, 19NT02142


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la protection du patrimoine du pays d'Ouche, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association Avis de tempête sur Echauffour et son vieux bourg, l'association Belle Normandie environnement, M. Q... V..., M. W... O..., M. X... O..., M. T... O..., Mme C... I..., M. K... I..., M. B... M..., Mme R... M..., Mme Z... O..., M. B... AA..., M. F... J..., M. H... P..., M. D... S..., Mme E... U... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les cinq

arrêtés du 11 décembre 2017 par lesquels le préfet de l'Orne a déli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la protection du patrimoine du pays d'Ouche, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association Avis de tempête sur Echauffour et son vieux bourg, l'association Belle Normandie environnement, M. Q... V..., M. W... O..., M. X... O..., M. T... O..., Mme C... I..., M. K... I..., M. B... M..., Mme R... M..., Mme Z... O..., M. B... AA..., M. F... J..., M. H... P..., M. D... S..., Mme E... U... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les cinq arrêtés du 11 décembre 2017 par lesquels le préfet de l'Orne a délivré à la société Echauffour Energies cinq permis de construire modificatifs relatifs chacun à la construction d'une éolienne.

Par un jugement n° 1800321 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 juin 2019 et 23 janvier 2020, L'association pour la protection du patrimoine du pays d'Ouche, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association Avis de tempête sur Echauffour et son vieux bourg, l'association Belle Normandie environnement, M. Q... V..., M. W... O..., M. X... O..., M. T... O..., Mme C... I..., M. K... I..., M. B... M..., Mme R... M..., Mme Z... O..., M. B... AA..., M. F... J..., M. H... P..., M. D... S..., Mme E... U..., représentés par Me N..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 4 avril 2019 ;

2°) d'annuler les cinq arrêtés du 11 décembre 2017 par lesquels le préfet de l'Orne a délivré à la société Echauffour Energies cinq permis de construire modificatifs relatifs chacun à la construction d'une éolienne ;

3°) d'ordonner le démantèlement des ouvrages construits par la société Echauffour Energies sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché de contradiction dans ses motifs ;

- les modifications en cause, compte tenu de leurs conséquences, ne pouvaient faire l'objet d'un simple permis modificatif ;

- le pétitionnaire a menti sur la disponibilité des modèles d'éoliennes ;

- les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- le nouveau projet aggravera les nuisances sonores ;

- le permis modificatif n'a pas tenu compte des réserves du commissaire enquêteur ;

- le permis modificatif a été obtenu par fraude.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2020, la société Echauffour Energies, représentée par Me L..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés et que la requête est irrecevable faute, d'une part, pour les requérants d'avoir respecté les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, d'avoir un intérêt pour agir.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me N..., représentant l'association pour la protection du patrimoine du pays d'Ouche et autres, et les observations de Me Y..., substituant Me L..., représentant la société Echauffour Energies.

Considérant ce qui suit :

1. Par six arrêtés du 8 mars 2013, le préfet de l'Orne a délivré à la société Echauffour Energie des permis de construire en vue de l'édification de cinq éoliennes et d'un poste de livraison à Echauffour. L'association " Avis de tempête sur Echauffour et son vieux bourg " et deux autres requérants ont contesté ces permis de construire. Leurs requêtes ont été rejetées par le tribunal administratif de Caen le 25 février 2014 et par la cour administrative d'appel de Nantes le 12 janvier 2016. Par cinq arrêtés du 11 décembre 2017, le préfet de l'Orne a accordé à la société Echauffour Energie des permis de construire modificatifs afin de modifier le modèle des cinq éoliennes. Les requérants relèvent appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour répondre au moyen tiré de ce qu'un permis de construire modificatif était insuffisant, les premiers juges ont, après avoir examiné toutes les modifications en cause et porté une appréciation sur chacune, estimé que " Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications apportées au projet, au regard de son importance globale, en altèrent la conception générale ". Par suite, les premiers juges ont répondu, de manière suffisamment motivée, à ce moyen. Si les requérants soutiennent que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'une contradiction de motifs, ce moyen ne concerne que le bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les permis de construire modificatifs, liés à un changement de modèle des éoliennes, portent sur l'abaissement de la hauteur du moyeu des cinq éoliennes de 104 à 95 m, l'augmentation du diamètre des rotors de 82 à 100 m, le déplacement d'une éolienne de 3,68 m, la modification de la taille des fondations et de l'embase, qui passe de 19 m² par éolienne à 28 m², et la modification du tracé des pistes d'accès.

4. Ces évolutions n'ont pas pour effet de modifier la puissance installée des appareils. Si la longueur des pales passe de 41 à 49 mètres, il n'y a pas d'augmentation de la hauteur des éoliennes en bout de pale, qui reste à 145 m, et ces évolutions, comme cela ressort de l'étude d'incidences sur l'environnement, n'ont pas d'impact significatif sur les paysages. Il ressort également de cette étude que si la puissance acoustique de l'éolienne Vestas V100 est supérieure à celle d'ENERCON E82 jusqu'à un vent de 9 m/s, les émergences sonores supplémentaires induites par le nouveau modèle restent limitées et hors cas exceptionnel, imperceptibles à l'oreille humaine. De plus, si l'augmentation du diamètre des rotors a un impact potentiel sur la faune avec l'augmentation du risque de collision du fait du passage de la surface de balayage de 5 540 m² à 7 850 m², soit une hausse de 41 %, il ressort de l'étude d'incidences sur l'environnement que, s'agissant de l'avifaune, aucune espèce sensible au risque de collision éolien n'a été identifiée sur le site et que celui-ci connaît une activité chiroptérologique faible voire très faible. Enfin, s'agissant du déplacement de l'éolienne E2 de 3,68 mètres au sud-est de son implantation, le service en charge de la biodiversité et du paysage de la direction régionale de l'environnement et de l'aménagement et du logement Normandie indique dans son avis du 19 juin 2017 que ce déplacement n'est de nature à modifier ni les enjeux ni les impacts du projet. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications apportées au projet, au regard de son importance globale, en altèrent la conception générale et que, par suite, le projet aurait dû faire l'objet de nouveaux permis de construire et non de permis modificatifs.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement ".

6. L'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ne permet pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

7. D'abord, si les requérants soutiennent que les modifications apportées aux installations vont affecter l'avifaune et les chiroptères, il ressort de l'étude d'incidence, que le site connaît une activité faible à très faible en la matière, comme l'a d'ailleurs retenu la cour administrative d'appel de Nantes par son arrêt du 12 janvier 2016. Si les requérants se prévalent de l'avis de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Normandie qui a estimé, dans un courrier du 19 juin 2017, que les éoliennes sont positionnées en zone de forte sensibilité pour les chiroptères, il ressort des termes de cet avis que cette appréciation ne porte pas spécifiquement sur le site en cause mais, de manière générale, sur les espaces situés à moins de 200 m d'éléments arborés. Enfin, à supposer que des prescriptions tendant au bridage des machines soient nécessaires, elles ne relevaient pas de l'autorité en charge de l'urbanisme mais de celle chargée de l'environnement. L'arrêté complémentaire du 29 janvier 2018 prévoit d'ailleurs l'arrêt de l'ensemble des éoliennes du 1er juin au 30 septembre durant les trois premières heures de nuit, pour des températures supérieures à 13°C et une vitesse de vent à hauteur de nacelle inférieure à 5 m par seconde ainsi qu'un suivi automatisé de l'activité des chiroptères afin d'affiner le plan de bridage.

8. Ensuite, si les requérants soutiennent qu'il existe des risques importants pour certaines espèces fréquentant ou pouvant fréquenter le site telles que le Busard Saint-Marin, la Bécasse des bois, le Pigeon colombin ou la Perdrix grise, il ressort des termes mêmes de l'étude d'impact que si " 20 espèces d'intérêt patrimonial sont susceptibles d'exploiter le site à un moment ou un autre de leur cycle annuel (...), plusieurs d'entre elles ne sont présentes que de manière irrégulière, voire occasionnelle (...). 10 espèces patrimoniales exploitent les lieux de manière régulière et à une période où elles sont vulnérables ". L'étude d'impact conclut sur ce point que " au vu des données recueillies, le site choisi n'accueille pas un nombre significatif d'oiseaux de fort intérêt patrimonial ; l'enjeu environnemental de ce site vis-à-vis de l'avifaune peut donc être considéré comme faible ".

9. Enfin, si les requérants se prévalent de la proximité du projet de haras spécialisés dans l'élevage et l'entraînement de chevaux de sport, ils n'indiquent pas en quoi les modifications apportées pourraient avoir un impact sur ces animaux. Par suite, les permis contestés ne sont pas entachés d'erreur manifeste au regard des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

11. Ainsi que cela a été dit au point 9, les modifications apportées au projet n'ont pas d'incidence sur la hauteur des éoliennes. Le déplacement de l'une des éoliennes est limité à quelques mètres et aucune incidence sérieuse de ce déplacement n'est établie. Il ressort enfin des photomontages figurant dans l'étude d'incidences, qui montrent les mêmes paysages avec les éoliennes initialement autorisées et celles autorisées par les permis de construire modificatifs, que l'impact visuel est quasiment inchangé, notamment par rapport au clocher de l'église d'Echauffour. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications apportées au projet auraient aggravé l'impact du projet sur le caractère ou l'intérêt des lieux avoisinants, les sites, les paysages naturels ou urbains ainsi que sur la conservation des perspectives monumentales. Dès lors, les décisions contestées ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

12. En dernier lieu, les circonstances que les permis de construire modificatifs ne se conformeraient pas aux réserves émises par le commissaire enquêteur au terme de l'enquête publique qui a été réalisée du 12 avril au 15 mai 2010 et que la société aurait donné de fausses informations sur l'indisponibilité du modèle initial d'éolienne qu'elle devait mettre en place sont, en elles-mêmes, sans incidence sur leur légalité. Ces moyens doivent dès lors être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'Association pour la protection du patrimoine du pays d'ouche et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement aux requérants de la somme que ceux-ci demandent. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement à la société Echauffour Energies d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Association pour la protection du patrimoine du pays d'Ouche et autres est rejetée.

Article 2 : L'association pour la protection du patrimoine du pays d'Ouche et autres verseront à la société Echauffour Energies une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la protection du patrimoine du pays d'Ouche, représentant unique désigné par Me N..., à la Société Echauffour énergies et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Une copie en sera adressée au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- M. G..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

Le rapporteur,

T. G...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02142
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET BOKEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;19nt02142 ?
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