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02/04/2020 | FRANCE | N°19NT00775

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 avril 2020, 19NT00775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... L..., M. D... G..., M. J... C..., M. H... F... et M. I... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 11 octobre 2016 par laquelle le conseil municipal de Changé a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'il exclut le classement de leurs parcelles en zone Nf, qu'il interdit, sans exception, l'installation de résidences mobiles en zones NP, NZa, 1AUh et 2AUh et qu'il limite à une unité la possibilité d'installer des résidences mobiles en zones UB

et UC.

Par un jugement n° 1703372 du 28 décembre 2018, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... L..., M. D... G..., M. J... C..., M. H... F... et M. I... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 11 octobre 2016 par laquelle le conseil municipal de Changé a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'il exclut le classement de leurs parcelles en zone Nf, qu'il interdit, sans exception, l'installation de résidences mobiles en zones NP, NZa, 1AUh et 2AUh et qu'il limite à une unité la possibilité d'installer des résidences mobiles en zones UB et UC.

Par un jugement n° 1703372 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2019, M. B... L..., M. D... G..., M. J... C..., M. H... F... et M. I... E..., représentés par Me N..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la délibération du 11 octobre 2016 par laquelle le conseil municipal de Changé a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'il exclut le classement de leurs parcelles en zone Nf, qu'il interdit, sans exception, l'installation de résidences mobiles en zones NP, NZa, 1AUh et 2AUh et qu'il limite à une unité la possibilité d'installer des résidences mobiles en zones UB et UC ;

3°) d'enjoindre à la commune de Changé de modifier le plan local d'urbanisme pour qu'il réponde, sans discrimination, aux besoins présents et futurs de l'ensemble des modes d'habitat ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Changé la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

- le plan local d'urbanisme est incompatible, en ce qui concerne l'habitat des gens du voyage, avec les dispositions du document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale du Pays du Mans et avec le schéma départemental des gens du voyage ;

- la délimitation de la zone Nf est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle a été fixée au regard d'un diagnostic ancien effectué en 2010 qui ne tient pas compte de l'évolution de la situation tenant, depuis cette date, à l'acquisition par des gens du voyage de terrains limitrophes à la zone Nf, notamment ceux qui leur appartiennent.

- le classement de leurs terrains en zone NP est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et repose sur des faits matériellement inexacts dès lors qu'ils ne présentent pas de caractéristiques différentes par rapport à ceux classés en zone Nf ;

- le règlement du plan local d'urbanisme contient des restrictions excessives et discriminatoires concernant l'habitat caravane qui est interdit en zones NP et NZa alors qu'y sont autorisées la réhabilitation et les extensions limitées des constructions existantes ainsi que la construction d'annexes ainsi qu'en zones UB, UC, 1AUH et 2AUH ;

- le plan local d'urbanisme a été pris en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme du fait de la discrimination dont fait l'objet l'habitat des gens du voyage ;

- la délibération contestée est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 444-1 du code de l'urbanisme qui ne peuvent être utilement invoquées pour justifier l'interdiction d'installation de résidences mobiles ;

- l'engagement pris par le maire auprès de l'association " Sauvegarde Nature Paysage Environnement " lors de l'enquête publique est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2019, la commune de Changé, représentée par son maire en exercice, par la société d'avocats Lexcap, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me N..., représentant M. L... et autres, et de Me M..., substituant Me K..., représentant la commune de Changé.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... L..., M. D... G..., M. J... C..., M. H... F... et M. I... E... relèvent appel du jugement du 28 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 11 octobre 2016 par laquelle le conseil municipal de Changé a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) communal en tant qu'il exclut le classement de leurs parcelles en zone Nf, qu'il interdit, sans exception, en zones NP, NZa, 1AUh et 2AUh, l'installation de résidences mobiles et qu'il limite à une unité la possibilité d'installer des résidences mobiles en zones UB et UC.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 28 juin 2018 les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, que l'enrôlement de l'affaire était prévu pour le 2ème semestre 2018 et qu'il était impératif, pour elles, de produire leurs écritures avant le 29 juin 2018, l'instruction étant susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance de clôture d'instruction ou d'un avis d'audience sans qu'elles en soient préalablement informées. L'ordonnance de clôture d'instruction a effet immédiat a été prise le 4 septembre 2018. Dans ces conditions, si le second mémoire en réponse de la commune de Changé a été notifié aux requérants, en les invitant à produire leurs observations aussi rapidement que possible, le 31 juillet 2018 par un courrier du même jour, dont leur conseil a pris connaissance le 6 août suivant, ceux-ci ont disposé d'un délai suffisant pour pouvoir présenter leurs observations. Par suite, et sans que les intéressés puissent utilement invoquer la circonstance que le courrier du 31 juillet 2018 ne comportait pas les mentions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, ils ne sont pas fondés à soutenir que la procédure suivie devant le tribunal administratif n'aurait pas respecté le principe du contradictoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage dans sa rédaction applicable à la date de la délibération en litige : " I. - Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. / II. - Dans chaque département, au vu d'une évaluation préalable des besoins et de l'offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, des possibilités de scolarisation des enfants, d'accès aux soins et d'exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation des aires permanentes d'accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées. / Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. Il précise la destination des aires permanentes d'accueil et leur capacité. Il définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage qui les fréquentent. / Le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d'être occupés temporairement à l'occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l'Etat intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements. / Une annexe au schéma départemental recense les autorisations délivrées sur le fondement de l'article L. 443-3 du code de l'urbanisme. Elle recense également les terrains devant être mis à la disposition des gens du voyage par leurs employeurs, notamment dans le cadre d'emplois saisonniers. / Le schéma départemental tient compte de l'existence de sites inscrits ou classés sur le territoire des communes concernées. La réalisation des aires permanentes d'accueil doit respecter la législation applicable, selon les cas, à chacun de ces sites. / III. - Le schéma départemental est élaboré par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil départemental. Après avis du conseil municipal des communes concernées et de la commission consultative prévue au IV, il est approuvé conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil départemental dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Passé ce délai, il est approuvé par le représentant de l'Etat dans le département. Il fait l'objet d'une publication. (...) ". Selon le III de l'article 9 de la même loi : " Les dispositions du I, du II et du II bis ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l'article 1er de la présente loi : / 1° Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent ; (...) ".

5. Si pour répondre au souhait des gens du voyage, propriétaires de terrains non constructibles, de disposer d'un lieu d'ancrage territorial sans pour autant renoncer au voyage une partie de l'année, le schéma départemental pour l'accueil et l'habitat des gens du voyage du département de la Sarthe dans sa rédaction alors applicable envisageait deux grands axes d'intervention portant, l'un, sur l'intégration de l'habitat-caravane dans les documents d'urbanisme et de planification et, l'autre, sur l'intégration de l'habitat-caravane dans la politique sociale du logement, il indique toutefois que les solutions envisageables pour répondre aux besoins en habitat des gens du voyage, qui figurent en annexes du schéma, n'ont aucune valeur de prescription. Enfin, et en tout état de cause, un rapport de compatibilité entre le schéma départemental des gens du voyage et le plan local d'urbanisme n'est prévu par aucune disposition légale ou réglementaire. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme contesté avec le schéma départemental des gens du voyage du département de la Sarthe ne peut être qu'écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : / 1° Les plans locaux d'urbanisme prévus au titre V du présent livre (...) ".

7. A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des plans locaux d'urbanisme, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

8. Le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays du Mans précise que les prescriptions qu'il contient sont des " mesures qui précisent la mise en oeuvre des orientations du SCOT en étant directement opposables aux documents de rang inférieur. Le rapport de compatibilité avec le DOO s'exerce ici ", alors que les recommandations ne sont que " des mesures incitatives qui faciliteront la mise en application des objectifs du PADD mais qui n'ont pas de caractère opposable ".

9. D'une part, si les requérants se prévalent de la prescription définie à la page 81 concernant l'accueil des gens du voyage selon laquelle les orientations du schéma départemental des gens du voyage devront être prises en compte dans les documents d'urbanisme, cette prescription porte sur l'accueil des intéressés et non sur le classement de leur terrain en zone constructible dans le document d'urbanisme. De plus, ainsi qu'il a été dit au point 5, le schéma départemental des gens du voyage ne contient aucune orientation opposable aux communes pour répondre aux besoins en habitat des gens du voyage concernant l'intégration de l'habitat-caravane dans les documents d'urbanisme et de planification.

10. D'autre part, il résulte des articles L. 444-1 et R. 421-23 du code de l'urbanisme et 1er et 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 que l'installation des résidences mobiles qui, au sens de l'article 1er de cette loi, constituent l'habitat permanent de gens du voyage, est entièrement régie par des dispositions particulières qui, notamment, précisent les conditions dans lesquelles ces résidences peuvent faire l'objet d'une installation sur le terrain de leur propriétaire ou en zone non constructible, de même que pour une durée supérieure à trois mois. Par suite, si le DOO prescrit d'intégrer dans le plan local d'urbanisme la possibilité d'installer des caravanes pour l'habitat pendant plus de trois mois sur le fondement des dispositions des articles L. 444-1 et R. 421-23 du code de l'urbanisme, cette prescription ne saurait avoir pour objet de régir, dans les documents d'urbanisme, l'installation d'une résidence mobile constituant l'habitat permanent des gens du voyage sur un terrain qui leur appartient.

11. Enfin, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des recommandations contenues dans le document d'orientation et d'objectifs qui, ainsi qu'il a été dit, n'ont pas de caractère opposable.

12. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable repris à l'article R.151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; (...) / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. (...). ". Selon le règlement du plan local d'urbanisme en litige applicable : " La zone N comprend les secteurs naturels ou forestiers à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages. / Elle comprend 4 secteurs : / NP : secteur naturel protégé où toute nouvelle construction est interdite./ (...) Nf : secteur naturel d'accueil de terrains familiaux dans le cadre de l'ancrage territorial des Gens du voyage. ".

13. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : / (...) 2° Des aires d'accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l'habitat des gens du voyage au sens de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ; 3° Des résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. (...) ".

14. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à modifier le zonage et à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8 précité, un secteur qu'ils entendent soustraire pour l'avenir à l'urbanisation, sous réserve que l'appréciation à laquelle ils se livrent ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et ne soit pas entachée d'erreur manifeste.

15. Il ressort du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme que les auteurs de ce plan local ont souhaité assurer le développement de la commune autour de quatre axes tenant au soutien de la vitalité de la commune, à la préservation de la qualité de vie, à la préservation des ressources, de la biodiversité et de la maîtrise de l'impact environnemental du développement urbain et à la poursuite d'une politique de développement économique appuyée sur les atouts du territoire. Au titre du soutien de la vitalité de la commune, ils ont voulu, eu égard aux difficultés éprouvées par les jeunes ménages à se loger sur le territoire et au manque de diversité du parc de logement pour répondre à la variété croissante des besoins, proposer la possibilité de parcours résidentiels complets sur son territoire. Par ailleurs, compte tenu du contexte de vieillissement général de la population, ils ont également voulu proposer des services et logements adaptés pour tous les âges de la vie, dans une logique de mixité sociale et générationnelle. C'est dans ce cadre, et pour permettre une " programmation diversifiée de logements pour répondre aux besoins de tous ", qu'ils ont opéré une régularisation de terrains familiaux pour les Gens du voyage sans toutefois envisager de développement de nouvelles installations. Par ailleurs, pour préserver les ressources ainsi que la biodiversité et maîtriser l'impact environnemental du développement urbain, les auteurs du plan local d'urbanisme ont souhaité préserver les grands équilibres écologiques et les ressources naturelles en luttant contre l'étalement urbain et en assurant la protection des espaces naturels et agricoles, lesquels doivent ainsi participer à une logique de développement durable du territoire. Ils ont ainsi entendu limiter l'impact du développement urbain futur sur l'environnement en préservant les continuités écologiques et l'écoulement naturel des eaux, en étant économe en foncier et en préservant les éléments structurants du paysage existant. En particulier, pour protéger et reconstituer les continuités écologiques et les zones humides, ils ont identifié des trames vertes et bleues qui constituent des corridors écologiques à maintenir ou à reconstituer.

16. Par ailleurs, selon le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, " la commune de Changé est particulièrement concernée par un mouvement d'ancrage territorial de Gens du voyage et souhaite désormais encadrer leur installation, en cohérence avec les orientations définies dans le schéma départemental [des Gens du voyage révisé le 4 avril 2013]. Ces familles ont acheté des terrains privatifs, notamment sur le secteur des Epinettes, au sud-ouest du territoire communal, pour s'y installer de façon pérenne. / Aussi, la commune a fait évoluer son document d'urbanisme pour définir des zones Nf de terrains familiaux et y mettre en place un règlement d'urbanisme spécifique. L'implantation de résidences mobiles et les constructions destinées à la création de pièces de vie ou de sanitaires sont autorisées dans ces secteurs. ". Le règlement du plan local d'urbanisme autorise ainsi, dans ces secteurs, les constructions destinées à la création de pièces de vie ou de sanitaires en rez-de-chaussée, et leurs annexes, dans une limite de 50 m² d'emprise au sol et sous réserve d'être situées sur une unité foncière de 1 000 m² minimum ainsi que l'installation de résidences mobiles dans la limite de six unités, avec un minimum de 200 m² par résidence mobile, dans l'emprise de l'unité foncière existant à la date d'approbation du document d'urbanisme. S'agissant de la délimitation de la zone NP, le rapport de présentation précise qu'elle comprend notamment les continuités écologiques inscrites au sein de la trame verte et bleue.

17. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AW n°394 appartenant à MM. L..., G... et C... et celle cadastrée section AZ n°7, appartenant à M. F... sont situées, alors même qu'il existerait à proximité quelques constructions, dans de vastes tènements à dominante naturelle, respectivement au sud et au sud-ouest du bourg de Changé. Sur les cartes contenues dans le document d'urbanisme, elles sont incluses dans une trame verte correspondant à un corridor écologique. Par suite, et alors même qu'elles seraient desservies en eau potable et raccordées au réseau électrique, c'est sans erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation que les auteurs du plan local d'urbanisme ont pu, compte tenu de leur volonté de préserver la continuité écologique, les classer en zone naturelle NP et non en zone naturelle Nf. La circonstance qu'au regard de leurs caractéristiques, la commune de Changé aurait pu retenir légalement un classement en zone Nf ne peut être utilement invoquée pour démontrer l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans le classement de ces parcelles.

18. En quatrième lieu, au titre du I de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage cité au point 4, d'une part, le schéma départemental mentionné au II de cet article prévoit les secteurs géographiques d'implantation et les communes où doivent être réalisés, outre des aires permanentes d'accueil et des aires de grand passage, " 2° Des terrains familiaux locatifs aménagés et implantés dans les conditions prévues à l'article L. 444-1 du code de l'urbanisme et destinés à l'installation prolongée de résidences mobiles, le cas échéant dans le cadre des mesures définies par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, ainsi que le nombre et la capacité des terrains". L'article L. 444-1 du code de l'urbanisme régit " l'aménagement de terrains bâtis ou non bâtis, pour permettre l'installation de résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs définies par décret en Conseil d'Etat ou de résidences mobiles au sens de l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ", qu'il soumet à permis d'aménager ou à déclaration préalable, et, s'il impose en principe que ces terrains soient situés dans des secteurs constructibles, il permet leur aménagement dans des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées définis à cette fin dans les zones naturelles, agricoles ou forestières par le règlement du plan local d'urbanisme, en application de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme. D'autre part, si le I de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 permet que, dans une commune qui remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, le stationnement des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er soit interdit sur le territoire de la commune en dehors des aires d'accueil aménagées et le II du même article qu'en cas de stationnement effectué en violation d'une telle interdiction, les occupants soient mis en demeure de quitter les lieux, ces dispositions ne sont, en vertu du III du même article, " pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l'article 1er de la présente loi : / 1° Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent (...) ". Enfin, l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme soumet à déclaration préalable : " d) L'installation, pour une durée supérieure à trois mois par an, d'une caravane autre qu'une résidence mobile mentionnée au j ci-dessous (...) j) L'installation d'une résidence mobile visée par l'article 1er de la loi n° 2000-614 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, constituant l'habitat permanent des gens du voyage, lorsque cette installation dure plus de trois mois consécutifs ".

19. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point précédent que l'installation des résidences mobiles qui, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000, constituent l'habitat permanent de gens du voyage, est entièrement régie par des dispositions particulières qui, notamment, précisent les conditions dans lesquelles ces résidences peuvent faire l'objet d'une installation sur le terrain de leur propriétaire ou en zone non constructible, de même que pour une durée supérieure à trois mois. Au surplus, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles. En l'espèce, si le plan local d'urbanisme en litige ne prévoit la possibilité de l'installation des gens du voyage sur le territoire de la commune qu'en zone Nf, les zones délimitées dans le document d'urbanisme répondent aux orientations d'urbanisme définies par les auteurs du plan dans le projet d'aménagement et de développement durables dont il n'est pas établi, ni même allégué qu'elles reposeraient sur une appréciation manifestement erronée. Il suit de là, et alors même que le plan local d'urbanisme ne prévoit pas expressément, en zones NP, NZa, 1AUH et 2AUH, l'installation des gens du voyage et qu'en zones UB et UC, il limite le nombre de caravanes ou résidences mobiles pouvant être installées sur le terrain bâti d'un propriétaire, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le plan local d'urbanisme serait entaché d'une discrimination à l'égard des gens du voyage dans la jouissance de leur propriété.

20. En cinquième lieu, en vertu de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1. Il comprend un rapport de présentation, un projet d'aménagement et de développement durables, des orientations d'aménagement et de programmation, un règlement et des annexes. ". Aux termes de l'article L. 123-1-2 du même code dans sa version en vigueur : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services. / Il analyse la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. / Il établit un inventaire des capacités de stationnement de véhicules motorisés, de véhicules hybrides et électriques et de vélos des parcs ouverts au public et des possibilités de mutualisation de ces capacités. / Il présente une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme. / Il justifie les objectifs compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques. ". Aux termes de l'article L. 123-1-3 du même code dans sa version en vigueur : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques. / Le projet d'aménagement et de développement durables arrête les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. / Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes, notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu'il existe une ou plusieurs communes nouvelles ". Enfin l'article L. 123-1-5 du même code dans sa version en vigueur prévoit : " I.- Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définit, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. ".

21. En l'espèce, pour fixer les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols qui s'appliquent aux différentes zones du territoire, dans lesquelles sont compris les secteurs réservés à l'installation des résidences mobiles de gens du voyage, les auteurs du plan local d'urbanisme ont justifié les choix retenus, notamment en ce qui concerne la délimitation de ces zones, à travers les orientations générales définies dans le projet d'aménagement et de développement durables telles que définies à l'article L. 123-1-3 du code de l'urbanisme dont les motifs ont été expliqués dans le rapport de présentation prévu à l'article L. 123-1-2 du même code. Selon le projet d'aménagement et de développement durables, et ainsi qu'il a été dit, les auteurs du plan local d'urbanisme ont précisé, dans le cadre d'une " programmation diversifiée de logements pour répondre aux besoins de tous " que " la commune a opéré une régularisation de terrains familiaux pour les Gens du voyage " et qu'" il n'est pas envisagé de développement de nouvelles installations. ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces auteurs ont entendu délimiter les secteurs Nf par référence aux dispositions de l'article L. 444-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la circonstance que le maire de Changé ait, dans ses décisions rejetant les recours gracieux des requérants, cité ce texte est sans incidence sur le classement opéré par les auteurs du plan local d'urbanisme.

22. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / (...) 3° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l'ensemble des modes d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements motorisés et de développement des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile ; (...)".

23. Pour le même motif qu'exposé au point 19, le moyen tiré de ce que le plan local d'urbanisme méconnaîtrait les dispositions du 3° de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme ne peut être qu'écarté.

24. En septième et dernier lieu, si les requérants soutiennent que la délibération contestée serait entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que, lors de l'enquête publique, le maire de Changé se serait engagé auprès de l'association " Sauvegarde Nature Paysage Environnement " à ne créer aucun autre secteur Nf, le zonage effectué dans le plan local d'urbanisme répond, en tout état de cause et ainsi qu'il a été dit, à des considérations d'urbanisme dont les choix ont été justifiés dans les documents composant le plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir, qui n'est pas établi, ne peut être qu'écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... L... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Changé, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... L..., de M. D... G..., de M. J... C..., de M. H... F... et de M. I... E... une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Changé et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... L... et autres est rejetée.

Article 2 : M. B... L..., M. D... G..., M. J... C..., M. H... F..., et M. I... E... verseront, ensemble, à la commune de Changé une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... L..., à M. D... G..., à M. J... C..., à M. H... F..., à M. I... E... et à la commune de Changé.

Copie sera adressée pour son information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

Le rapporteur,

M. O...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N° 19NT00775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00775
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET TAITHE PANASSAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;19nt00775 ?
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