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31/03/2020 | FRANCE | N°18NT02039

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 31 mars 2020, 18NT02039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009.

Par une ordonnance n° 1801411 du 19 mars 2018, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2018, M. et Mme D..., représentés par Me A..., de

mandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009.

Par une ordonnance n° 1801411 du 19 mars 2018, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2018, M. et Mme D..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils étaient toujours recevables à saisir le tribunal administratif au-delà d'un délai de deux mois à compter de la naissance d'une décision implicite de rejet de leur réclamation qui est née à l'expiration d'un délai de six mois ;

- l'administration fiscale, faute d'avoir procédé à des contrôles sur place dans chacune des sociétés en participation (SEP) et en s'étant bornée à un simple contrôle sur pièces, les a privés des garanties fondamentales que les vérifications de comptabilité de ces SEP leur auraient apportées et a commis un détournement de procédure ou manqué à son obligation de loyauté ;

- il résulte tant de l'article 95 Q de l'annexe II au code général des impôts que de la documentation administrative 5 B-2-07, points 22 et 148, que la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est acquise l'année où l'investissement productif est livré à l'entreprise ;

- l'administration n'établit pas que les installations photovoltaïques n'étaient pas raccordées au réseau électrique à la date du 31 décembre 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., associés de plusieurs sociétés en participation (SEP), ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2009, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt du fait d'investissements réalisés en Guadeloupe par l'intermédiaire de ces SEP, consistant en l'acquisition de panneaux photovoltaïques en vue de leur exploitation par des sociétés situées dans ce département. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, constatant l'absence de réalisation de ces investissements en 2009, a remis en cause cette réduction d'impôt. M. et Mme D... relèvent appel de l'ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 19 mars 2018 rejetant leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009, assorties de pénalités, qui en résulte.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " La direction générale des finances publiques ou la direction générale des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. Si elle n'est pas en mesure de le faire, elle doit, avant l'expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu'elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut, toutefois, excéder trois mois (...) ". Aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai. / L'administration peut soumettre d'office au tribunal la réclamation présentée par un contribuable. Elle doit en informer ce dernier ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas de silence gardé par l'administration fiscale sur la réclamation pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif, le délai de recours contentieux ne pouvant par ailleurs courir à son encontre tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation, laquelle doit être motivée et, conformément aux prévisions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, comporter la mention des voies et délais de recours, ne lui a pas été régulièrement notifiée.

3. Pour rejeter la demande de M. et Mme D... comme étant tardive et manifestement irrecevable, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur le fait que la demande contentieuse est intervenue plus de deux ans, soit au-delà d'un délai raisonnable après l'intervention d'une décision implicite rejetant leur réclamation. Toutefois, en l'absence d'une décision explicite rejetant la réclamation de M. et Mme D..., le tribunal administratif pouvait être saisi à tout moment à fin de décharge compte tenu de ce qui a été dit au point 3. L'ordonnance du président de la 5ème chambre du 19 mars 2018 doit par suite être annulée comme irrégulière pour avoir rejeté à tort la demande comme irrecevable.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Le supplément d'impôt mis à la charge de M. et Mme D... résulte exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont ils ont entendu bénéficier à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés en Guadeloupe. L'imposition en litige ne procède pas du rehaussement du résultat de sociétés, qui aurait été taxable entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes. Dès lors, l'administration fiscale n'était pas tenue de procéder à la vérification de comptabilité ou à un contrôle sur place des sociétés en participation dont M. et Mme D... étaient les associés préalablement au contrôle sur pièces dont ils ont fait l'objet. Le moyen tiré de l'absence de tels contrôles ne peut qu'être écarté. Il en va de même, en tout état de cause, des moyens tirés de ce que l'administration fiscale aurait, en s'abstenant de procéder à de tels contrôles, méconnu les droits de la défense, commis un détournement de procédure ou manqué à son obligation de loyauté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. ". Aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code, dans sa rédaction alors applicable : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ".

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir était celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et donc productives de revenus qu'à compter de cette date. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts.

8. M. et Mme D... soutiennent que les installations photovoltaïques, acquises en 2009 par les sociétés en participation PV 36, 37 et 38 et situées à Baie-Mahault (Guadeloupe), ayant été livrées avant le 31 décembre 2009, sous forme de mise à la disposition de plusieurs sociétés, dénommées PVolteus 42, 43 et 44, le commencement de leur exploitation effective est intervenu avant cette date. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre desquelles ont été pratiquées la réduction d'impôt litigieuse n'avait fait l'objet d'un raccordement au réseau électrique à la date du 31 décembre 2009. Les bons de mise à disposition selon les contrats de location-vente signés les 26 décembre 2009 entre les sociétés en participation et les sociétés exploitantes ainsi que les récépissés de dépôt des demandes de raccordement auprès d'Electricité de France émanant de la société Erivam et mentionnant comme dates de présentation le 20 juillet 2011 ne sont pas de nature à remettre en cause le constat de l'administration. Les installations photovoltaïques concernées n'étaient pas encore raccordées au réseau public d'électricité à la date du 31 décembre 2009. Dès lors, les installations photovoltaïques en cause ne pouvant ni être effectivement exploitées ni être productives de revenus à la date du 31 décembre 2009, l'administration a pu à bon droit estimer que les investissements déclarés par les requérants ne pouvaient être regardés comme ayant été effectivement réalisés au cours de l'année 2009 et remettre en cause la réduction d'impôt pratiquées au titre de cette année. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration fiscale, en relevant le défaut de raccordement au réseau, à la date du 31 décembre 2009, des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés en participation, et l'impossibilité qui en résultait de commencer leur exploitation, s'est bornée à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles sont soumis les investissements effectués par les sociétés, dont M. et Mme D... étaient associés, afin de pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts et n'a ainsi pas ajouté à la loi. C'est dès lors à bon droit que le service a considéré, pour le motif ci-dessus rappelé, qui suffit à lui seul à justifier le bien-fondé des impositions, que ces investissements n'étaient pas éligibles au titre de l'année 2009 à la réduction d'impôt prévue par ces dispositions.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. M. et Mme D... se prévalent, sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 148 de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 aux termes duquel : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ". Ces dispositions sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à un redressement opéré par l'administration fiscale lorsque les conditions posées par l'instruction sont remplies, notamment celle qui est énoncée au paragraphe 22, qui définit les investissements ouvrant droit à réduction d'impôt dans les termes suivants : " Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. ". Il ne ressort pas des énonciations de l'instruction du 30 janvier 2007 que l'administration ait entendu donner, en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, une interprétation du texte fiscal différente de celle qui figure au point 7, qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Elles ne sauraient dès lors être utilement invoquées sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 19 mars 2019 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bataille, président de chambre,

M. C..., président assesseur,

Mme Malingue, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 31 mars 2020.

Le rapporteur,

J.-E. C...

Le président,

F. BatailleLe greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18NT02039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02039
Date de la décision : 31/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL KIHL DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-31;18nt02039 ?
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