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31/03/2020 | FRANCE | N°18NT01204

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 31 mars 2020, 18NT01204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 7 mars 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident survenu le 10 février 2015.

Par un jugement n° 1602242 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision (article 1er) et a enjoint à la ministre des armées de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident et de reconstituer l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 7 mars 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident survenu le 10 février 2015.

Par un jugement n° 1602242 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision (article 1er) et a enjoint à la ministre des armées de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident et de reconstituer la carrière de Mme C... en lui versant les rappels de traitement auxquels elle a droit et en prenant en charge les dépenses de santé induites par cet accident, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2016 (article 2). La somme de 1 500 euros a en outre été mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, la ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par Mme C....

Elle soutient qu'un entretien d'évaluation professionnelle ne peut être regardé comme un évènement soudain et violent de nature à caractériser l'existence d'un accident de service au sens des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2018, Mme C..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par la ministre des armées n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., adjoint administratif de 1ère classe, a été nommée responsable du secrétariat général au service logistique de la marine de Brest à compter du 1er février 2014. Le 10 févier 2015, elle a été reçue par sa supérieure hiérarchique pour son entretien annuel d'évaluation professionnelle. Le lendemain, Mme C... a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif majeur réactionnel, avec risque suicidaire. Le 11 mars 2015, l'intéressée a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet arrêt de travail, lequel a été prolongé jusqu'au 30 septembre 2015. En dépit de l'avis de l'expert psychiatre désigné par le centre ministériel de gestion de Rennes du ministère de la défense, la commission de réforme du Finistère a émis, le 17 décembre 2015, un avis défavorable à sa demande en estimant que la pathologie de l'intéressée ne présentait " pas de lien direct unique et certain " avec le service. Par une décision du 7 mars 2016, le ministre de la défense a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme C.... L'intéressée a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. La ministre des armées relève appel du jugement du 19 janvier 2018, par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision, lui a enjoint de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... et a mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment, tant du courrier adressé par Mme C... le 10 février 2015 au capitaine de frégate, directeur du service logistique de la marine de Brest, que du rapport établi le 21 mai 2015 par la chef du groupement des affaires administratives, supérieur hiérarchique de l'intéressée, qu'au cours de son entretien professionnel la qualité de ses relations avec ses collègues a été évoquée défavorablement, des difficultés ayant été observées à plusieurs reprises et ayant nécessité plusieurs réunions de service. Il a en outre été demandé à Mme C..., accusée d'avoir proféré des propos à caractère xénophobe, de " ne plus émettre d'observations sur des sujets sociétaux " et d' " observer la neutralité qui s'impose à chacun dans le cadre professionnel ". Il est constant que cette dernière a alors quitté précipitamment cet entretien en raison des reproches qui lui ont été adressés et que le lendemain, elle a produit un arrêt de travail de son médecin traitant confirmant l'avoir reçue " en état de choc avec une anxiété généralisée majeure réactionnelle ". Si sa chef de service indique dans son rapport du 21 mai 2015, être restée calme au cours de cet entretien et avoir conservé un ton mesuré, le docteur Baranger, expert psychiatre, a constaté le 27 juillet 2015, que Mme C... évoquait encore à cette date cette situation avec une " labilité émotionnelle " et présentait un " tableau anxiodépressif ayant fait suite au contenu d'un entretien d'évaluation professionnelle à l'origine d'une blessure narcissique. ". Selon lui, les troubles anxiodépressifs apparus chez cet agent à compter du 11 février 2015 " sont en relation directe avec le travail ". Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, en portant cette appréciation, cet expert ne s'est pas borné à reprendre les doléances de Mme C... mais a analysé sa situation médicale en toute impartialité et objectivité. Si la commission de réforme a estimé pour sa part, que sa pathologie ne présentait " pas de lien direct unique et certain " avec le service, ajoutant un critère d'exclusivité prévue ni par le texte, ni par la jurisprudence, elle n'a fait état d'aucun autre évènement personnel et privé de nature à justifier l'origine des troubles psychologiques de Mme C.... Pour sa part, la ministre des armées se borne en appel à indiquer qu'un entretien d'évaluation professionnelle ne peut être regardé comme un évènement soudain et violent de nature à caractériser l'existence d'un accident de service au sens des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, sans évoquer aucune circonstance particulière permettant de détacher du service la pathologie présentée par Mme C... immédiatement après son entretien d'évaluation. Par suite le ministre de la défense ne pouvait refuser de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... compris entre le 11 février et le 30 septembre 2015.

5. Il résulte de ce qui précède, que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 7 mars 2016 du ministre de la défense, lui a enjoint de reconstituer la carrière de Mme C... en lui versant les rappels de traitement auxquels elle a droit et en prenant en charge les dépenses de santé y afférentes et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... de la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Mme D... C....

Délibéré après l'audience du 6 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 31 mars 2020.

Le président,

H. LENOIR

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18NT01204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01204
Date de la décision : 31/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-31;18nt01204 ?
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