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06/03/2020 | FRANCE | N°19NT00439

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 06 mars 2020, 19NT00439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vivre à Méan-Penhoët a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 février 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé la société Rabas Protec à exploiter une installation classée consistant en une usine de traitement de surfaces et d'application de peinture et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1609021 du 23 novembre 2018, le tr

ibunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 22 février 2016 et a mis à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vivre à Méan-Penhoët a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 février 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé la société Rabas Protec à exploiter une installation classée consistant en une usine de traitement de surfaces et d'application de peinture et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1609021 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 22 février 2016 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'association Vivre à Méan-Penhoët sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande formée par l'association Vivre à Méan-Penhoët devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

­ le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé ;

­ contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'étude d'impact était suffisante concernant l'information donnée au public s'agissant du danger présenté par le chromate de strontium, de sorte que le rapport remis au préfet de la Loire-Atlantique le 13 janvier 2016, soit après l'enquête publique, n'était pas destiné à combler une lacune de l'étude d'impact. En tout état de cause, à supposer que la cour estime le contenu de l'étude d'impact insuffisant sur ce point, ce rapport a été de nature à régulariser l'insuffisance alléguée dès lors que les conclusions du rapport sont identiques à celles contenues dans le dossier soumis à enquête publique ;

­ les premiers juges ont commis une erreur de droit en refusant de faire application du I. de l'article L. 181-18 du code de l'environnement alors que le vice retenu par le tribunal pouvait être aisément régularisé.

Par des mémoires enregistrés les 22 mai 2019 et 31 juillet 2019, la SARL Rabas Protec, devenue SAS Rabas Protec, représentée par son représentant légal par la cabinet DS avocats conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2018 et au rejet des conclusions de l'association Vivre à Méan-Penhoët et, à titre subsidiaire, à ce que la cour fasse usage de ses pouvoirs en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, afin de permettre la régularisation dont serait entaché l'arrêté préfectoral en litige.

Elle soutient que :

­ le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé ;

­ le tribunal administratif n'a pas exercé la plénitude de ses compétences en qualité de juge de plein contentieux en n'examinant pas, sur le fondement des dispositions de l'article L.181-18 du code de l'environnement si le vice de procédure qu'il a relevé avait ou non été régularisé à la date de sa décision ;

­ le dossier soumis à l'enquête publique n'était pas insuffisant s'agissant de l'information apportée au public s'agissant des conséquences de l'utilisation du chromate de strontium, de sorte que le public a été en mesure de pouvoir apprécier les risques éventuels liés à ce produit ;

­ le nouveau moyen allégué pour la première fois en appel par les intimés, tiré de la méconnaissance du principe de séparation fonctionnelle entre l'autorité ayant pris la décision contestée et l'autorité environnementale n'est pas fondé ;

­ à titre subsidiaire, il est demandé à la cour de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, un sursis à statuer dans l'attente d'une éventuelle régularisation dès lors que le rapport URS de janvier 2016 a corrigé l'insuffisance retenue par le tribunal administratif et que désormais, depuis l'intervention de l'arrêté ministériel du 6 avril 2019, son activité est désormais soumise à la procédure d'enregistrement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2019, l'association Vivre à Méan-Penhoët, représentée par la SELARL Avocatlantic, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens opposés par le ministre et la société Rabas Protec n'est fondé alors qu'en outre, la procédure a également été viciée en raison de l'absence d'autonomie de l'autorité environnementale.

Par un courrier du 12 février 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le règlement (UE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges,

­ le règlement (UE) n° 277/2012 de la Commission du 28 mars 2012 ;

­ la directive 2002/32/CE du Parlement et du Conseil du 7 mai 2002 ;

­ le code de l'environnement ;

­ l'arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ les observations de Me C... et de Me F..., représentants l'association Vivre à Méan-Penhoët, et de Me E..., substituant Me D..., représentant la SARL Rabas Protect.

Considérant ce qui suit :

1. La société Rabas Protec a déposé le 18 avril 2014 une demande d'autorisation d'exploiter sur le territoire de la commune de Saint-Nazaire une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) portant sur le traitement de surfaces et d'exploitation de peinture, laquelle est soumise, d'une part, au régime de l'autorisation et, d'autre part, à celui de la déclaration. Par un arrêté du 22 février 2016, le préfet de la Loire-Atlantique lui a délivré l'autorisation sollicitée. A la demande de l'association Vivre à Méan-Penhoët, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté par un jugement du 23 novembre 2018. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel de ce jugement.

Sur le droit applicable :

2. Les dispositions de l'ordonnance du 26 janvier 2017, qui ont été codifiées aux articles L. 181-8 et suivants du code de l'environnement, instituent une autorisation environnementale dont l'objet est de permettre qu'une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu'elles précisent.

3. L'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 précise les conditions d'entrée en vigueur de ces dispositions : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ". Sous réserve des dispositions de son article 15 précité, l'article 16 de la même ordonnance abroge les dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 relatives à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.

4. Il résulte de ces dispositions que l'ordonnance du 26 janvier 2017 n'a ni pour objet, ni pour effet de modifier rétroactivement les dispositions régissant la procédure de délivrance des autorisations uniques prévue par l'ordonnance du 20 mars 2014.

5. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'autorisation unique l'était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

7. Il résulte du jugement attaqué que pour retenir le vice de procédure tiré d'une insuffisante information de la population lors de l'enquête publique, le tribunal administratif, après avoir cité le texte dont il a fait application, s'est fondé, alors même que l'avis de l'autorité environnementale du 16 juin 2015 a estimé que l'étude d'impact permettait d'appréhender les effets et les conséquences de l'installation et que le dossier livrait globalement au public les informations nécessaires à l'appréciation du projet, sur le motif tiré de ce que seul un rapport du 13 janvier 2016, postérieur à l'étude d'impact et qui n'avait pas été soumis au public, donnait des éléments pertinents sur l'utilisation du chromate de strontium, anti-corrosif à forte teneur cancérigène utilisé par la société Rabas Protec. Par suite, et alors que la motivation ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs, ce jugement, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".

9. En vertu des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 précitée, ces dispositions, qui instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux portant sur une autorisation environnementale ou sur une autorisation devant être considérée comme telle, sont, en l'absence de dispositions expresses contraires, d'application immédiate aux instances en cours depuis le 1er mars 2017, date de leur entrée en vigueur.

10. Lorsqu'il estime qu'une autorisation d'exploiter a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n'est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction. Saisi de conclusions en ce sens, il doit se prononcer sur la possibilité de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tire de ces dispositions.

11. La circonstance que les règles de procédure permettant à la société Rabas Protec de pouvoir exercer son activité aient évolué, en l'espèce, dans un sens favorable à cette société, ne la dispense pas de l'obligation de régulariser le vice de procédure affectant la légalité de l'autorisation contestée. S'il est établi que l'autorité administrative compétente a reçu, postérieurement à l'enquête publique, les éléments d'information permettant d'apprécier l'impact de l'utilisation du chromate de strontium qui manquaient au dossier soumis à l'enquête publique, cet élément de la régularisation peut être regardé par le juge comme ayant été accompli. Il demeure néanmoins nécessaire de compléter l'information du public si le caractère incomplet du dossier d'enquête publique a affecté la légalité de la décision. Il ne résulte pas de l'instruction que le rapport du 13 janvier 2016 ait été mis à la disposition du public dans des conditions adaptées pour lui permettre d'en prendre connaissance. En outre, il est constant que les défendeurs n'avaient pas sollicité du tribunal qu'il mette en oeuvre les pouvoirs qu'il détient des dispositions de l'article L.181-18 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier faute pour les premiers juges de ne pas avoir examiné la possibilité d'utiliser les pouvoirs qu'il détient de cet article ne peut être qu'écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

12. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " I. Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. / (...) ".

13. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

14. L'association Vivre à Méan-Penhoët a soutenu, en se prévalant de l'avis émis par l'agence régionale de santé le 26 mai 2015, que le dossier soumis à enquête publique était insuffisant pour permettre à la population d'apprécier les risques auxquels les riverains de l'installation sont susceptibles d'être exposés en raison de l'utilisation du chromate de strontium, classé cancérigène de catégorie 1B, en raison d'un schéma conceptuel insuffisant et qui s'appuie exclusivement sur des données toxicologiques et valeurs d'exposition professionnelles.

15. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact évoque à différentes reprises, le danger présenté par l'utilisation du chromate de strontium contenu dans la peinture primaire (p. 75, 107-108, 112-114 et 118). S'agissant de la mise en oeuvre de ce produit, ce document précise que la peinture appliquée aux pièces simples sera effectuée dans une cabine de pulvérisation automatisée alors que pour les pièces plus complexes, elle sera réalisée dans une cabine d'application manuelle. L'étude indique que la concentration moyenne de chromate de strontium dans la peinture primaire sera de 17,5 %, ce qui représente, eu égard à la durée maximale de fonctionnement des installations, une consommation annuelle de 143,99 kg. Les rejets gazeux contenant du chromate de strontium issus des cheminées des cabines sont ensuite particulièrement analysés aux pages 112 et 113 de l'étude d'impact (point 5.5.4). Il en résulte que, compte tenu, d'une part, du taux de transfert issu de la pulvérisation par les pistolets, qui est de l'ordre de 73 à 90 % et, d'autre part de l'efficacité des filtres installés sur les cabines de peinture qui doivent permettre de retenir 99 % des aérosols et particules, le chromate de strontium présent dans les aérosols après filtration est estimé à 620 g/an. En outre, en tenant compte de la durée d'utilisation annuelle des cabines et du débit de pulvérisation, le flux horaire d'émanation de chromate de strontium tombe alors à 0,28 g/h avec une concentration émise de chromate de strontium de 14,7 yg/m3. L'étude compare alors cette valeur avec celle issue des dispositions de l'arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation. Cet arrêté, au 12° de son article 27, impose à l'arrêté préfectoral d'autorisation de fixer une valeur limite d'émission lorsque le flux horaire du chromate de strontium dépasse 0,5 g/h. Cet arrêté, ainsi qu'il résulte de ses articles 1er et 4, a pour objet de fixer les prescriptions applicables aux émissions de toute nature des installations classées soumises à autorisation, à l'exclusion de certaines d'entre elles dont ne fait pas partie celle en litige et sans préjudice, pour les rejets, des règles relatives à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs. Il suit de là que la valeur du flux horaire à ne pas dépasser de 0,5 g/h doit être regardée comme celle de nature à préserver l'environnement et la santé publique et ne constitue pas une valeur d'exposition professionnelle. Par suite, l'étude d'impact, en indiquant que le rejet constaté à la sortie des cheminées de 0,28 g/h est inférieur au seuil de 0,5 g/h fixé par l'arrêté du 2 février 1998, a suffisamment informé le public sur le risque présenté pour la population avoisinante par l'utilisation du chromate de strontium. Cette information était également reportée dans le résumé non technique de l'étude d'impact. La circonstance qu'a été réalisée ultérieurement une étude complémentaire de modélisation de la dispersion atmosphérique et évaluation des risques sanitaires pour le chromate de strontium ne révèle pas par elle-même une insuffisance du dossier de demande d'autorisation ou de l'étude d'impact dès lors qu'elle vient confirmer les informations apportées au public lors de l'enquête.

16. Par suite, c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 22 février 2016 au motif que l'étude d'impact était entachée d'une information insuffisante sur le risque présenté pour la population riveraine par l'utilisation du chromate de strontium.

17. Il y a lieu, toutefois, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Vivre à Méan-Penhoët tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par l'association Vivre à Méan-Penhoët :

18. En premier lieu, l'article R. 512-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en l'espèce, prévoit que toute demande de mise en service d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation doit être accompagnée, notamment, de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 du même code et dont le contenu est défini par les dispositions de l'article R. 512-8 de ce code. Le II de l'article R. 512-6 précise, en outre, que " les études et documents prévus au présent article portent sur l'ensemble des installations ou équipements exploités ou projetés par le demandeur qui, par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation, sont de nature à en modifier les dangers ou inconvénients ".

19. En l'espèce, il n'est pas établi, ni même allégué que le demandeur exploiterait ou projetait d'exploiter des installations ou équipements qui, par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation, seraient de nature à participer aux incidences sur l'environnement. Par suite, le dossier de demande d'autorisation n'avait pas à procéder à une analyse des effets cumulatifs avec d'autres industries d'ores et déjà présentes dans la zone d'activités. L'association Vivre à Méan-Penhoët ne saurait dès lors faire grief au préfet de ne pas avoir apprécié l'effet cumulé des incidences du projet avec d'autres installations situées à proximité.

20. En deuxième lieu, la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement vise à ce que l'autorisation de réaliser de tels projets ne soit accordée qu'après une évaluation des incidences notables sur l'environnement, réalisée sur la base d'informations appropriées. À cette fin, elle prévoit notamment, à son article 6 paragraphe 1, que : " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l'article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les Etats membres ".

21. L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-1-1 (ou R. 122-2) du même code, alors en vigueur : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II ci-dessus, l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé ".

22. La directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement comme la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ont pour finalité commune de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l'étude d'impact des projets, publics ou privés, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle " des autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement ", il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

23. Le projet présenté par la société Rabas Protec autorisé par l'arrêté en litige était préalablement soumis à la réalisation d'une étude d'impact en vertu de la rubrique 1° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur. Ce projet a en conséquence fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale visé au III de l'article L. 122-1 du même code, émis le 16 juin 2015 par le préfet de la région Pays de la Loire, conformément aux dispositions du III de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement, et préparé par la direction régionale pour l'environnement, l'aménagement du territoire et le logement (DREAL) des Pays de la Loire.

24. Ni cet article R. 122-1-1, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'ont prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est compétent pour autoriser le projet, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 22 du présent arrêt. Les dispositions de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement, alors en vigueur, sont ainsi, en tant qu'elles désignaient le préfet de région comme autorité compétente pour émettre un avis sans que soit prévu un tel dispositif, incompatibles avec les objectifs de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017, ainsi que dans sa décision n° 414930 du 13 mars 2019.

25. L'évaluation environnementale a pour objet d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement afin de respecter les objectifs des directives mentionnées ci-dessus. Compte tenu du rôle joué par l'autorité environnementale au début du processus d'évaluation, de l'autonomie dont cette autorité doit disposer, et de la portée de l'avis qu'elle rend, cette autorité et ses avis constituent une garantie pour atteindre les objectifs en question. En l'espèce, compte tenu des conditions dans lesquelles l'avis a été émis, rappelées au point précédent, cette garantie ne peut être regardée comme ayant été assurée et, en particulier, il ne résulte pas de l'instruction qu'une autre autorité compétente et objective en matière d'environnement aurait rendu un avis sur l'étude d'impact du projet.

26. Il résulte de ce qui précède que l'association Vivre à Méan-Penhoët est fondée à soutenir que l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale entache d'illégalité l'arrêté du 22 février 2016.

27. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions recueillies au cours de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision. ". Aux termes de l'article R. 512-14 du code de l'environnement alors en vigueur : " I.- L'enquête publique est régie par les dispositions du chapitre 3 du titre II du livre Ier et sous réserve des dispositions du présent article. / II.- Lorsque le dossier est complet, le préfet communique dans le mois la demande au président du tribunal administratif en lui indiquant les dates qu'il se propose de retenir pour l'ouverture et la clôture de l'enquête publique. Simultanément, il saisit l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 et informe le demandeur de l'ensemble de ces saisines. / III. - Les communes, dans lesquelles il est procédé à l'affichage de l'avis au public prévu au I de l'article R. 123-11, sont celles concernées par les risques et inconvénients dont l'établissement peut être la source et, au moins, celles dont une partie du territoire est située à une distance, prise à partir du périmètre de l'installation, inférieure au rayon d'affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dont l'installation relève. ". Aux termes de l'article R. 123-6 de ce code: " La durée de l'enquête publique est fixée par l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête. Cette durée ne peut être inférieure à trente jours et ne peut excéder deux mois, sauf le cas où les dispositions des articles R. 123-22 ou R. 123-23 sont mises en oeuvre. (...) ". Selon l'article R. 123-11 de ce code : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. Pour les projets, plans ou programmes d'importance nationale, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale quinze jours au moins avant le début de l'enquête. / II.- L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête désigne les lieux où cet avis doit être publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tout autre procédé. / Pour les projets, sont au minimum désignées toutes les mairies des communes sur le territoire desquelles se situe le projet. Pour les plans et programmes de niveau départemental ou régional, sont au minimum désignées les préfectures et sous-préfectures. / Cet avis est publié quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et pendant toute la durée de celle-ci. ".

28. D'une part, lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en oeuvre des principes énoncés à l'article 7 de la Charte de l'environnement, aux termes duquel toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, la légalité des décisions administratives s'apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s'agissant de dispositions législatives antérieures à l'entrée en vigueur de la Charte de l'environnement, qu'elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette Charte. Tel n'est pas le cas des dispositions des articles L. 123-1 et suivants du code de l'environnement. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement doit être apprécié au regard des dispositions législatives qui soumettaient l'arrêté litigieux à une procédure d'enquête publique. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris au terme d'une procédure méconnaissant les exigences résultant de l'article 7 de la Charte de l'environnement doit être écarté.

29. D'autre part, l'enquête publique s'est déroulée du 15 juillet 2015 au 17 août 2015 soit pendant 34 jours conformément à l'arrêté préfectoral du 18 juin 2015. Il résulte du rapport du commissaire enquêteur qu'un avis d'enquête publique a été publié dans deux journaux régionaux, une première fois, le 30 juin 2015 et une seconde fois, le 16 juillet 2015, qu'un affichage a été réalisé sur le panneau des actes administratifs de la mairie de Saint-Nazaire à partir du 29 juin 2015 ainsi que sur le site et que, sur proposition du commissaire enquêteur, l'affichage a été étendu dans un rayon d'un kilomètre autour du projet en six endroits différents. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cet avis soit notifié au conseil de quartier ou fasse l'objet d'une publication dans le bulletin municipal. De même, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait au préfet de décider que l'enquête se déroulerait du 15 juillet 2015 au 17 août 2015. La circonstance que l'enquête a été menée durant une période coïncidant avec des vacances scolaires est sans influence sur la régularité de la procédure suivie.

30. En quatrième lieu, la décision par laquelle est accordée l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. En tout état de cause, l'arrêté querellé contient aux pages 1 et 2, les considérations de droit et de fait, qui fondent la décision.

31. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Aux termes de l'article L. 512-3 de ce code dans sa rédaction alors en vigueur : " Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation. ".

32. L'association Vivre à Méan-Penhoët soutient que l'installation exploitée par la société Rabas Protec présente des dangers pour la santé résultant des rejets dans l'atmosphère du chromate de strontium, dont il s'avère qu'il est impossible à substituer, et de composés organiques volatils (COV), alors qu'elle se situe à proximité d'une zone urbanisée et d'établissements scolaires et qu'il n'y aura pas de contrôles effectifs de l'installation.

33. Il résulte de l'instruction que si l'installation en litige procédera au niveau des cheminées des cabines de peinture à des dégagements gazeux contenant des composés organiques volatils (COV) et du chromate de strontium, l'arrêté contesté contient au chapitre 3.2 des prescriptions quant à leurs conditions de rejet, lesquelles concernent, d'une manière générale, les poussières, gaz polluants ou odeurs. Selon ces prescriptions, ces rejets devront être captés à la source et canalisés, les points de rejet dans le milieu naturel devant être en nombre aussi réduit que possible. Il est interdit à l'exploitant de procéder à tout rejet qui ne serait pas prévu ou qui ne serait pas conforme aux dispositions prévues par ce chapitre ainsi qu'à la dilution des rejets atmosphériques. Par ailleurs, pour permettre d'assurer une bonne diffusion dans l'atmosphère, ces rejets doivent être collectés et évacués, après traitement, par l'intermédiaire de cheminées dont l'emplacement doit empêcher tout effet de siphonage dans les conduits ou de prises d'air avoisinants. La forme des conduits, notamment dans sa partie terminale, doit être conçue pour permettre de favoriser au maximum l'ascension des gaz dans l'atmosphère. La partie terminale de la cheminée pourra comporter un convergent réalisé suivant les règles de l'art lorsque la vitesse d'éjection est plus élevée que la vitesse choisie pour les gaz dans la cheminée. Les contours des conduits ne doivent pas, en outre, présenter de point anguleux et la variation de la section des conduits au voisinage du débouché doit être continue et lente. L'arrêté prévoit également que les conduits d'évacuation des effluents atmosphériques qui nécessitent un suivi doivent être aménagés pour permettre d'assurer des mesures représentatives des émissions de polluants à l'atmosphère en respectant les dispositions des normes NF 44-052 et EN 13284-1, ou toute autre norme européenne ou internationale équivalente. Les valeurs limites des concentrations dans les rejets atmosphériques par rapport aux valeurs limites des flux de polluants rejetés sont, par ailleurs, fixées à l'article 3.2.3. qu'il s'agisse des installations de traitement de surfaces ou des installations d'application de peintures. En cas de mise en oeuvre de substances dangereuses émettant des composés organiques volatils (COV) classés cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, l'arrêté prévoit, à l'article 3.2.4., qu'elles soient remplacées, autant que possible, par des substances ou des mélanges moins nocifs et ce dans les meilleurs délais possibles et, si ce remplacement n'est pas techniquement et économiquement possible, impose une valeur limite d'émission de 2 mg/m3 si le flux horaire maximal de l'ensemble de l'installation est supérieur ou égal à 10 g/h.

34. S'agissant plus particulièrement du chromate de strontium, les valeurs émises par l'exploitation sont nettement inférieures, ainsi qu'il a été dit au point 15, au seuil de 0,5 g/h fixé par l'arrêté susvisé du 2 février 1998. Au surplus, l'article 3.2.5. de l'arrêté contesté prévoit qu'à compter du 22 janvier 2019, l'utilisation du chromate de strontium sera interdite si le fabricant ou l'importateur ou l'utilisateur aval (exploitant) ne dispose pas d'une autorisation spécifique pour l'utilisation de cette substance, pour l'usage qu'il en fait, telle que définie par le règlement n°1907/2006 dit REACH. Dans ces conditions, l'association Vivre à Méan-Penhoët ne saurait faire état de l'impossibilité d'obtenir un procédé de substitution au chromate de strontium. L'arrêté querellé prescrit, en outre, des mesures spécifiques pour limiter l'utilisation de cette substance portant, en particulier, sur la durée d'utilisation des cabines de peintures (article 3.2.3) ainsi que sur le flux horaire qui doit être significativement inférieur au seuil de 0,5 g/h et sur la quantité d'utilisation de ce composant qui ne doit pas dépasser 150 kg/an (article 3.2.5). Il impose, par ailleurs, de procéder à des contrôles périodiques concernant son rejet dans l'atmosphère en sortie des cabines de peintures (article 3.2.8).

35. De plus, l'arrêté en litige prescrit, au titre 11, des mesures de surveillance des émissions et de leurs effets avec notamment, la mise en place d'un programme d'auto surveillance consistant, a minima, en des mesures selon des procédures normalisées lorsqu'elles existent, par un organisme extérieur agréé par le ministère chargé de l'inspection des installations classées pour les paramètres considérés et sans préjudice des mesures de contrôle que l'inspection des installations classées pourrait lui-même réaliser en application des dispositions des articles L.514-5 et L.514-8 du code de l'environnement. Ce contrôle porte, notamment, sur les rejets au niveau des cabines d'application de peintures automatique et manuelle pour ce qui concerne les COV et le chromate de strontium. L'exploitant devra, de plus, proposer au préfet, dans un délai de six mois, un programme de surveillance des sols et des eaux souterraines, établi conformément à la prestation " Conception de programmes d'investigation ou de surveillance " (CPIS) selon la norme NF X 31-620 partie 2. Le chapitre 11-3 prévoit diverses mesures afin de permettre le suivi, l'interprétation et la diffusion de ces résultats. Le commissaire enquêteur a estimé, dans ses conclusions, que " les contrôles périodiques des filtres et la détection automatique de saturation, les analyses annuelles en sortie des cheminées (contrôle impératif dans le premier mois d'exploitation pour le chromate de strontium) sont de nature à répondre aux inquiétudes des riverains (...). Par ailleurs, les services de la préfecture de Loire-Atlantique et de la DREAL des Pays de la Loire assureront un contrôle régulier des résultats d'analyses, dans le cadre de leur suivi des ICPE ". En alléguant que les services de l'Etat dans le département de la Loire-Atlantique ne disposeraient pas de moyens humains suffisants pour procéder à ces contrôles, l'association Vivre à Méan-Penhoët n'apporte aucun élément de nature à en établir le bien-fondé, ce qui ne saurait résulter de l'absence de réunion en 2017 de la commission de suivi de site prévue à l'article 11.3.4 de l'arrêté contesté laquelle est, selon cet article, " amenée à se réunir en tant que de besoin " et qui ne saurait se substituer aux missions confiées aux inspecteurs des installations classées.

36. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de l'étude de danger, que la société Rabas Protec serait amenée à utiliser des produits explosifs identifiés comme tels au titre du règlement (UE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges. Par suite, l'association ne saurait utilement alléguer que la société aurait donné au commissaire enquêteur une réponse erronée de nature à nuire à l'information du public en affirmant n'utiliser aucun produit explosif, ce qui ne saurait résulter du seul tableau inséré dans le résumé non technique de l'étude de danger qui concerne des produits non recensés par le règlement du 16 décembre 2008 et dont le risque d'explosion est lié aux conditions d'utilisation d'autres produits.

37. Enfin, si, selon l'article 4.1.4. de l'arrêté contesté, l'installation dont il s'agit se situe, selon les cartes d'aléas de submersion marine et de recul du trait de côte validées le 6 novembre 2014 qui seront reprises dans le Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) de la presqu'île Guérandaise, en zone inondable à échéance 100 ans pour un épisode Xynthia + 60 cm, ce même article prescrit à l'exploitant pour faire face à ce risque diverses mesures tenant à la formalisation d'un plan de secours incluant des dispositions à tenir en cas de pré-alerte météo et d'annonce de crue, à l'implantation des cuves de traitements de manière à avoir leur partie haute au-dessus de la côte 4,80 m B... et à la protection des réseaux (eaux pluviales et eaux usées) par la mise en place de clapets pour éviter des retours intempestifs. Il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes.

38. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard aux quantités de dégagements gazeux émis, aux prescriptions contenues dans l'arrêté préfectoral en litige et aux mesures de surveillance et de contrôles prévues, le moyen tiré des dangers présentés par l'installation exploitée par la société Rabas Protec au regard des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment pour la santé publique, doit être écarté en toutes ses branches.

39. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'environnement alors en vigueur : " L'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du présent code relative aux incidences éventuelles du projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et après avis des conseils municipaux intéressés. Une commission départementale est également consultée ; elle peut varier selon la nature des installations concernées et sa composition, fixée par décret en Conseil d'Etat, inclut notamment des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des professions concernées, des associations de protection de l'environnement et des personnalités compétentes. L'autorisation est accordée par le ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, dans le cas où les risques peuvent concerner plusieurs départements ou régions. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application de l'alinéa précédent. Il fixe, en outre, les conditions dans lesquelles il doit être procédé à une consultation des conseils départementaux ou régionaux et les formes de cette consultation. (...) ". Selon l'article R. 512-40 de ce code alors en vigueur : " La liste des installations qui, en application de l'article L. 512-2, sont autorisées par le ministre chargé des installations classées est fixée dans la nomenclature des installations classées. (...) ".

40. Il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à ce qui a été dit ci-avant, que les risques présentés par l'exploitation de l'installation de la société Rabas Protec, située dans la commune de Saint-Nazaire, puissent se propager dans d'autres départements, le plus proche étant, au demeurant, distant de plus de vingt kilomètre. Par suite, l'intimée n'est pas fondée à soutenir que seul le ministre en charge de l'environnement était compétent pour délivrer l'autorisation en litige. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut dès lors qu'être écarté.

En ce qui concerne les conséquences à tirer du seul vice entachant d'illégalité l'arrêté en litige :

41. Les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement permettent au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de l'autorisation environnementale attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

42. En l'occurrence, l'illégalité relevée au point 26 peut être régularisée par la consultation, s'agissant du projet présenté par la société Rabas Protec, d'une autorité environnementale présentant les garanties d'impartialité requises. Pour que cette régularisation puisse être effectuée, ce nouvel avis devra être rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement, applicables à la date de l'émission de cet avis ou de la constatation de l'expiration du délai requis pour qu'il soit rendu, par la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) compétente pour la région Pays de la Loire.

43. Lorsque ce nouvel avis aura été rendu, ou lorsqu'il sera constaté que la MRAE du CGEDD compétente pour la région Pays de la Loire n'a pas émis d'observations dans le délai qui lui est imparti par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point précédent, ce nouvel avis ou l'information relative à l'absence d'observations émises par la MRAE sera mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région Pays de la Loire ou celui de la préfecture de la Loire-Atlantique, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L'accessibilité de cet avis implique également qu'il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site en cause.

44. Dans l'hypothèse où ce nouvel avis indiquerait, après avoir tenu compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait, que, tout comme l'avis irrégulier émis le 16 juin 2015, le dossier d'exploitation d'un atelier de traitements de surfaces et d'application de peintures envisagé par la société Rabas Protec est assorti d'une étude d'impact de bonne qualité permettant d'appréhender les effets et les conséquences de l'installation sur l'ensemble des composantes environnementales, le préfet de la Loire-Atlantique pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice initial lié à l'irrégularité retenue par la cour. Le préfet pourra procéder de manière identique en cas d'absence d'observations de l'autorité environnementale émises dans le délai requis par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point 42.

45. Dans l'hypothèse où, à l'inverse, le nouvel avis émis par la MRAE diffèrerait substantiellement de celui qui avait été émis le 16 juin 2015, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact. Au vu des résultats de cette nouvelle enquête organisée comme indiqué précédemment, le préfet de la Loire-Atlantique pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice entachant la procédure initiale d'enquête publique.

46. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 44, le préfet devrait organiser une simple procédure de consultation publique du nouvel avis émis par la MRAE avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de la Loire-Atlantique ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.

47. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 45, le préfet devrait organiser une nouvelle enquête publique, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de la Loire-Atlantique ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure d'enquête publique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la demande présentée par l'association Vivre à Méan-Penhoët devant le tribunal administratif de Nantes jusqu'à ce que le préfet de la Loire-Atlantique ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation édicté après le respect des différentes modalités définies aux points 42 à 47 du présent arrêt jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt lorsqu'il n'aura été fait usage que de la procédure définie au point 46 et jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois lorsque, à l'inverse, l'organisation d'une nouvelle enquête publique sera nécessaire comme indiqué au point 47.

Article 3 : Le préfet de la Loire-Atlantique fournira à la cour, au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.

Article 4 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à l'association Vivre à Méan-Penhoët et à la société Rabas Protec.

Copie en sera adressée pour son information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2020.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N°19NT00439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00439
Date de la décision : 06/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL AVOCATLANTIC

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-06;19nt00439 ?
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