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05/03/2020 | FRANCE | N°18NT02912

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 05 mars 2020, 18NT02912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Logiservice SP Zoo a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010, 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 et des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 à 2012 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cot

isations d'impôt sur les sociétés en retenant un résultat négatif au titre des an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Logiservice SP Zoo a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010, 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 et des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 à 2012 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés en retenant un résultat négatif au titre des années 2009 et 2012.

Par un jugement n° 1601051 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la société Logiservice SP Zoo de la majoration pour activité occulte dont ont été assorties les cotisations d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2009 à 2012 (article 1er) et rejeté le surplus de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 juillet 2018 et 28 novembre, 29 novembre et 17 décembre 2019, la société Logiservice SP Zoo, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée ;

3°) de rejeter l'appel incident du ministre et confirmer la décharge des pénalités pour activité occulte prononcée par l'article 1er du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal :

- la procédure, constitutive d'un " abus de droit rampant ", est irrégulière ;

- elle ne peut être assujettie aux impositions litigieuses dès lors qu'il n'existe pas d'établissement stable en France, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que d'impôt sur les sociétés ; elle invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 1 de l'instruction référencée au bulletin officiel des impôts IS-CHAMP-60-10-20-20 du 20 septembre 2012.

- à titre subsidiaire :

- cet établissement stable, à le supposer existant, ne constituerait pas l'exercice d'une activité occulte au sens du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, ce qui aboutit, d'une part, à la décharge des impositions issues de l'allongement de la période du droit de reprise en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés fondées sur la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office ;

- l'impôt sur les sociétés doit faire l'objet d'une décharge partielle, en fonction du taux de valeur ajoutée affectée à l'établissement stable et du résultat fiscal à attribuer à cet établissement stable qui résultent de l'étude " Mazars prix de transfert " ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée doivent être déchargés en raison de l'absence de perte de recettes fiscales et d'absence de schéma abusif ;

- à titre plus subsidiaire :

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée doivent être déchargés au cas où un établissement stable " bureau commercial " serait identifié en France, mais pas le siège de direction effective, car les opérations établissement stable - siège sont hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- à titre encore plus subsidiaire :

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée doivent être déchargés pour méconnaissance de l'article 267 bis du code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 janvier et 13 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à ce que soit rejetée la requête et, par la voie de l'appel incident, annulé l'article 1er du jugement ou, à titre subsidiaire concernant les pénalités, substituée à la majoration pour activité occulte la majoration de 10 % pour défaut de dépôt de déclarations fiscales dans les délais légaux.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Logiservice SP Zoo ne sont pas fondés et que l'activité était occulte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant la société Logiservice SP Zoo.

Une note en délibéré et des pièces présentées pour la société Logiservice SP Zoo ont été enregistrées les 18 et 19 février 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Logiservice SP Zoo, société de droit polonais, qui a pour activité le placement de salariés polonais dans le domaine du travail temporaire auprès d'entreprises polonaises et françaises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 8 avril 2008 au 31 décembre 2011 puis sur celle du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010, 2011 et 2012, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012, à des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 et 2012, ainsi qu'à des pénalités pour activité occulte dont ont été assortis les cotisations d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la société Logiservice SP Zoo des majorations pour activité occulte (article 1er) et rejeté le surplus de sa demande (article 2). La société relève appel de l'article 2 du jugement tandis que, par la voie de l'appel incident, le ministre de l'action et des compte publics relève appel de l'article 1er du même jugement et demande, à titre subsidiaire, la mise à la charge de la société de la majoration de 10 % pour défaut de dépôt de déclarations fiscales dans les délais légaux.

Sur le principe de l'imposition en France de la société Logiservice SP Zoo :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

2. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France dans le cadre d'un établissement autonome ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

3. Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. / (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) Un siège de direction ; / (...) / c) Un bureau (...) ". Il résulte de ces stipulations que les bénéfices réalisés en France par une entreprise polonaise, par l'intermédiaire d'un établissement stable situé en France, soit une installation fixe d'affaires comprenant notamment un siège de direction et/ou un bureau d'affaires commerciales, sont imposables en France.

4. D'une part, la société Logiservice SP Zoo, dont le siège social est à Varsovie, a été créée le 6 mars 2008 par un avocat qui a cédé le 5 novembre 2008 son capital à cinq personnes physiques domiciliées en France, soit M. I... C..., détenant 60 % du capital et président du conseil d'administration de la société, et MM. E..., F..., A... et B... C..., fils de M. I... C..., chacun détenant 10 % du capital. Au cours des exercices vérifiés, la société Logiservice SP Zoo a utilisé à Saint-Herblain un bureau mis à sa disposition dans les locaux de la société à responsabilité limitée (SARL) SIM 44, détenue et dirigée par M. I... C..., société holding d'un groupe, dénommé Abalone, de sociétés de travail temporaire ayant la même dénomination commerciale, " Akcja Job ", que celle de la société requérante.

5. D'autre part, un salarié de la société, se présentant comme " chargé d'affaires ", négociait les contrats avec les clients français de la société Logiservice SP Zoo et indiquait comme adresse de contact en France " chez Abalone Nantes ". Le suivi du planning des salariés intérimaires de la société Logiservice SP Zoo était transmis systématiquement à MM. F..., également directeur général de la SARL SIM 44, E..., également directeur commercial de la société Abalone TT, et C..., ayant donc tous des fonctions au sein du groupe Abalone.

6. Enfin, la société Logiservice SP Zoo possédait un compte bancaire ouvert en France pour le paiement des prestations exécutées en France et les règlements reçus de France et le suivi de l'activité aux plans administratif, comptable et financier était assuré par les membres du conseil d'administration de la société requérante, salariés du groupe Abalone et par Mme G..., directrice administrative et financière du groupe Abalone.

7. Il résulte des faits relevés aux points 4 à 6, que la société Logiservice SP Zoo, dont le siège social est en Pologne, a exercé en France, au cours des exercices clos de 2009 à 2012, une activité de placement de salariés polonais dans le domaine du travail temporaire auprès d'entreprises françaises, par l'intermédiaire d'un établissement autonome, disposant de moyens matériels et humains propres, au sens du 1 de l'article 209 du code général des impôts, lequel constituait également un établissement stable en France, soit une installation fixe d'affaires comprenant notamment un siège de direction et un bureau d'affaires commerciales, au sens des stipulations de l'article 5 de de la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975. Par suite, les résultats issus de cette activité étaient imposables en France à l'impôt sur les sociétés au cours de ces exercices.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

8. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.(...). ".

9. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". Aux termes de l'article 259 B du même code de même applicable : " Par dérogation à l'article 259, le lieu des prestations de services suivantes est réputé ne pas se situer en France lorsqu'elles sont fournies à une personne non assujettie qui n'est pas établie ou n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre de la Communauté européenne : (...) 7° Mise à disposition de personnel (...) ".

10. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; (...) ".

11. En l'espèce, d'une part, en ce qui concerne la législation applicable jusqu'au 1er janvier 2010 citée au point 9, la société Logiservice SP Zoo agissait en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, comme il a été dit au point 7, auprès de clients français, d'autre part, en ce qui concerne la législation applicable à compter du 1er janvier 2010 citée au point 10, il est constant que les clients français preneurs des prestations fournies par la société Logiservice SP Zoo étaient des assujettis agissant en tant que tels et ayant en France le siège de leur activité économique et y étant assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, la société était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée due sur les prestations qu'elle a réalisées en France pendant l'intégralité de la période.

12. La circonstance, à la supposer établie, que les clients de la société aient procédé à une autoliquidation de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de services en cause est sans incidence sur l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la société Logiservice SP Zoo.

En ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée :

13. La société Logiservice SP Zoo ne développe aucun moyen propre à l'assujettissement à cette imposition.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

14. La société requérante n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 1 de l'instruction référencée au bulletin officiel des impôts IS-CHAMP-60-10-20-20 du 20 septembre 2012 qui concerne la détermination du lieu d'imposition des entreprises dont le siège est situé en France, et dans le champ duquel elle n'entre donc pas.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'abus de droit fiscal :

15. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. ".

16. Le vérificateur s'est fondé, pour assujettir la société Logiservice SP Zoo à l'impôt sur les sociétés et soumettre ses opérations à la taxe sur la valeur ajoutée, sur la circonstance que cette société exerçait ses activités en France par l'intermédiaire d'un établissement. Ce faisant, l'administration n'a pas regardé comme acte fictif ou ayant pour motif d'éluder ses charges fiscales l'immatriculation de la société en Pologne non plus que la convention passée avec la société SIM 44 ou leurs écritures comptables respectives. Elle n'a ainsi pas entendu, même de manière implicite, écarter, comme ne lui étant pas opposables, des actes constitutifs d'un abus de droit, en raison du caractère fictif de tels actes ou en raison du fait que ces actes, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'avaient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales. Par suite, l'administration n'avait pas à recourir à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la procédure de taxation d'office :

17. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires et à la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) / 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...) ".

18. La société requérante n'ayant pas déposé dans les délais légaux les déclarations de résultat pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2009 à 2012 et les déclarations en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la procédure de taxation d'office lui était applicable. En application des dispositions citées au point 17, cette procédure ne nécessitait pas une mise en demeure préalable en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et pouvait être dispensée d'une telle mise en demeure, en matière d'impôt sur les sociétés, dès lors que le contribuable, comme en l'espèce, ne s'était pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce.

19. La société fait toutefois valoir qu'elle conteste à titre principal son assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France du fait de l'existence d'un établissement stable sur le territoire français et, à titre subsidiaire, que ce défaut d'inscription, qui laisse certes alors présumer une activité occulte, résulte d'une erreur de bonne foi dès lors qu'elle pensait être assujettie à l'impôt sur les sociétés en Pologne, où elle a au demeurant payé, selon elle, l'impôt à un taux d'imposition de 19%, et qui est liée à la France par une convention.

20. Toutefois, l'exception, prévue par le 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, à l'obligation de procéder à une mise en demeure avant taxation d'office à l'impôt sur les sociétés, prévue par le 2° de l'article L. 66 du même livre, se réfère au seul constat objectif du défaut d'inscription et ne peut être combattue par l'absence alléguée d'un élément intentionnel que requiert l'appréciation de l'exercice d'une activité occulte dont la notion ne figure pas dans ces dispositions légales.

21. En tout état de cause, à supposer opérante la notion d'erreur de bonne foi, la société ne renverse pas la présomption d'activité occulte du fait de son défaut d'inscription à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce dès lors que le taux d'imposition en Pologne se situait aux alentours de 17%, soit la moitié du taux français, et que l'existence, au contraire de son absence, d'une convention en matière d'assistance administrative est sans incidence sur l'appréciation de la bonne foi ou non de la société. Au surplus, il résulte de l'instruction et notamment de l'échange de courriels entre les dirigeants que la société a organisé sciemment cette activité occulte.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les délais de reprise de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée :

22. En vertu des troisièmes alinéas respectifs des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales, pour l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, du moins dans leur rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, par exception à la règle de droit commun, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due lorsque le contribuable exerce une activité occulte. Ces mêmes articles précisent que l'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. Il en résulte que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle. Toutefois le contribuable peut renverser cette présomption s'il est en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne s'est acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

23. La société Logiservice SP Zoo, qui n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire et qui n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soutient que cette absence de déclaration relève d'une erreur de bonne foi de sa part quant à son assujettissement, au demeurant contesté à titre principal, à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée en France du fait de l'existence d'un établissement stable sur le territoire français.

24. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 21, l'erreur de bonne foi de la société requérante ne saurait être retenue.

En ce qui concerne les seules cotisations d'impôt sur les sociétés :

25. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

26. L'administration a considéré que la totalité de l'activité réalisée par la société Logiservice SP Zoo auprès de ses clients français constituait la base taxable en France et a admis en déduction les charges salariales et patronales des salariés intérimaires. La société, à qui incombe la charge de la preuve du fait de la taxation d'office dont son activité a fait l'objet, soutient que l'administration n'a pas pris en compte un prorata pour répartir la valeur ajoutée entre la France et la Pologne. Toutefois, le rapport du cabinet Mazars établi le 18 novembre 2019, que la société produit en appel, ne permet pas de contredire valablement la reconstitution des résultats effectué par l'administration fiscale.

En ce qui concerne les seuls rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

27. Compte tenu de l'intérêt qui s'attache à ce que la taxe sur la valeur ajoutée soit acquittée par son redevable légal et de la circonstance que la rectification n'a pas pour effet de faire payer deux fois par un même redevable la taxe en cause, le principe de neutralité ne fait pas obstacle à ce que l'administration soumette les prestations à la taxe sur la valeur ajoutée française sur le fondement des dispositions de l'article 259 du code général des impôts et établisse les rappels correspondants au nom de la société Logiservice SP Zoo, laquelle en est légalement redevable, alors même que ses clients français auraient fait application du mécanisme d'autoliquidation. Il n'y a pas besoin de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle sur ce point.

28. La société requérante reprend en appel, sans apporter aucun élément de droit ou de fait, le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que l'administration a commis une erreur en calculant la taxe sur la valeur ajoutée " en dedans ". Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.

29. La société Logiservice SP Zoo soutient que les opérations entre l'établissement stable en France et le siège de la société en Pologne sont hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces opérations ont été assujetties à cette taxe.

30. Aux termes de l'article 267 bis du code général des impôts : " En ce qui concerne les ventes à des agriculteurs, pour les besoins de leur consommation familiale, de produits fabriqués par des entreprises de transformation à partir de produits agricoles fournis par ces agriculteurs, la taxe sur la valeur ajoutée n'est due que sur la différence entre la valeur des produits fabriqués et celle des produits correspondants fournis par les agriculteurs auxquels la vente est consentie. / Pour la détermination de cette différence, les valeurs s'entendent tous frais et taxes compris à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée et des prélèvements de toute nature assis en addition à cette taxe et suivant les mêmes règles que celle-ci. En outre, des modalités forfaitaires de calcul pourront être fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Compte tenu de l'objet de ces dispositions, le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant.

En ce qui concerne la seule cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

31. Si la société requérante fait valoir que la cotisation sur la valeur ajoutée doit être réduite à concurrence de la valeur ajoutée produite par l'activité de l'établissement stable, elle n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

32. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 de son jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les pénalités :

33. En vertu du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable d'une majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.

34. Il résulte des faits mentionnés au point 21 que la société Logiservice SP Zoo ne renverse pas la présomption d'activité occulte du fait de son défaut d'inscription à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce.

35. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er de son jugement, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la société Logiservice SP Zoo de la majoration pour activité occulte appliquée aux redressements en matière d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur les frais liés au litige :

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par la société Logiservice SP Zoo, partie perdante, au titre des frais liés au litige.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Logiservice SP Zoo est rejetée.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juin 2018 est annulé.

Article 3 : La majoration pour activité occulte prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts est remise à la charge de la société Logiservice SP Zoo.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Logiservice SP Zoo et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bataille, président de chambre,

M. D..., président assesseur,

M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 mars 2020.

Le rapporteur,

J-E. D...

Le président,

F. BatailleLe greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02912
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL DANIEL-THEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-05;18nt02912 ?
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