Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans la restitution d'une somme de 4 415,11 euros prélevée sur sa solde constitutive d'un trop-perçu de rémunération pour la période comprise entre le 1er mai 2013 et le 30 août 2014 au titre de la majoration de l'indemnité pour charges militaires et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 207 euros à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n° 1602357 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a ordonné à la ministre des armées de restituer à M. C... les sommes prélevées sur sa solde à raison du trop-perçu de rémunération en cause et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 24 décembre 2018 et le 21 janvier 2019, la ministre des armées demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 octobre 2018 et, statuant par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter les demandes de M. C....
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier :
* en ce qu'il est insuffisamment motivé et ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles il a écarté l'existence d'une fraude à la loi ;
* il est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article 5 bis du décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires ;
- le jugement est infondé :
* M. C... ne remplit pas les conditions pour se voir attribuer la majoration de l'indemnité pour charges militaires dès lors qu'il ne peut être regardé comme étant dans l'obligation de louer un logement dont le loyer principal, charges exclues, est supérieur à un loyer plancher ;
* les éléments caractérisant la fraude à la loi pourraient être retenus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2019, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., officier du corps des officiers mécaniciens de l'air, a perçu, à compter du 1er juin 2009, la majoration de l'indemnité pour charges militaires (MICM) à raison d'un logement qu'il occupait à Joué-lès-Tours. Il a été muté à Paris à compter du 27 août 2014 et a demandé et obtenu le maintien de la MICM au titre de ce logement que sa famille continuait d'occuper. L'autorité militaire ayant ensuite estimé que le versement de cette prime était indu l'a informé, par courrier du 6 mai 2015, qu'il était redevable d'une dette de 4 415,11 euros pour la période comprise entre le 1er mai 2013 et le 30 août 2014. M. C... a formé le 17 juillet 2015 un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires, rejeté le 9 mai 2016. Un échelonnement de la dette sur 9 mensualités a été accordé à M. C..., prélevées sur sa solde à compter de juillet 2015. Par sa présente requête, la ministre des armées demande à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 octobre 2018 lui ayant ordonné de restituer à M. C... les sommes prélevées sur sa solde à raison du trop-perçu de rémunération en cause.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En relevant que, dans le cadre de l'examen du moyen tiré de l'erreur de droit pour l'application des dispositions de l'article 5 bis du décret du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires, la ministre des armées n'établissait pas de fraude à la loi, le tribunal a implicitement et nécessairement écarté le moyen tiré de l'erreur de droit. Par suite, le jugement du 16 octobre 2018 du tribunal administratif d'Orléans, qui est suffisamment motivé, n'est pas entaché d'omission de répondre à un moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 5 bis du décret du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires : " Les militaires percevant un ou deux taux particuliers de l'indemnité pour charges militaires peuvent bénéficier, sur leur demande, à l'occasion de chacune des affectations prononcées d'office pour les besoins du service à l'intérieur de la métropole et entraînant changement de résidence (...) d'une majoration de l'indemnité pour charges militaires : s'ils n'ont pas refusé un logement correspondant à leur situation de famille et dont l'attribution relève du ministère de la défense ; / si leur famille réside effectivement avec eux dans leur garnison de service ou dans un périmètre tel qu'ils puissent regagner journellement leur domicile dans des conditions normales (...) ; / s'ils sont dans l'obligation de louer un logement dont le loyer principal, charges exclues, est supérieur à un loyer plancher. / Cette majoration est une partie de la différence entre un loyer plancher et le loyer payé qui, pour le calcul de cette indemnité, ne peut être supérieur à un loyer plafond (...) ".
4. La dernière des trois conditions posées par les dispositions citées ci-dessus du décret du 13 octobre 1959 pour bénéficier de la majoration de l'indemnité pour charges militaires doit s'entendre comme imposant au militaire qui sollicite cette majoration de justifier du montant du loyer qu'il verse, ce loyer étant pris en compte pour le calcul du montant de la majoration. En revanche elle n'impose pas au militaire de justifier qu'il n'a pas d'autres possibilités que de louer un logement.
5. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C... n'était pas dans l'obligation de louer un logement dont le loyer était supérieur au loyer plancher de 520 euros prévu par les dispositions citées, fixé par application d'un pourcentage à la solde budgétaire perçue par le militaire variant selon le grade et la composition de la famille. M. C... fait en effet valoir sans être contredit que le loyer de 900 euros hors charges du logement qu'il occupait à Joué-lès-Tours a été déterminé en fonction de loyers similaires pratiqués sur la commune pour un logement présentant une surface habitable de 100 m². Contrairement à ce qui est allégué par la ministre, la circonstance que l'intéressé soit actionnaire en association avec sa femme, de la SCI " la P'tite Eve " qui est propriétaire du logement qu'il occupe, ne saurait pour autant induire qu'il aurait pu jouir de son bien sans contrepartie, dès lors qu'un acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt est constitutif d'un acte anormal de gestion. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le loyer payé à la SCI " la P'tite Eve ", dont les actionnaires sont le requérant et de son épouse, aurait eu pour seul objet de permettre à l'intéressé de présenter à l'administration une obligation fictive et de se loger à un tarif supérieur au loyer plancher dans le but de percevoir la majoration de la MICM. Par suite, les éléments caractérisant une fraude à la loi ne sont pas constitués.
6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT04559