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18/02/2020 | FRANCE | N°18NT02120

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 18 février 2020, 18NT02120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 août 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA).

Par un jugement n° 1700378 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 3 mars 2016 rejetant la demande d'ASA de Mme A... et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation dans un délai de quatre mois.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2018, le ministre de l'intérieur demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 août 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA).

Par un jugement n° 1700378 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 3 mars 2016 rejetant la demande d'ASA de Mme A... et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation dans un délai de quatre mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par Mme A....

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui annule une décision du 3 mars 2016 alors que le rejet de la demande de Mme A... a été pris le 22 août 2016, est entaché d'une erreur de fait ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision litigieuse pour défaut de base légale ; par une directive du 9 mars 2016 la liste des CSP éligibles à l'ASA a été établie pour la période du 1er janvier 1995 au 17 décembre 2015, date à laquelle l'arrêté du 3 décembre 2015 est entré en vigueur ; cette liste a été établie selon une procédure similaire à celle utilisée pour l'arrêté du 3 décembre 2015 validée par le Conseil d'Etat ; si la directive du 9 mars 2016 devait être écartée la décision en litige devrait être regardée comme étant fondée sur l'arrêté du 17 janvier 2001, de sorte que Mme A... ne pourrait davantage prétendre à l'ASA ;

- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision est suffisamment motivée ;

- le refus opposé à Mme A... n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors que si certains quartiers de Rennes ont été classés en zone urbaine sensible ou en zone de sécurité prioritaire, cette circonstance ne peut suffire à établir l'existence dans cette ville de problèmes sociaux et de sécurité particulièrement élevés au regard d'autres circonscriptions de police ; l'intéressée ne pouvait prétendre à l'ASA.

Une mise en demeure a été adressée le 10 avril 2019 à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévus au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;

- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., fonctionnaire de police, a sollicité le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA). Par une décision du 22 août 2016, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de l'intéressée et lui a enjoint de réexaminer sa situation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles : " Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mentionnés au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et à l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, doivent correspondre : / 1° En ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget (...) ". La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001, dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par voie d'exception, constaté l'illégalité par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011. Un arrêté du 3 décembre 2015 a arrêté une nouvelle liste comprenant soit des circonscriptions de sécurité publique (CSP), qui constituent, aux termes de l'article 252-3 du règlement général d'emploi de la police nationale approuvé par l'arrêté du 6 juin 2006, " la structure de base des services territoriaux de la sécurité publique ", soit, à Paris et dans les départements de la petite couronne, des circonscriptions de sécurité de proximité.

3. L'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001 n'implique pas que l'administration serait tenue de rejeter les demandes des fonctionnaires de police tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015. Une telle demande doit être accueillie, sous réserve de l'application des dispositions relatives à la prescription des créances sur l'Etat, si l'agent est affecté à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée.

4. Si, en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 21 mars 1995, l'inscription d'une circonscription de police sur la liste de celles qui correspondent à des quartiers où se posent des problèmes sociaux ou de sécurité particulièrement difficiles relève des ministres chargés de la sécurité, de la ville, de la fonction publique et du budget, le ministre de l'intérieur, saisi d'une demande d'un fonctionnaire relative à des services antérieurs à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015, n'excède pas sa compétence en opposant, sans avoir préalablement consulté les autres ministres, un refus au motif que ces services n'ont pas été accomplis dans une circonscription où se posent de tels problèmes. Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce qu'il fonde son appréciation sur les critères et la méthodologie qui ont été mis en oeuvre pour élaborer l'arrêté du 3 décembre 2015.

5. Dans sa décision du 22 août 2016, le ministre de l'intérieur, qui a cité la décision du Conseil d'Etat n° 327428 et en tiré les conséquences juridiques, a indiqué que ni la CSP de Rennes, ni la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Rennes, au sein desquelles Mme A... a été affectée à compter du 1er septembre 2002, ne correspondent, "après examen de la situation de l'ensemble des circonscriptions de police au regard des éléments statistiques relatifs aux problèmes de sécurité rencontrés sur leur territoire entre 1995 et 2015 ", " à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles au sens et pour 1'application de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée et de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour son application ". Par suite, et alors même que l'arrêté du 17 janvier 2001 a été déclaré illégal par le Conseil d'Etat et que l'arrêté du 3 décembre 2015 n'est entré en vigueur que le 17 décembre suivant, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 22 août 2016 du ministre de l'intérieur refusant le bénéfice de l'ASA à Mme A... pour défaut de base légale.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur la période du 1er septembre 2002 au 30 septembre 2009 :

7. Si Mme A... soutient, sans en apporter la preuve, que les fonctionnaires des ministères de l'écologie, de l'éducation nationale, des finances de la ville de la jeunesse et des sports et de l'agriculture, ainsi qu'un policier affecté à Alençon, bénéficieraient de l'ASA, elle se prévaut également de l'arrêté du 16 décembre 2002 pris en application de l'article 11 de la loi du 1991 fixant les unités ouvrant droit au bénéfice de l'ASA à certains militaires de la gendarmerie nationale affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles, en vertu desquelles quatre unités de gendarmerie de Rennes bénéficient de l'ASA depuis le 1er octobre 2000. Le ministre de l'intérieur, qui ne conteste pas les faits, n'invoque aucune considération d'intérêt général en rapport avec les dispositions législatives dont il est fait application, lesquelles ont pour objet, pour l'ensemble des fonctionnaires civils de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés dans des quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, de mieux prendre en compte les sujétions particulières attachées au service dans ces quartiers et de favoriser la stabilité des fonctions des agents qui y sont affectés, de nature à justifier que les droits qu'elles instituent soient différents selon les catégories de fonctionnaires concernés. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par cette dernière, Mme A... est fondée à soutenir que la décision contestée en tant qu'elle concerne la période du 1er septembre 2002 au 30 septembre 2009 au cours de laquelle elle était affectée à la CSP de Rennes, méconnaît le principe d'égalité.

Sur la période postérieure au 30 septembre 2009 :

8. En premier lieu, la décision contestée a été signée par M. E... D..., chef de la section " contentieux " du bureau des affaires juridiques et statutaires de la sous-direction de l'administration des ressources humaines, de la direction des ressources et des compétences de la police nationale au sein de la direction générale de la police nationale. Par une décision du 26 février 2016 modifiant la décision du 5 février 2015 portant délégation de signature, la directrice des ressources et des compétences de la police nationale, a donné délégation à M. D..., attaché d'administration de l'Etat, à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, les arrêtés, décisions, instructions et documents dans la limite des attributions du bureau des affaires juridiques et statutaires. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise par une autorité incompétente manque en fait et ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, la décision contestée vise l'ensemble des textes applicables à la situation de Mme A... et fait référence à ses différentes affectations au sein de la police nationale à Rennes. Par suite, elle est suffisamment motivée en droit et en fait.

10. En troisième lieu, à compter du 1er octobre 2009, Mme A... était affectée à la direction départementale de la sécurité publique d'Ille-et-Vilaine. Or il résulte des dispositions citées au point 2 de la loi du 26 juillet 1991 et du décret du 21 mars 1995 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Elles font, par suite, obstacle à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription de sécurité publique ou à une circonscription de sécurité de proximité, mais dans un service dépendant directement de la direction départementale de la sécurité publique, quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions. Par suite, Mme A..., qui ne pouvait bénéficier de l'ASA à compter du 1er octobre 2009, n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée, en tant qu'elle concerne cette période, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'intérieur est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision refusant à Mme A... le bénéfice de l'ASA en ce qui concerne la période postérieure au 30 septembre 2009.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700378 du tribunal administratif de Rennes en date du 22 mars 2018 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 22 août 2016 du ministre de l'intérieur refusant le bénéfice de l'ASA à Mme A... pour la période postérieure au 30 septembre 2009.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'intérieur, concernant la décision du 22 août 2016 en tant qu'elle porte sur la période du 1er septembre 2002 au 30 septembre 2009, est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02120


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 18/02/2020
Date de l'import : 25/02/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18NT02120
Numéro NOR : CETATEXT000041602943 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-18;18nt02120 ?
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