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07/02/2020 | FRANCE | N°19NT03271

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 février 2020, 19NT03271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours exercé contre la décision des autorités consulaires françaises à Fès du 15 novembre 2018 rejetant la demande de visa de long séjour présentée par M. B... en qualité de conjoint de ressortissant français.

Par un jugement n° 1902484 du 26 juin 2019, le tribunal adminis

tratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours exercé contre la décision des autorités consulaires françaises à Fès du 15 novembre 2018 rejetant la demande de visa de long séjour présentée par M. B... en qualité de conjoint de ressortissant français.

Par un jugement n° 1902484 du 26 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2019, M. E... B... et Mme F... D..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer à M. B... le visa de long séjour qu'il a sollicité ou subsidiairement de réexaminer sa demande de visa dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

­ par les pièces produites dans la présente instance ils établissent la sincérité de leur mariage et M. B... ne peut être regardé comme présentant une menace à l'ordre public de sorte que la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au non-lieu à statuer.

Il soutient qu'il a demandé, le 9 janvier 2020, à l'autorité consulaire de délivrer le visa sollicité et qu'il transmettra ultérieurement copie de la vignette visa à la juridiction dès sa délivrance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B..., ressortissant marocain né le 22 août 1988, a épousé le 2 juin 2018 à Fès (Maroc) Mme F... D..., de nationalité française. Ce mariage a été transcrit dans les registres français de l'état civil le 27 août suivant. M. B... a sollicité le 17 octobre 2018 auprès des autorités consulaires françaises à Fès (Maroc) un visa de long séjour en se prévalant de sa qualité de conjoint d'un ressortissant français. Par une décision du 15 novembre 2018, les autorités consulaires françaises ont refusé de lui délivrer ce visa. M. B... a introduit un recours contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui en a accusé réception le 20 décembre 2018. En l'absence de réponse à ce recours, une décision implicite de rejet à la demande de visa est intervenue à compter du 20 février 2019. M. B... et Mme D... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 juin 2019 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le visa sollicité par M. B... lui ait été délivré à la date du présent arrêt. Dans ces conditions, la requête présentée par M. B... n'a pas perdu son objet. Il suit de là que les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le ministre de l'intérieur doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article.". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire afin que les époux puissent mener une vie familiale normale. Elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public ou, si elles allèguent une fraude au mariage, en l'établissant sur le fondement d'éléments précis et concordants.

4. Ainsi qu'il résulte des écritures de première instance du ministre, pour refuser le visa de long séjour sollicité par M. B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, d'une part, sur l'absence de sincérité du lien matrimonial unissant l'intéressé à Mme D... et, d'autre part, sur un risque de menace à l'ordre public.

5. En premier lieu, pour établir l'absence de sincérité du lien matrimonial, l'administration ne saurait invoquer l'absence de précision par les intéressés de la date et des conditions de leur rencontre, lesquelles sont, en tout état de cause, apportées dans la présente instance, l'administration ne contestant pas au demeurant les faits qui y sont relatés. En outre, il ressort de ces mêmes pièces que les époux entretiennent des relations épistolaires suivies, par voie électronique, depuis leur rencontre et que Mme D... effectue de nombreux voyages pour rendre visite à son époux au Maroc. Les circonstances que M. B... ne contribuerait pas aux charges du ménage et que les témoignages produits seraient insuffisamment circonstanciés ne sont pas de nature à justifier le refus contesté dès lors que les pièces produites démontrent, ainsi qu'il vient d'être dit, que les intéressés maintiennent entre eux des relations régulières. Dans ces conditions, et alors même que M. B... a irrégulièrement séjourné en France entre 2003 et 2015 sans rechercher à faire régulariser sa situation, l'administration n'apporte aucun élément suffisamment précis et concordant permettant de regarder le mariage contracté en 2017 comme entaché d'une fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.

6. En second lieu, pour établir la menace à l'ordre public que présenterait M. B..., le ministre fait valoir la condamnation prononcée à son encontre le 11 juin 2015 par le tribunal correctionnel de Montbéliard, à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour avoir recelé des biens qu'il savait provenir d'un vol, et des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, ainsi qu'à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis pour les faits de prise de nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui. Ces faits, qui ont été commis du 9 au 10 juin 2015 à l'occasion d'une seule et même affaire, ne sont toutefois pas d'une gravité suffisante pour faire regarder M. B... comme constituant une menace à l'ordre public alors que, de plus, il ne s'agit que des seuls faits qui sont opposés à l'intéressé qui séjournait en France depuis 2003, soit depuis douze ans.

7. Il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le dernier moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. B... et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité par M. E... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 juin 2019 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de M. E... B... en lui délivrant un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de M. B... et de Mme D... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme F... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

­ M. Pérez, président,

­ M. A...'hirondel, premier conseiller,

­ M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 février 2020.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

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N° 19NT03271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03271
Date de la décision : 07/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CUJAS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-07;19nt03271 ?
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