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07/02/2020 | FRANCE | N°19NT02847

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 février 2020, 19NT02847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Finistère portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire, fixation du pays de renvoi et obligation de remettre son passeport aux autorités de police.

Par un jugement n°1806258 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019 Mme D..., r

eprésentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2019 du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Finistère portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire, fixation du pays de renvoi et obligation de remettre son passeport aux autorités de police.

Par un jugement n°1806258 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019 Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 dans son ensemble ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de produire son entier dossier administratif, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une omission à statuer sur ses conclusions en annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;

- il a été rendu au terme d'une procédure irrégulière méconnaissant le principe du contradictoire, car le tribunal n'a pas répondu à sa demande en vue d'enjoindre au préfet de produire son entier dossier administratif ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'agissant en particulier du soutien qu'elle apporte à sa mère malade ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour pris à son encontre ;

- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de remettre son passeport et de se présenter une fois par semaine aux services de police ne présente aucun caractère de nécessité et constitue une mesure disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2019 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme D... n'est fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante arménienne, déclare être entrée irrégulièrement en France en octobre 2013, à l'âge de 20 ans, accompagnée de sa mère. Leurs demandes respectives d'asile ont été rejetées par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en août 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile en février 2016. L'intéressée a formé en avril 2017 une demande de régularisation de sa situation à titre exceptionnel. Par un arrêté du 29 novembre 2018, le préfet du Finistère a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite et lui a fait obligation de remettre son passeport aux autorités de police, auprès desquelles elle devait se présenter une fois par semaine. Mme D... relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme D... soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'omission à statuer dans la mesure où ils n'ont pas statué sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Finistère " de produire l'entier dossier de la requérante ". Toutefois, la communication de pièces par une des parties relève du seul office du juge. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché à cet égard ni d'une omission à statuer ni, à supposer le moyen soulevé, d'une violation du principe du contradictoire. Il n'est donc pas irrégulier pour ce motif.

3. Il ressort en revanche des pièces du dossier que Mme D... a demandé dans ses écritures de première instance, ainsi d'ailleurs que le font apparaître les visas du jugement attaqué, l'annulation, en particulier, de la décision faisant l'objet de l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 29 novembre 2018 et portant fixation du pays à destination duquel l'intéressée pouvait être reconduite d'office. Or il ressort des termes du jugement attaqué que, ainsi que le soutient la requérante, le tribunal administratif a omis de statuer sur ces conclusions. Il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler le jugement attaqué et d'évoquer ces conclusions afin d'y statuer immédiatement, enfin de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la requête.

Sur les conclusions en annulation

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit " 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ". Aux termes de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Mme D... soutient qu'elle remplit les conditions fixées par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle entretient en France des liens personnels familiaux d'une particulière intensité, s'agissant de l'aide qu'elle apporte à sa mère malade. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, alors que les documents produits par Mme D... l'ont été seulement dans le cadre du débat contentieux postérieurement à la date de la décision contestée, et sa demande de titre de séjour ne faisant état que de la nécessité pour elle d'être admise au séjour afin de pouvoir occuper un emploi, que l'intéressée aurait informé le préfet de la nécessité dans laquelle elle se trouverait d'apporter une assistance particulière à sa mère, ni d'ailleurs d'apporter la preuve d'une telle nécessité, aucun élément n'étant fourni pour établir précisément le besoin d'une aide par tierce personne, ni enfin du fait qu'elle serait seule à même de lui fournir une telle assistance. La mère de Mme D..., par ailleurs, ne dispose que d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade et n'a pas ainsi vocation à s'installer en France. Si l'intéressée indique s'être investie dans le milieu local associatif, les documents qu'elle produit ne démontrent pas une implication particulière de sa part au sein de ces associations. Mme D... ne produit enfin aucun élément de nature à révéler l'existence en France de liens privés d'une particulière intensité et ne fait état d'aucune circonstance de nature à attester de son intégration, l'intéressée n'étant en particulier pas allée au terme de la formation professionnelle qu'elle avait commencée, sans justifier, comme elle l'allègue, de la réalité des raisons financières qui auraient fait obstacle à la poursuite d'une telle scolarité. Si la requérante indique disposer d'une promesse d'embauche en tant que cuisinière dans une pizzeria datant du 7 novembre 2018, cette offre d'emploi, sans lien avec le cursus commencé et abandonné, ne révèle pas davantage son intégration dans la société française. Eu égard à ce qui précède, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale de Mme D..., en méconnaissance les dispositions du 7°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Si Mme D... soutient, en second lieu, que l'assistance qu'elle apporte à sa mère admise au séjour en raison de son état de santé doit être regardée comme constituant une circonstance de nature à justifier sa demande d'admission au séjour répondant à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle circonstance ne peut, à elle seule, suffire à établir l'existence d'une telle situation. La demande d'asile de l'intéressée a, été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, lesquels n'ont pas jugé crédible le récit de l'intéressée et en particulier l'existence du risque d'y être personnellement exposée à des violences, et la requérante ne fournit, dans le cadre du présent contentieux aucun document permettant de remettre en cause une telle analyse. Comme déjà indiqué au point précédent, Mme D... ne justifie par ailleurs d'aucune autre circonstance particulière de nature à la faire regarder comme entrant dans le champ des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, faute d'établir l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour prise à son encontre, Mme D... ne peut utilement en exciper vis-à-vis de la mesure d'éloignement dont elle fait également l'objet.

8. En second lieu, par les éléments qu'elle apporte, qui sont identiques à ceux développés à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour, Mme D... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire dont elle fait l'objet est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Si elle soutient que la situation dans son pays d'origine se caractérise par une violence généralisée vis-à-vis des femmes, le seul élément qu'elle produit, qui prend la forme d'un article de presse, ne peut suffire à établir la réalité de cette allégation, ni qu'elle serait elle-même menacée.

En ce qui concerne la décision fixant un délai de trente jours :

9. C'est au terme d'une exacte motivation, développée aux points 16 à 18 de son jugement, et qu'il y a par suite lieu d'adopter, que le tribunal administratif a écarté les moyens d'annulation dirigés contre cette décision.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Comme déjà indiqué, la demande d'asile présentée par Mme D... a fait l'objet d'un rejet, son récit n'ayant pas été jugée crédible en ce qui concerne les menaces auxquelles elle serait exposée dans son pays. Si l'intéressée soutient qu'elle encourt le risque de subir des violences en cas de retour en Arménie, notamment de la part de son ancien époux, elle ne produit aucun élément établissant le caractère personnel et réel des menaces alléguées. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la remise du passeport et l'obligation de se présenter aux services de police :

12. C'est également au terme d'une exacte motivation, développée aux points 19 à 20 de son jugement, et qu'il y a par suite également lieu d'adopter, que le tribunal administratif a écarté les moyens tirés de l'absence d'intérêt d'une telle mesure et de son caractère disproportionné.

13. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et obligation de remettre son passeport aux autorités de police contenues dans l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Finistère, d'autre part, qu'elle n'est pas fondée à demander l'annulation de cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de renvoi. Les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressée ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1806258 du tribunal administratif de Rennes du 21 mars 2019 est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur les conclusions dirigées contre la décision portant fixation du pays de renvoi contenue dans l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Finistère.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Rennes et tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi contenu dans l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Finistère est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- Mme F..., présidente assesseure,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 7février 2020.

Le rapporteur

A. A...

Le président

I. PerrotLe greffier

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19NT02847 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02847
Date de la décision : 07/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SAGLIO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-07;19nt02847 ?
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