Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... D... et M. B... A... F... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés des 7 et 20 mars 2019 par lesquels le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1901171, 1901172 du 6 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 19NT02621 le 4 juillet 2019 Mme A... D..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 7 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- il n'a pas été justifié de la compétence du signataire de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a toutes ses attaches en France ;
- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ses quatre enfants étant scolarisés en France et ne parlant que le français ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée le 23 juillet 2019 au préfet d'Indre-et-Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 19NT02622 le 4 juillet 2019 M. A... F..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 20 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance n° 19NT02621 visée ci-dessus.
La requête a été communiquée le 23 juillet 2019 au préfet d'Indre-et-Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... D... et M. A... F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 29 juillet 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D... et M. A... F..., ressortissants libyens nés respectivement en 1976 et 1975, sont entrés régulièrement en France le 25 mars 2013 sous couvert de visas de long séjour aux fins d'études pour la première et en qualité de visiteur pour le second, accompagnés de leurs trois enfants nés en 2005, 2008 et 2012, un quatrième enfant étant né depuis lors sur le territoire français, en 2015. Mme A... D... s'est vu délivrer des titres de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelés du 20 décembre 2013 au 19 décembre 2018 et a obtenu un doctorat de droit public au mois de septembre 2018. Le 29 août 2018, ils ont sollicité la délivrance de titres de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se sont vu opposer des refus par deux arrêtés du préfet d'Indre-et-Loire des 7 et 20 mars 2019 leur faisant également obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par un jugement du 6 juin 2019 joignant leurs deux demandes, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs recours contre ces arrêtés Les requêtes de Mme A... D... et de M. A... F... enregistrées sous les numéros 19NT02621 et 19NT02622, dirigées contre cet unique jugement, présentent à juger des questions connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la légalité des arrêtés du préfet d'Indre-et-Loire des 7 et 20 mars 2019 :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...). ".
3. Il n'est pas contesté que Mme A... D... et M. A... F..., qui résidaient en France depuis 6 ans à la date des décisions contestées après y avoir séjourné entre 2003 et 2006 et y avoir vu naître leur premier enfant, ne disposent plus en Lybie d'attaches familiales, alors que le frère de M. A... F... réside à Tours où les requérants sont également établis. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'à cette même date les quatre enfants du couple, alors âgés de 14, 11, 7 et 4 ans et dont l'aîné a acquis la nationalité française par déclaration souscrite le 6 février 2019, soit antérieurement aux décisions contestées, étaient scolarisés respectivement en classe de 5ème, CM2, CP et petite section de maternelle, et avaient passé la majeure partie voire l'intégralité de leur vie en France. Enfin les requérants font valoir sans être contredits qu'ils n'ont plus aucune possibilité matérielle de retourner s'installer en Lybie, pays en guerre, en particulier parce que leur maison a été détruite. Dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet a, en prenant les décisions contestées sans reconnaître le caractère exceptionnel de la situation des intéressés et de leur famille, méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes n° 19NT02621 et 19NT02622, que Mme A... D... et M. A... F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 7 et 20 mars 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation des arrêtés des 7 et 20 mars 2019 implique nécessairement, eu égard à son motif, qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré à Mme A... D... et à M. A... F.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à chacun des requérants un tel titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
6. Mme A... D... et M. A... F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Sous réserve que Me G... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 800 euros à lui verser au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901171, 1901172 du tribunal administratif d'Orléans du 6 juin 2019 et les arrêtés du préfet d'Indre-et-Loire des 7 et 20 mars 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à Mme A... D... et M. A... F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me G... la somme de 800 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à la perception de la part contributive de l'Etat dans le cadre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 19NT02621 et 19NT02622 est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... D... et M. B... A... F... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme H..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 février 2020.
Le rapporteur
M. H...Le président
I. PerrotLe greffier
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT02621, 19NT02622