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23/01/2020 | FRANCE | N°19NT01938

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 janvier 2020, 19NT01938


Vu, sous le n°19NT01938, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 par lequel le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900526 du 30 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, ...

Vu, sous le n°19NT01938, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 par lequel le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900526 du 30 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté préfectoral méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour en Albanie du fait de son appartenance à une minorité rom égyptienne et de son engagement politique :

- l'arrêté préfectoral méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte tenu de la scolarisation et de la bonne intégration de ses enfants ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de leur intégration dans la société française, de leur engagement en tant que bénévole, de l'intégration scolaire de leurs enfants.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 juillet 2019.

II. Vu, sous le n°19NT01944, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 par lequel le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900525 du 30 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques que M. A... encourt en cas de retour en Albanie du fait de son appartenance à une minorité rom égyptienne et de son engagement politique :

- l'arrêté préfectoral méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte tenu de la scolarisation et de la bonne intégration de ses enfants ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de leur intégration dans la société française, de l'engagement de M. A... en tant que bénévole, de l'intégration scolaire de leurs enfants.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 juillet 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants albanais nés, respectivement, en 1984 et 1992, sont entrés en France le 25 juillet 2016, selon leurs déclarations, avec leurs deux filles nées en 2009 et 2013. Leur demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 9 mars 2017, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 décembre 2017. Leur demande de réexamen, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 juin 2018, a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 janvier 2019. Par arrêtés du 22 février 2019, le préfet du Calvados leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur égard une interdiction de retour pour une durée d'un an. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer l'annulation de ces arrêtés. Ils relèvent appel des jugements du 30 avril 2019 par lesquels le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté leurs demandes.

2. Les requêtes n°19NT01938 et n°19NT01944, présentées pour M. et Mme A..., présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. En premier lieu, M. et Mme A... sont présents sur le territoire français depuis moins de trois ans à la date des arrêtés contestés. Ils ne justifient d'aucun lien familial sur le territoire français hormis leurs trois enfants mineurs. S'ils se prévalent de leur intégration dans la société française, notamment en raison de l'engagement de M. A... dans des activités de bénévolat en tant qu'interprète et de la scolarisation de leurs deux filles, ils ne justifient d'aucune intégration professionnelle pour M. A..., à l'exception d'une promesse d'embauche à compter du 1er septembre 2019 soit postérieurement aux arrêtés contestés, et d'aucune intégration sociale particulière pour Mme A.... S'ils produisent des pièces justifiant de prises en charge médicale ou psychiatrique, il ne ressort pas des pièces du dossier que leurs états de santé rendent leur présence en France indispensable. Ils ne sont, par ailleurs, pas dépourvus de toute attache en Albanie où réside une partie de la fratrie de M. A... et où ils ne justifient pas que M. A... encourt des risques pour sa sécurité. Dans ces conditions, en dépit de la scolarisation réussie de leurs deux filles, le préfet n'a pas, en leur faisant obligation de quitter le territoire français, porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts dans lesquels ces arrêtés ont été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant prévoit que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Les arrêtés contestés n'ont pour effet ni de séparer M. et Mme A... de leurs enfants mineurs ni d'empêcher la scolarisation de ceux-ci dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils ne puissent poursuivre leur scolarité dans un autre pays que la France, notamment en Albanie. Dans ces conditions, et compte également tenu de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, ces décisions ne portent pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. En se bornant à se prévaloir de la discrimination subie par les personnes d'origine rom en Albanie et à produire des justificatifs de l'engagement politique de M. A... ainsi que les conclusions de l'examen clinique de M. A... dans le cadre d'une consultation de victimologie du 20 février 2018, M. et Mme A... ne justifient pas du caractère réel et actuel des risques de traitements inhumains et dégradants que M. A... encourrait à titre personnel en cas de retour dans son pays d'origine, alors, au demeurant, que leur demande d'asile, ainsi que leur demande de réexamen, ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme E... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 janvier 2020.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°19NT01938-19NT01944

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01938
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CHEMLA ROSENSTIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-23;19nt01938 ?
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