La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2020 | FRANCE | N°18NT03112

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 janvier 2020, 18NT03112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de la gestion fautive de sa carrière, une somme correspondant, d'une part, à l'indemnité différentielle dont il aurait dû continuer à bénéficier jusqu'au 1er mars 1994, date de son avancement au 6ème échelon de la catégorie 3B, et, d'autre part, aux cotisations de retraite qu'il n'a pu verser consécutivement à la supp

ression de l'indemnité différentielle puis compensatrice et, à titre subsidiaire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de la gestion fautive de sa carrière, une somme correspondant, d'une part, à l'indemnité différentielle dont il aurait dû continuer à bénéficier jusqu'au 1er mars 1994, date de son avancement au 6ème échelon de la catégorie 3B, et, d'autre part, aux cotisations de retraite qu'il n'a pu verser consécutivement à la suppression de l'indemnité différentielle puis compensatrice et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice financier.

Par un jugement n° 1600200 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2018, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 juin 2018 ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation de son préjudice financier résultant de la gestion fautive de sa carrière, une somme correspondant, d'une part, à l'indemnité différentielle dont il aurait dû continuer à bénéficier jusqu'au 1er mars 1994, date de son avancement au 6ème échelon de la catégorie 3B, et, d'autre part, aux cotisations de retraite qu'il n'a pu verser consécutivement à la suppression de l'indemnité différentielle puis compensatrice et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice financier.

3°) d'enjoindre à la ministre des armées de reconstituer sa carrière et de le reclasser en qualité d'agent contractuel de catégorie A autorisant la perception d'une retraite équivalente à celle d'un ouvrier HCB chef d'équipe, a minima échelon 5 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen selon lequel les dispositions du décret n° 89-753 du 18 octobre 1989 créant l'indemnité compensatrice ne s'appliquait pas aux agents techniques qui devaient continuer à bénéficier de l'indemnité différentielle ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en assimilant l'indemnité différentielle à l'indemnité compensatrice, l'administration ne démontrant pas que ces deux notions couvriraient en réalité la même indemnité ;

- le ministre des armées ne démontre pas qu'il aurait continué à bénéficier de l'indemnité différentielle du 1er janvier 1984 à 2008 ;

- en lui appliquant cette indemnité compensatrice, en lieu et place de l'indemnité différentielle, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu l'absence de faute de l'administration et l'absence de lien de causalité entre les fautes tenant aux conditions dans lesquelles il a été recruté en qualité d'agent sur contrat et le préjudice économique invoqué lequel ne se limite pas à la perte de l'indemnité différentielle ;

* son ancienneté liée à ses années de service militaire ainsi que son expérience aux fonctions d'analyste programmeur n'ont pas été prises en compte lors de son reclassement ;

* à compter du 12 janvier 1984, date de l'entrée en vigueur de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, il n'était plus possible de recruter en zone budgétaire sur le fondement des dispositions du décret n° 49-1378 du 3 octobre 1949 ;

- l'administration lui a délivré une information erronée quant au choix de son régime de pension.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

L'instruction a été close au 10 mai 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 29 mai 2019, après la clôture de l'instruction, a été présenté pour M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 49-1378 du 3 octobre 1949 ;

- le décret 89-753 du 18 octobre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me E..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ouvrier d'Etat affecté au centre électronique de l'armement de Rennes en qualité d'aide opérateur depuis le 1er décembre 1975, puis comme opérateur électronique de traitement de l'information le 1er mai 1979, a bénéficié, par une décision du 11 janvier 1984, d'un reclassement à titre exceptionnel comme agent sur contrat de 3ème catégorie B - 1er échelon niveau 2, en application du décret visé ci-dessus du 3 octobre 1949 fixant le statut des agents sur contrat du ministère de la défense nationale. En exécution d'un jugement du 24 mai 2006 du tribunal administratif de Rennes prononçant l'annulation de l'arrêté du ministre de la défense du 9 août 2002 fixant la liste des agents contractuels bénéficiant d'une promotion par changement de catégorie dans le collège des techniciens et agents de maîtrise et des actes subséquents, en tant qu'ils plaçaient M. D... au 5ème échelon de la 2ème catégorie B des agents sur contrat du ministère de la défense, l'intéressé a été promu à la 2ème catégorie B - 7ème échelon à compter du 1er août 2001. A la suite d'une modification du décret n° 49-1378 du 3 octobre 1949 fixant le statut des agents sur contrat du ministère de la défense nationale par le décret du 9 juin 2009, M. D... a été reclassé de la 2ème catégorie B 10ème échelon, à la catégorie 1B 10ème échelon au 1er juillet 2009. Le 1er janvier 2013, il est devenu ingénieur contractuel de catégorie A (niveau I) et a été classé au 4ème échelon de cette catégorie à compter du 1er novembre 2016. Il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2017. M. D... a, le 18 janvier 2016, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la gestion fautive de sa carrière. Il relève appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A supposer que le requérant ait entendu soulever en première instance le moyen selon lequel les dispositions du décret du 18 octobre 1989 créant l'indemnité compensatrice ne pouvaient s'appliquer aux agents techniques, le tribunal, en relevant que " l'indemnité différentielle avait continué à lui être versée postérieurement au 1er janvier 1990, jusqu'en 2008, sous la dénomination d'indemnité compensatrice, laquelle, contrairement aux allégations du requérant, ne correspondait pas à l'indemnité prévue par le décret susvisé du 18 octobre 1989 portant attribution d'une telle indemnité à certains techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense, à laquelle il ne pouvait légalement prétendre " a nécessairement répondu au moyen en question. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes du I de la décision ministérielle n°1261/DEF/DPC/RGB.2 du 8 décembre 1977 : " Les agents sur contrat régis par le décret modifié n°49-1378 du 3 octobre 1949 (1), en fonctions en métropole ou en Allemagne et classés dans la catégorie 3 B jusqu'au 6ème échelon inclus et dans les catégories 5 B et 6 B, peuvent prétendre à une indemnité différentielle lorsqu'ils proviennent des ouvriers. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n°89-753 du 18 octobre 1989 visé ci-dessus : " Les techniciens supérieurs d'études et de fabrications provenant du personnel ouvrier sous statut du ministère de la défense, qui recevaient dans leur ancienne situation une rémunération globale supérieure à celle qui résulte de leur classement dans l'un des corps de techniciens supérieurs d'études et de fabrications, perçoivent une indemnité compensatrice dans les conditions fixées par le présent décret. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Cette indemnité est égale à la différence existant entre les deux rémunérations. (...) ".

4. En premier lieu, si M. D... soutient qu'il a été indûment privé de l'indemnité différentielle prévue par la décision ministérielle n° 1261/DEF/DPC/RGB.2 du 8 décembre 1977 entre le 1er janvier 1990 et le 1er mars 1994, il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressé a perçu, postérieurement au 1er janvier 1990 et jusqu'en 2008, sous la dénomination d'" indemnité compensatrice ", une indemnité destinée à compenser la différence de traitement existant entre sa rémunération en tant qu'ancien ouvrier d'Etat et sa rémunération en tant qu'agent sur contrat. Le requérant ne soutient ni même n'allègue que cette indemnité compensatrice aurait été d'un montant moindre que l'indemnité différentielle perçue et n'aurait pas compensé la différence de traitement existante. A supposer même que le décret du 18 octobre 1989 créant l'indemnité compensatrice ne puisse s'appliquer aux ouvriers d'Etat reclassés en tant qu'agent sur contrat, alors même qu'il résulte des termes de ce décret que cette indemnité devait bénéficier au personnel ouvrier reclassé sous statut du ministère de la défense, ce qui est le cas du requérant, et que cette indemnité compensatrice avait la même finalité que l'indemnité différentielle instituée par la décision précitée du 8 décembre 1977, le requérant n'établit l'existence d'aucun préjudice lié à la perception de l'indemnité compensatrice. La circonstance que l'indemnité différentielle ait été supprimée en 2008 est sans lien avec les conditions d'attribution de cette indemnité jusqu'à cette date et avec le préjudice invoqué tenant à l'absence alléguée d'indemnité perçue au cours de la période litigieuse.

5. En second lieu, M. D... soutient que son reclassement en tant qu'agent sur contrat serait intervenu dans des conditions fautives. Toutefois, l'entrée en vigueur de la loi visée ci-dessus du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat a, contrairement à ce que soutient le requérant, été sans effet sur le statut particulier des agents sur contrat du ministère de la défense nationale fixé par le décret visé ci-dessus du 3 octobre 1949. Par ailleurs, M. D..., qui a été reclassé, à titre exceptionnel, comme agent sur contrat de catégorie 3B - 1er échelon, par prise en compte de ses diplômes, de son acquis professionnel (certificat d'analyste programmeur) et de son ancienneté de 8 ans en tant qu'ouvrier de l'Etat n'établit pas le caractère erroné de ce reclassement. En particulier l'administration n'était pas tenue, en vertu de l'article 8 du décret du 3 octobre 1949, de prendre en compte, au titre de son ancienneté, ses années de service militaire. Enfin, il n'est pas davantage établi en appel qu'en première instance que l'administration, qui s'est bornée à faire application de l'article 3 du décret du 8 octobre 1949 en informant le requérant de son droit de conserver le régime des pensions des ouvriers d'Etat, ait fourni à l'intéressé des renseignements erronés.

6. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. D... au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

O.COIFFET

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT03112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03112
Date de la décision : 10/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : ABC ASSOCIATION BERTHAULT COSNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-10;18nt03112 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award