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10/01/2020 | FRANCE | N°18NT02875

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 janvier 2020, 18NT02875


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant M. B... et de Me F..., substituant Me C..., représentant la commune de Saint-Jean-le-Thomas.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 février 2017, le m

aire de Saint-Jean-le-Thomas a délivré à M. et Mme H... D... un permis de construire en vue de la modification et de l'ext...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant M. B... et de Me F..., substituant Me C..., représentant la commune de Saint-Jean-le-Thomas.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 février 2017, le maire de Saint-Jean-le-Thomas a délivré à M. et Mme H... D... un permis de construire en vue de la modification et de l'extension d'un immeuble à usage d'habitation sur un terrain situé 27 boulevard Stanislas à Saint-Jean-le-Thomas. A la demande de M. B..., le tribunal administratif de Caen, par un jugement du 20 juin 2018, a annulé le permis de construire. Par deux requêtes distinctes, la commune de Saint-Jean-le-Thomas et M. et Mme H... D... relèvent appel de ce jugement. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la demande de première instance présentée par M. B... :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire en litige a pour objet d'obtenir la régularisation de travaux effectués en 1970 sur une maison édifiée en 1955 en procédant, par ailleurs, à une modification et à une extension de l'existant. Les travaux autorisés par le permis de construire en litige auront ainsi pour effet de porter la surface existante de 138 m² à 376 m² avec notamment la constitution d'un étage. La propriété de M. B... se situe à proximité immédiate, au numéro 25 de la même voie, de ce projet, situé au numéro 27. Selon les propres écritures de la commune, l'habitation de M. B... en sera distante de seulement dix mètres. Dans ces conditions, et ainsi que l'a retenu, à bon droit, le tribunal administratif, compte tenu de l'ampleur des travaux projetés, le projet est de nature à affecter les conditions de jouissance de la propriété de M. B..., lequel doit, dès lors, être regardé comme justifiant d'un intérêt à agir pour contester le permis de construire en litige. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Jean-le-Thomas et par M. et Mme D... ne saurait être accueillie.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

5. Aux termes de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols relatif à l'aspect extérieur des bâtiments applicable au projet en litige : " L'autorisation de construire sera refusée ou ne sera accordée que sous réserve de prescriptions spéciales, si les constructions, par leurs dimensions et leur aspect, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, au site, au paysage naturel ou urbain. / A) Aspect des bâtiments / Les constructions, de quelques natures qu'elles soient, devront respecter l'harmonie créée par les bâtiments voisins et le site. / Pour ce faire, elles devront présenter une simplicité de volume, une unité d'aspect et de matériaux restant compatibles avec la bonne économie de la construction. / En particulier, les formes générales seront nettement parallélépipédiques, la toiture des bâtiments principaux sera composée de deux versants symétriques, appuyés sur un même faîtage parallèle à la plus grande dimension et dont les pentes seront de 40 °minimum. / Les toitures en terrasse ou de faible pente (inférieure à 30°) sont interdites, sauf pour les constructions dans lesquelles des contraintes techniques imposent des bâtiments de grande largeur ou lorsque celles-ci répondent à un problème d'intégration à un ensemble existant. / (...) Les matériaux de couverture seront obligatoirement de teinte ardoise. / Le traitement des façades et pignons sera uniforme sur toute la hauteur ; les matériaux de constructions utilisés pour les façades et les pignons non destinés par nature à demeurer apparents tels que parpaings, briques creuses, carreaux de plâtre, etc... doivent être recouverts d'un enduit de ton neutre, le blanc ou les teintes claires étant strictement proscrits. / (...) Nonobstant ces dispositions, pourront être autorisées les constructions faisant preuve d'une architecture contemporaine de qualité et d'une volonté d'intégration dans l'environnement. (...) ". Ces dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Caen, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols que doit être appréciée la légalité de la décision contestée.

6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 111-16 du code de l'urbanisme : " Nonobstant les règles relatives à l'aspect extérieur des constructions (...) des plans d'occupation des sols, (...), le permis de construire (...) ne peut s'opposer à l'utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d'éviter l'émission de gaz à effet de serre, à l'installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d'énergie renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des occupants de l'immeuble ou de la partie d'immeuble concernés. Le permis de construire (...) peut néanmoins comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant. / La liste des dispositifs, procédés de construction et matériaux concernés est fixée par décret ". Selon l'article R. 111-23 du même code : " Pour l'application de l'article L. 111-16, les dispositifs, matériaux ou procédés sont : / 1° Les bois, végétaux et matériaux biosourcés utilisés en façade ou en toiture ; (...) ".

7. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 111-16 du code de l'urbanisme ont pour objet de rendre les règles d'urbanisme relatives à l'aspect extérieur des bâtiments inopposables aux demandes d'installation de matériaux renouvelables ou de systèmes individuels de production d'énergie renouvelable, en-dehors des secteurs protégés visés à l'article L. 111-17 du même code. L'article R. 111-23 de ce code ne cite pas, parmi les procédés entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 111-16, les toitures en terrasse mais prévoit seulement que le bois, les végétaux et les matériaux biosourcés puissent être utilisés en toiture. Il suit de là que l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols en prohibant les toitures en terrasse mais en ne faisant pas obstacle à ce que les matériaux visés aux 1° de l'article R. 111-23 puissent être utilisés, ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 111-16 du code de l'urbanisme. Par suite, les prescriptions de l'article UC 11 relatives aux caractéristiques des toitures sont opposables à la demande de permis de construire déposée par M. et Mme D....

8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice descriptive contenue dans la demande de permis de construire, que M. et Mme D... sont propriétaires à Saint-Jean-le-Thomas d'un immeuble à usage d'habitation construit en 1955 d'une surface de 33 m², suivi, en 1970, d'une extension vers l'ouest R + comble de 91 m². Le 2 août 2013, le maire de Saint-Jean-le-Thomas a délivré aux intéressés un permis de construire en vue de l'extension et de la surélévation de leur maison d'habitation. Si les travaux autorisés par ce permis ont été engagés, cette autorisation d'urbanisme a toutefois été annulée par un arrêt définitif de la présente cour du 26 octobre 2016, sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, au motif qu'il revenait aux pétitionnaires de solliciter un permis de construire portant sur l'ensemble des éléments de construction et non sur les seuls travaux d'extension et de surélévation projetés dès lors que la maison d'habitation existante ne pouvait être regardée comme ayant été régulièrement édifiée. Selon la notice descriptive, l'ensemble des constructions existantes à la date de la demande de permis de construire en litige est constitué de plusieurs blocs de hauteur et volumétrie variés. Le permis en litige a pour objet de régulariser la partie ancienne édifiée en 1970 avec modification de l'existant afin notamment de créer à l'étage un comble habitable comprenant, d'une part, une galerie permettant une liaison entre la partie Ouest et la partie Est du terrain et, d'autre part, sur la façade Ouest, des parties closes au rez-de-chaussée et une terrasse couverte végétalisée à l'étage par l'utilisation de matériaux biosourcés. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le choix d'une telle toiture s'imposerait en raison, soit de contraintes techniques, la notice indiquant, au demeurant, la possibilité de réaliser une charpente traditionnelle, soit en raison d'un problème d'intégration dans un ensemble existant, la couverture étant déjà en ardoise à deux pans inégaux. De même, les courriels de l'architecte adressés à M. et Mme D... les 16 janvier 2019 et 21 janvier 2019, qui sont au demeurant peu circonstanciés, n'établissent pas la nécessité de réaliser un toit en terrasse afin de répondre à un problème d'intégration dans un ensemble existant alors même que la solution retenue, en diminuant la hauteur de la toiture, serait plus esthétique et présenterait moins de désagréments pour les voisins immédiats. Il suit de là que la réalisation de cette terrasse contrevient aux dispositions précitées de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols qui prohibe les toitures en terrasse. Si M. et Mme D... ont souhaité, à l'occasion de ces travaux, prévoir une " nouvelle conception de façade ", par une " intervention contemporaine sombre ", elle se limite aux seules façades devant être réalisées dans le cadre du projet en litige par une intégration des matériaux des façades actuelles. Dans ces conditions, alors même que la conception desdites façades est destinée à assurer une bonne intégration du projet dans le site, ce projet, qui porte sur une partie des bâtiments, ne peut faire regarder la construction comme relevant d'une architecture contemporaine de qualité au sens des dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols permettant de s'affranchir des règles relatives à l'aspect des bâtiments.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Jean-le-Thomas et M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé le permis de construire que le maire de la commune a délivré à ces derniers.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la commune de Saint-Jean-le-Thomas et M. et Mme D... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-le-Thomas, d'une part, et de M. et Mme D..., d'autre part, une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la commune de Saint-Jean-le-Thomas et de M. et Mme H... D..., enregistrées respectivement sous les n°s 18NT02875 et 18NT02920, sont rejetées.

Article 2 : La commune de Saint-Jean-le-Thomas versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. et Mme D... verseront, ensemble, à M. B... une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Jean-le-Thomas et de M. et Mme D... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Jean-le-Thomas, à M. et Mme H... D... et à M. H... B....

Copie en sera adressée pour leur information au préfet de la Manche et au procureur de la République, près le tribunal de grande instance de Coutances.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Brisson, président assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2020.

Le rapporteur,

M. J...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 18NT02875 et 18NT02920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02875
Date de la décision : 10/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET CHANUT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-10;18nt02875 ?
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