Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Centre Ouest International Campus a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 30 août 2016 par laquelle le préfet de la région Centre -Val de Loire a mis à sa charge l'obligation de verser au Trésor public la somme de 336 304,55 euros en application des articles L. 6362-5 et L. 6362-7-1 du code du travail correspondant aux dépenses rejetées en matière de formation professionnelle continue au titre des exercices comptables 2013 et 2014 et sur la période ouverte à compter du 1er janvier 2015, et d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1603422 du 15 mars 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2018, la SAS Centre Ouest International Campus, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 30 août 2016 par laquelle le préfet de la région Centre - Val de Loire a mis à sa charge l'obligation de verser au Trésor public la somme de 336 304,55 euros ;
3°) de prononcer la décharge de la somme de 336 304,55 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité faute d'avoir visé tous les mémoires produits et d'avoir statué sur certains des moyens soulevés ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant à tort l'existence ou non d'un contrat de sous-location comme condition du caractère suffisant des justificatifs alors que le code du travail n'exige rien de tel et il a commis également une erreur d'appréciation quant à la réalité du versement de ces loyers à la SCI Gaspard ;
- les pièces qu'elle produit - feuilles d'émargement, emplois du temps et témoignages des salariés - sont de nature à établir la réalité des formations dispensées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant la SAS Centre Ouest International Campus.
Une note en délibéré, présentée pour la SAS Centre Ouest International Campus, a été enregistrée le 3 décembre 2019.
Considérant ce qui suit
1. La SAS Centre Ouest International Campus, déclarée comme organisme de formation conformément à l'article L. 6351-1 du code du travail, a fait l'objet d'une vérification administrative et financière de ses activités de formation professionnelle continue au titre des exercices comptables 2013 et 2014 et sur la période ouverte à compter du
1er janvier 2015. A l'issue de ce contrôle, le préfet de la région Centre -Val de Loire a, par une décision du 30 août 2016 ordonné à cette société de verser au Trésor public, d'une part, la somme de 37 182, 36 euros correspondant à des dépenses rejetées pour défaut de justification de leur bien-fondé et de leur rattachement à l'activité de formation professionnelle continue et, d'autre part, la somme de 299 122,19 euros en application de l'article L. 6362-7-1 du code du travail, en l'absence de reversement auprès des différents organismes paritaires collecteurs agréés et des employeurs des coûts de prestations dont la réalité n'a pu être établie. Par un jugement du 15 mars 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer ces différentes sommes. La société Centre Ouest International Campus relève appel de ce jugement en limitant ses conclusions à la décharge de l'obligation de payer la somme globale de 22 514, 91 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que contrairement à ce qu'avance la société requérante, le jugement attaqué vise l'ensemble des requête et mémoires produits par les parties et contient l'analyse des conclusions et de l'ensemble des moyens qu'elles ont invoqués, conformément à l'article R. 741-2 du code de justice administrative.
3. D'autre part, le tribunal a dans le point 3 du jugement attaqué, estimé que " nonobstant les erreurs qui figureraient dans ses annexes ou dans le rapport de contrôle du 18 novembre 2015 qu'elle vise, la décision attaquée est suffisamment motivée ". Les premiers juges se sont ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, bien prononcés sur la question des erreurs relevées du décompte des heures réalisées qui avait été soulevée dans ses écritures par la société Centre Ouest International Campus. Si cette dernière fait grief au tribunal, alors que l'administration avait reconnu l'existence " d'une erreur isolée ", de ne pas en avoir tenu compte pour " invalider au moins partiellement le calcul retenu par la DIRECCTE ", cette critique porte sur le bien-fondé et non sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant du rejet des dépenses opérées au bénéficie de la SCI Gaspard :
4. En application de l'article L. 6361-2 du code du travail, l'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par, notamment, les organismes de formation. Et aux termes du premier alinéa de l'article L. 6361-3 de ce code, ce contrôle " porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue ". Enfin en application des articles L. 6362-5 et L. 6362-7 du même code, les organismes de formation sont tenus " de justifier le rattachement et le
bien-fondé " des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue et, à défaut, font l'objet d'une décision de rejet des dépenses considérées et versent au Trésor public une somme égale au montant des dépenses ainsi rejetées.
5. La société requérante conteste le rejet des dépenses de loyer versées à la SCI Gaspard et le versement au trésor public de la somme de 37 182,36 euros correspondant au montant des dépenses rejetées, proratisées en fonction du chiffre d'affaires réalisé par la société au titre de la formation professionnelle continue. Il résulte de l'instruction que des factures de loyers pour des locaux situés à Rennes dont la SCI Gaspard est propriétaire ont été adressées à la société Ecole supérieur de l'informatique dénommée " SUPINFO ". S'il est établi que c'est bien la SAS qui s'est acquittée du versement de ces factures, les documents qu'elle produit ne permettent pas de considérer qu'elle aurait été substituée par voie contractuelle à la société SUPINFO pour ce qui concerne le règlement des loyers en question, lesquels auraient ainsi été mis à sa charge. On ne saurait en effet déduire ni de la lecture du bail commercial conclu entre la SCI Gaspard et la société SUPINFO ni de celle du contrat de sous-traitance pédagogique passé entre la société SUPINFO et la SAS Centre Ouest International Campus l'existence d'une telle substitution ou de la " subrogation " que la société requérante invoque à son profit. Le courrier en date du 7 septembre 2009 que cette dernière verse aux débats n'est pas davantage probant pour permettre de justifier qu'elle était tenue de régler les sommes dues à la SCI Gaspard par la société SUPINFO dans la mesure où si ce courrier indique qu'une demande de transfert du bail à son bénéfice a été effectuée par la société SUPINFO, il précise cependant que les " modalités de ce transfert sont à définir ". De même, aucune disposition du contrat de sous-traitance ne prévoit la prise en charge par la société requérante des frais de location des locaux mis à sa disposition par la société SUPINFO. Dans ses conditions, le préfet de la région Centre-Val de Loire n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant non fondées les sommes réclamées au titre des loyers des locaux de formation et en ordonnant à la société requérante le reversement au Trésor public de la somme de 37 182,36 euros. Par ailleurs, en relevant, alors qu'ils devaient porter une appréciation sur la pertinence des différents documents soumis, à titre de justificatifs, à leur examen par la société sur laquelle pèse l'obligation " de justifier le rattachement et le bien-fondé " des dépenses exposées, que " celle-ci n'établissait pas bénéficier effectivement d'un contrat de sous-location pour les locaux litigieux ", les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions du code du travail rappelées au point précédent.
S'agissant de l'appréciation de la réalité des actions de formation :
6. Aux termes de l'article L. 6362-6 du code du travail : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. / A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1. " ; qu'aux termes de l'article L. 6362-7-1 du même code : " En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. / A défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués. ".
7. Aux termes de la décision contestée du 30 août 2016, le préfet de la région Centre -Val de Loire a estimé que la société Centre Ouest International Campus n'avait pas dispensé certaines heures de formation sur les sites d'Orléans, Tours, Caen et Rennes au titre de conventions conclues avec des entreprises pour la formation de leurs salariés sous contrat de professionnalisation. Il résulte de l'instruction qu'au cours du contrôle diligenté par les services de la DIRECCTE, la société n'a produit aucun élément tel que des déroulés pédagogiques, apports méthodologiques ou de connaissance, supports de cours, corrigés d'exercice ou cas pratiques pouvant se rapporter aux heures litigieuses. La société requérante qui conteste l'obligation de reversement au Trésor public de la somme de 299 122,19 euros soutient qu'elle peut justifier de la réalité des heures de formation litigieuses et verse, à cet effet, aux débats comme il lui est loisible de le faire des " éléments justificatifs " tenant à des feuilles d'émargement, des emplois du temps et des témoignages des salariés.
8. D'une part, si les feuilles d'émargement sont au nombre des éléments susceptibles de justifier de la réalisation des actions de formation, il résulte cependant de l'instruction que les feuilles présentées par la société requérante, qui ne précisent pas l'identité du formateur et ne comportent pas de signature, sont incomplètes et révèlent plusieurs incohérences. Elles ne sauraient par suite être retenues comme justificatifs des heures de formation litigieuses.
9. D'autre part, si la société Centre Ouest International Campus tente de justifier les contradictions relevées par les agents du contrôle entre les heures de prestations apparaissant dans les emplois du temps des cadres censés réaliser les formations et certaines de leur note de frais en expliquant que ces dernières correspondraient à des prises en charge par ces cadres de frais de déplacement d'autres salariés, d'étudiants ou de prestataires extérieurs, elle n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance la preuve que ces cadres, chargés de la direction et de l'animation de centres de formation, auraient effectivement dispensé des heures de formation présentielle ou encadré des stagiaires. Par ailleurs, les éléments apportés par la société pour expliquer les différences entre les premiers emplois du temps fournis aux agents lors du contrôle, lesquels faisaient apparaitre un décompte d'heures inférieures à celles facturées, et une autre série d'emploi du temps présentés ensuite aux contrôleurs où les plages horaires avaient été complétées par des heures indiquées comme ayant été effectuées par le personnel permanent de la structure et consistant en particulier en des heures d'accompagnement, la conduite de travaux dirigés, des travaux sur mini-projet, de soutenance, ne sont pas convaincants. En effet, la société Centre Ouest International Campus ne fournit aucun élément probant et matériel susceptible d'établir la réalité des travaux demandés aux stagiaires pendant les heures litigieuses et se borne à fournir des attestations sur l'honneur et témoignages de ses salariés et de prestataires extérieurs. Or ces éléments établis longtemps après les faits émanant uniquement de ses salariés et sous-traitants, lesquels sont dans une situation de subordination hiérarchique ou économique à son égard, ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur la réalité des actions de formation.
10. Enfin, aux termes de l'article L.6353-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable lors du contrôle litigieux : " Les actions de formation professionnelle mentionnées à l'article L. 6313-1 sont réalisées conformément à un programme préétabli qui, en fonction d'objectifs déterminés, précise le niveau de connaissances préalables requis pour suivre la formation, les moyens pédagogiques, techniques et d'encadrement mis en oeuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d'en apprécier les résultats. / La formation peut être séquentielle. / Elle peut s'effectuer en tout ou partie à distance, le cas échéant en dehors de la présence des personnes chargées de l'encadrement. Dans ce cas, le programme mentionné au premier alinéa précise : 1° La nature des travaux demandés au stagiaire et le temps estimé pour les réaliser ; 2° Les modalités de suivi et d'évaluation spécifiques aux séquences de formation ouverte ou à distance ; 3° Les moyens d'organisation, d'accompagnement ou d'assistance, pédagogique et technique, mis à disposition du stagiaire. / A l'issue de la formation, le prestataire délivre au stagiaire une attestation mentionnant les objectifs, la nature et la durée de l'action et les résultats de l'évaluation des acquis de la formation. ". Pour justifier qu'une même personne apparaisse sur les plannings de deux sites différents aux mêmes dates et mêmes heures, la société Centre Ouest International Campus indique avoir mis en place des classes virtuelles. Toutefois, elle n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments sur les moyens pédagogiques ou techniques qu'elle allègue avoir mis en oeuvre pour diriger les travaux et surveiller les devoirs des étudiants en " classe virtuelle ", modalité qui n'apparait d'ailleurs pas sur les plannings ou programmes de formation préétablis, contrairement à ce qu'exigent les dispositions précitées de l'article L.6353-1 du code du travail. Au demeurant, il résulte de l'instruction que les éléments fournis aux financeurs, pas plus que les plannings et les facturations, ne mentionnaient l'existence de cette modalité de formation à distance.
11. Il résulte de ce qui précède que la société Centre Ouest International Campus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans, qui a estimé à bon droit que la réalité des dépenses et des prestations litigieuses n'était pas établie, a rejeté l'ensemble de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que la société Centre Ouest International Campus demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Centre Ouest International Campus est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS société Centre Ouest International Campus et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
Le rapporteur
O. CoiffetLe président
H. Lenoir
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
18NT01873 2