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17/12/2019 | FRANCE | N°18NT00598

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 décembre 2019, 18NT00598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté de la maire de Fleury-les-Aubrais du 28 janvier 2016 prononçant son licenciement, pour insuffisance professionnelle, en cours de stage.

Par un jugement n° 1600931 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2018 et 26 septembre 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :>
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté de la maire de Fleury-les-Aubrais du 28 janvier 2016 prononçant son licenciement, pour insuffisance professionnelle, en cours de stage.

Par un jugement n° 1600931 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2018 et 26 septembre 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fleury-les-Aubrais le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où ses missions n'étaient pas organisées sous forme de plannings ; en outre, ses prétendues insuffisances professionnelles, son manque d'organisation et de rigueur, ne sont pas établies ;

- l'emportement d'un agent ne peut caractériser une insuffisance professionnelle ; le lien entre la décision litigieuse et sa pathologie est évident d'autant que son état de santé n'a pas été pris en compte pour aménager son poste ; ses compétences professionnelles étaient reconnues ; ses aptitudes physiques avaient été jugées compatibles avec un emploi d'adjoint administratif ; en le licenciant, la maire a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires, enregistrés les 15 mai 2018 et 24 septembre 2019, la commune de Fleury-les-Aubrais, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Le défenseur des droits a présenté des observations, qui ont été enregistrées le

9 septembre 2019.

Il soutient que :

- il a considéré que M. A... était victime de discrimination en méconnaissance de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 ;

- dans les rapports des 23 janvier et 15 juin 2015 la hiérarchie de M. A... s'interroge expressément sur la compatibilité de son état de santé avec le rythme de travail imposé par le poste alors qu'un médecin a confirmé son aptitude ; ses absences ou modifications de son emploi du temps présentaient un lien avec sa pathologie ; la commune n'établit pas la désorganisation du service à raison de ces absences ; la commune n'établit pas davantage que l'intéressé était sujet à des emportements intempestifs répétés ; il ne fait aucun doute que M. A... avait les compétences professionnelles attendues d'un adjoint administratif de 2ème classe ; son licenciement pour insuffisance professionnelle revêt un caractère discrétionnaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillets 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la commune de Fleury-les-Aubrais.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté en qualité de rédacteur contractuel par la commune de Fleury-les-Aubrais à compter du 18 juin 2007 afin d'assurer le remplacement d'un agent en congé maternité affecté au centre culturel. Son contrat a été prolongé jusqu'au 1er juillet 2014, parfois à temps non complet. A compter de cette date, et dans le cadre d'une restructuration du service, il a été nommé adjoint administratif de 2ème classe stagiaire. A sa demande, il a été autorisé à travailler à 80 % pour tenir compte de son handicap reconnu en 1989. Le 6 juillet 2015, son stage a été prolongé de 3 mois jusqu'au 31 décembre 2015 afin qu'il améliore et intègre certains points relevés lors des bilans trimestriels. Son stage a, en outre, été prolongé du 1er janvier au 3 février 2016 puis du 4 au 29 février 2016 pour tenir compte de ses congés de maladie puis de son temps partiel. Le 24 décembre 2015, la commission administrative paritaire a émis un avis défavorable à sa titularisation. Le 6 janvier 2016, M. A... a été informé que la commune envisageait de le licencier pour insuffisance professionnelle en cours de stage. L'intéressé a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2016 de la maire de Fleury-les-Aubrais prononçant son licenciement à compter du 23 février 2016 afin de tenir compte des congés annuels dont il disposait. M. A... relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " (...) La titularisation peut être prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par le statut particulier. (...) Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions dans lesquelles les congés rémunérés de toute nature, autres que le congé annuel, peuvent être pris en compte dans la durée du stage. (...) L'agent peut être licencié au cours de la période de stage en cas d'insuffisance professionnelle ou de faute disciplinaire et après avis de la commission administrative paritaire compétente. ". Aux termes de l'article 4 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par les statuts particuliers des cadres d'emplois. / Sous réserve de dispositions contraires prévues par ces statuts et de celles résultant des articles 7 et 9 du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. Elle peut être prorogée d'une période au maximum équivalente, après avis de la commission administrative paritaire compétente, si les aptitudes professionnelles du stagiaire ne sont pas jugées suffisantes pour permettre sa titularisation à l'expiration de la durée normale du stage (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné. La collectivité employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 5 du décret du 4 novembre 1992. Ces principes ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative mette en garde, le cas échéant, le stagiaire afin qu'il sache, dès avant la fin du stage, que sa titularisation peut être refusée si l'appréciation défavorable de l'administration sur sa manière de servir se confirme à l'issue de cette période, ni à ce qu'elle l'informe, dans un délai raisonnable avant la fin du stage, de son intention de ne pas le titulariser.

4. Si au cours de son stage qui s'est déroulé à compter du 1er juillet 2014, il a été demandé à M. A..., qui occupait alors un emploi de catégorie C, de respecter les consignes qui lui étaient données, il est constant que l'intéressé avait préalablement occupé, durant plus de 7 ans, un emploi de catégorie B en qualité de contractuel au sein du centre culturel " La Passerrelle " de la commune de Fleury-les-Aubrais, sans que son attitude ou ses insuffisances professionnelles n'aient fait obstacle aux renouvellements successifs de son contrat. En outre, durant son stage, sa hiérarchie a souligné ses efforts ainsi que sa grande motivation. S'il n'est pas contesté que M. A..., qui avait divers problèmes de santé, et avait été reconnu en qualité de travailleur handicapé en 2009, devait s'absenter et omettait parfois d'en informer sa hiérarchie, ce qui pouvait désorganiser ponctuellement le service, la note rédigée le 23 janvier 2015 par la directrice du centre culturel auquel il était rattaché, précise qu'il effectuait un travail sérieux et faisait preuve d'une grande disponibilité. Par ailleurs, si dans une note du 25 août 2015, la directrice du centre culturel rappelle la réaction violente de M. A... à la suite de la notification de la décision du 6 juillet 2015 de prolongation de son stage pour une durée de trois mois, il n'est pas établi que le comportement de l'intéressé aurait posé problème de manière récurrente avant ou après cette date. Enfin, la commune de Fleury-les-Aubrais, qui ne conteste pas avoir été informée en décembre 2018 par M. A... qu'il souffrait d'une fibromyalgie, pathologie qui lui avait été diagnostiquée quelques mois plus tôt, a produit deux notes de la directrice du centre culturel et de la directrice du département de l'action culturelle émettant des doutes sur l'aptitude de l'intéressé à faire face à sa charge de travail en raison de ses problèmes de santé. Dans une note du 23 janvier 2015, sa supérieure hiérarchique indique que " s'il n'y a aucun doute pour sa titularisation quant à ses compétences et à la qualité de son travail, on peut malheureusement s'interroger à plus long terme sur la compatibilité de son état de santé avec le rythme de travail imposé par le poste ". Dans une note du 15 juin 2015, il est rappelé que des aménagements ont été effectués pour tenir compte des problèmes de santé de M. A... mais que si une adaptation du poste devait intervenir " toute l'organisation administrative et de programmation de la Passerelle (...) serait [remise] en cause ". Ainsi, et compte tenu des appréciations sur la qualité de son travail rappelées ci-dessus, du faible niveau de responsabilité afférent à son cadre d'emploi et du fait qu'il avait exercé préalablement des fonctions d'un grade supérieur dans ce même service durant 7 années, et en dépit des reproches formulés à l'encontre de cet agent, le maire de la commune de Fleury-Les-Aubrais a fait une inexacte application des dispositions mentionnées au point 2 en prononçant, par la décision attaquée, le licenciement de M. A....

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Fleury-les-Aubrais de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Fleury-les-Aubrais le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 19 décembre 2017 ainsi que la décision de la maire de Fleury-les-Aubrais du 28 janvier 2016 prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. A... sont annulés.

Article 2 : La commune de Fleury-les-Aubrais versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Fleury-les-Aubrais tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la commune de Fleury-les-Aubrais et au défenseur des droits.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00598
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL OMNIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-12-17;18nt00598 ?
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