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10/12/2019 | FRANCE | N°18NT02716

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 décembre 2019, 18NT02716


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L... U..., M. V... U..., M. O... U..., Mme P... J..., Mme I... Z..., M. X... U..., M. E... T..., Mme K... U... et Mme N... T... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay à leur verser des indemnités d'un montant total de 1 475 000 euros, augmentées des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis par eux consécutivement aux dommages occasionnés par la

tempête " Xynthia ", survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010.

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L... U..., M. V... U..., M. O... U..., Mme P... J..., Mme I... Z..., M. X... U..., M. E... T..., Mme K... U... et Mme N... T... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay à leur verser des indemnités d'un montant total de 1 475 000 euros, augmentées des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis par eux consécutivement aux dommages occasionnés par la tempête " Xynthia ", survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010.

Par un jugement n° 1504917, 1700542 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la condamnation in solidum de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la Vallée du Lay à verser la somme de 20 000 euros à la succession de Mme H... U..., la somme de 20 000 euros à la succession de M. Q... U..., la somme de 12 000 euros à M. L... U..., la somme de 12 000 euros à M. V... U..., la somme de 12 000 euros à M. O... U..., la somme de 6 500 euros à Mme I... Z..., la somme de 6 500 euros à Mme P... J..., la somme de 6 500 euros à M. E... T..., la somme de 6 500 euros à M. X... U..., la somme de 3 000 euros à Mme K... U... et la somme de 3 000 euros à Mme N... T..., chacune de ces sommes étant assorties des intérêts légaux avec capitalisation.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018 sous le n° 18NT02716 et un mémoire, enregistré le 26 octobre 2018, la commune de la Faute-sur-Mer, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... devant le tribunal administratif de Nantes ou, à défaut, de condamner, le cas échéant solidairement, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay à la garantir intégralement de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre.

Elle soutient que :

-

- à titre principal, la demande de première instance était tardive ;

- à titre subsidiaire, sont seules susceptibles d'être engagées la responsabilité de l'association syndicale de la Vallée du Lay, laquelle n'apporte pas la preuve d'un entretien normal de la digue et celle de l'Etat, lequel a commis plusieurs fautes, tant dans la conduite des politiques de prévention et l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation que dans sa mission de conseil dans l'instruction des demandes de permis du construire ; l'Etat et l'association devront en conséquence être solidairement condamnés à la garantir intégralement ;

- elle n'entend pas remettre en cause le montant des sommes allouées aux victimes ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2019, l'association syndicale de la Vallée du Lay, représentée par Me R..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, de réformer le jugement attaqué en tant, d'une part, qu'il la condamne in solidum avec l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer à indemniser les préjudices subis par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... et, d'autre part, qu'il la condamne à garantir l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer à hauteur de 15 % de la condamnation prononcée ; à titre subsidiaire, de condamner, d'une part, la société MMA Iard et, d'autre part, la commune de la Faute-sur-Mer et l'Etat à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de la Faute-sur-Mer et de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la tempête Xynthia revêt le caractère d'un cas de force majeure ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas été mise en cause dans l'instance pénale ni même été appelée en responsabilité par les victimes, d'autre part, qu'elle n'a nullement manqué à son obligation d'entretien de la digue, ouvrage dont elle n'est ni propriétaire ni gestionnaire, la seule obligation d'entretien lui incombant ne pouvant s'étendre à la conception et la réalisation de travaux ayant pour objet de modifier les caractéristiques et, enfin, qu'elle n'était pas concernée par le programme de travaux de renforcement de la digue Est ;

- subsidiairement, elle doit être garantie par son assureur, la société MMA Iard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, M. L... U..., M. V... U..., M. O... U..., Mme P... J..., Mme I... Z..., M. X... U..., M. E... T..., Mme K... U... et Mme N... T..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes et porter la somme à laquelle la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay ont été condamnés à leur verser à 1 499 999 euros, à parfaire et d'augmenter cette somme des intérêts légaux avec capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la Vallée du Lay une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- leur demande de première instance n'était pas tardive ;

- l'étendue des préjudices doit être plus justement appréciée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, la Société mutuelle assurances des collectivités locales (SMACL Assurances), représentée par Me D..., demande à la cour de faire droit aux conclusions d'appel de la commune de la Faute-sur-Mer.

Elle indique se rapporter à ses écritures présentées devant le tribunal.

La clôture de l'instruction est intervenue le 11 mars 2019 en application d'une ordonnance prise le même jour sur le fondement des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté par la société MMA Iard, représentée par Me M..., a été enregistré le 14 novembre 2019.

II - Par une requête, enregistrée le 8 août 2018 sous le n° 18NT03094, et un mémoire, enregistré le 5 février 2019, l'association syndicale de la Vallée du Lay, représentée par Me R..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 en tant, d'une part, qu'il la condamne in solidum avec l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer à indemniser les préjudices subis par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... et, d'autre part, qu'il la condamne à garantir l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer à hauteur de 15 % de la condamnation prononcée ;

2°) de condamner, d'une part, la société MMA Iard et, d'autre part, la commune de la Faute-sur-Mer et l'Etat à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de la Faute-sur-Mer et de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la tempête Xynthia revêt le caractère d'un cas de force majeure ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas été mise en cause dans l'instance pénale ni même été appelée en responsabilité par les victimes, d'autre part, qu'elle n'a nullement manqué à son obligation d'entretien de la digue, ouvrage dont elle n'est ni propriétaire ni gestionnaire, la seule obligation d'entretien lui incombant ne pouvant s'étendre à la conception et la réalisation de travaux ayant pour objet d'en modifier les caractéristiques et, enfin, qu'elle n'était pas concernée par le programme de travaux de renforcement de la digue Est ;

- subsidiairement, elle doit être garantie par son assureur, la société MMA Iard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2018, la commune de la Faute-sur-Mer, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 et rejeter les demandes présentées par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... devant le tribunal administratif de Nantes ou, à défaut, condamner, le cas échéant solidairement, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay à la garantir intégralement de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie à son encontre.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable ;

- sont seules susceptibles d'être engagées la responsabilité de l'association syndicale de la Vallée du Lay, laquelle n'apporte pas la preuve d'un entretien normal de la digue et celle de l'Etat, lequel a commis plusieurs fautes, tant dans la conduite des politiques de prévention et l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation que dans sa mission de conseil dans l'instruction des demandes de permis du construire ; l'Etat et l'association devront en conséquence être solidairement condamnés à la garantir intégralement ;

- les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices indemnisables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, M. L... U..., M. V... U..., M. O... U..., Mme P... J..., Mme I... Z..., M. X... U..., M. E... T..., Mme K... U... et Mme N... T..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes et porter la somme à laquelle la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay ont été condamnés à leur verser à 1 499 999 euros, à parfaire et d'augmenter cette somme des intérêts légaux avec capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la Vallée du Lay une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- leur demande de première instance n'était pas tardive ;

- l'étendue des préjudices doit être plus justement appréciée.

Par une mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, la Société mutuelle assurances des collectivités locales (SMACL Assurances), représentée par Me D..., demande à la cour de faire droit aux conclusions d'appel incident de la commune de la Faute-sur-Mer.

Elle indique se rapporter à ses écritures présentées devant le tribunal.

La clôture de l'instruction est intervenue le 11 mars 2019 en application d'une ordonnance prise le même jour sur le fondement des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté par la société MMA Iard, représentée par Me M..., a été enregistré le 14 novembre 2019.

III - Par une requête, enregistrée le 29 août 2018 sous le n° 18NT003314, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 en tant qu'il condamne l'Etat in solidum avec la commune de la Faute-sur-Mer et l'association syndicale de la Vallée du Lay à indemniser les préjudices subis par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... et, d'autre part, qu'il condamne l'Etat à garantir la commune de la Faute-sur-Mer et l'association syndicale de la Vallée du Lay à hauteur de 35 % de la condamnation prononcée ;

2°) de rejeter la demande et les conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre.

Il soutient que :

- faute d'énoncer les considérations de fait sur lesquelles il s'est fondé pour juger que les données utilisées pour l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation étaient erronées, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

- les services de l'Etat n'ont commis aucune faute lourde ni même aucune faute dans l'exercice de leurs pouvoirs de tutelle ;

- le retard pris dans l'adoption du plan de prévention des risques d'inondation, à le supposer fautif, ne saurait entraîner l'engagement de la responsabilité de l'Etat dès lors que le préfet de la Vendée a informé tant les autorités communales que le public des risques d'inondation et du submersion marine pesant sur la commune de la Faute-sur-Mer et a, en outre, décidé, par son arrêté du 8 juin 2007, de rendre les dispositions du projet de plan immédiatement applicables aux demandes d'autorisation d'urbanisme ;

- la méthodologie et les valeurs retenues par le service pour l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation ne sont entachées d'aucune erreur fautive ;

- les fautes alléguées ne présentent pas de lien de causalité direct avec les dommages ;

- la responsabilité de l'Etat doit être écartée compte tenu de la particulière gravité des fautes commises par la commune de la Faute-sur-Mer.

Par un mémoire, enregistré le 26 octobre 2018, la commune de la Faute-sur-Mer, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 et rejeter les demandes présentées par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... devant le tribunal administratif de Nantes ou, à défaut, condamner, le cas échéant solidairement, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay à la garantir intégralement de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était tardive ;

- sont seules susceptibles d'être engagées la responsabilité de l'association syndicale de la Vallée du Lay, laquelle n'apporte pas la preuve d'un entretien normal de la digue et celle de l'Etat, lequel a commis plusieurs fautes, tant dans la conduite des politiques de prévention et l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation que dans sa mission de conseil dans l'instruction des demandes de permis du construire ; l'Etat et l'association devront en conséquence être solidairement condamnés à la garantir intégralement ;

- les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices indemnisables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2019, l'association syndicale de la Vallée du Lay, représentée par Me R..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 en tant, d'une part, qu'il la condamne in solidum avec l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer à indemniser les préjudices subis par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... et, d'autre part, qu'il la condamne à garantir l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer à hauteur de 15 % de la condamnation prononcée ; à titre subsidiaire, de condamner, d'une part, la société MMA Iard et, d'autre part, la commune de la Faute-sur-Mer et l'Etat à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de la Faute-sur-Mer et de l'Etat une somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la tempête Xynthia revêt le caractère d'un cas de force majeure ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas été mise en cause dans l'instance pénale ni même été appelée en responsabilité par les victimes, d'autre part, qu'elle n'a nullement manqué à son obligation d'entretien de la digue, ouvrage dont elle n'est ni propriétaire ni gestionnaire, la seule obligation d'entretien lui incombant ne pouvant s'étendre à la conception et la réalisation de travaux ayant pour objet d'en modifier les caractéristiques et, enfin, qu'elle n'était pas concernée par le programme de travaux de renforcement de la digue est ;

- subsidiairement, elle doit être garantie par son assureur, la société MMA Iard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, M. L... U..., M. V... U..., M. O... U..., Mme P... J..., Mme I... Z..., M. X... U..., M. E... T..., Mme K... U... et Mme N... T..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes et porter la somme à laquelle la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay ont été condamnés à leur verser à 1 499 999 euros, à parfaire et d'augmenter cette somme des intérêts légaux avec capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la Vallée du Lay une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- leur demande de première instance n'était pas tardive ;

- l'étendue des préjudices doit être plus justement appréciée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, la Société mutuelle assurances des collectivités locales (SMACL Assurances), représentée par Me D..., demande à la cour de faire droit aux conclusions d'appel incident de la commune de la Faute-sur-Mer.

Elle indique se rapporter à ses écritures présentées devant le tribunal.

IV- Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2018 sous le n° 18NT03407, M. L... U..., M. V... U..., M. O... U..., Mme P... J..., Mme I... Z..., M. X... U..., M. E... T..., Mme K... U... et Mme N... T..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes ;

2°) de porter la somme à laquelle la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay ont été condamnés à leur verser à 1 499 999 euros, à parfaire et d'augmenter cette somme des intérêts légaux avec capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la Vallée du Lay une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance n'était pas tardive ;

- l'étendue des préjudices subis a été insuffisamment évaluée par le tribunal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2018, la commune de la Faute-sur-Mer, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 et rejeter les demandes présentées par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... devant le tribunal administratif de Nantes ou, à défaut, condamner, le cas échéant solidairement, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay à la garantir intégralement de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était tardive ;

- sont seules susceptibles d'être engagées la responsabilité de l'association syndicale de la Vallée du Lay, laquelle n'apporte pas la preuve d'un entretien normal de la digue et celle de l'Etat, lequel a commis plusieurs fautes, tant dans la conduite des politiques de prévention et l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation que dans sa mission de conseil dans l'instruction des demandes de permis du construire ; l'Etat et l'association devront en conséquence être solidairement condamnés à la garantir intégralement ;

- les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices indemnisables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2019, l'association syndicale de la Vallée du Lay, représentée par Me R..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 en tant, d'une part, qu'il la condamne in solidum avec l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer à indemniser les préjudices subis par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... et, d'autre part, qu'il la condamne à garantir l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer à hauteur de 15 % de la condamnation prononcée ; à titre subsidiaire, de condamner, d'une part, la société MMA Iard et, d'autre part, la commune de la Faute-sur-Mer et l'Etat à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de la Faute-sur-Mer et de l'Etat une somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la tempête Xynthia revêt le caractère d'un cas de force majeure ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas été mise en cause dans l'instance pénale ni même été appelée en responsabilité par les victimes, d'autre part, qu'elle n'a nullement manqué à son obligation d'entretien de la digue, ouvrage dont elle n'est ni propriétaire ni gestionnaire, la seule obligation d'entretien lui incombant ne pouvant s'étendre à la conception et la réalisation de travaux ayant pour objet d'en modifier les caractéristiques et, enfin, qu'elle n'était pas concernée par le programme de travaux de renforcement de la digue est ;

- subsidiairement, elle doit être garantie par son assureur, la société MMA Iard.

Par mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, la Société mutuelle assurances des collectivités locales (SMACL Assurances), représentée par Me D..., demande à la cour de faire droit aux conclusions d'appel incident de la commune de la Faute-sur-Mer.

Elle indique se rapporter à ses écritures présentées devant le tribunal.

La clôture de l'instruction est intervenue le 11 mars 2019 en application d'une ordonnance prise le même jour sur le fondement des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté par la société MMA Iard, représentée par Me M..., a été enregistré le 15 novembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme S...,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- les observations de Me AA..., substituant Me F... et représentant les consorts U..., Mme Z..., Mme J... et M. et Mme T..., les observations de Me G..., représentant la commune de la Faute-sur-Mer, les observations de Me R..., représentant l'association syndicale de la Vallée du Lay, les observations de Me D... représentant la Société mutuelle assurances des collectivités locales et les observations de Me W..., substituant Me B... et représentant la société MMA Iard.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de la nuit du 27 au 28 février 2010, une partie du territoire de la commune de la Faute-sur-Mer, dans laquelle se situait notamment la maison de M. et Mme Q... et Muriel U..., a été inondée consécutivement à la survenance de la tempête " Xynthia " et à la submersion de l'ouvrage de protection dénommé digue Est. Par des demandes, enregistrées sous les numéros 1504917 et 1700542, M. L... U..., M. V... U..., M. O... U..., Mme P... J..., Mme I... Z..., M. X... U..., M. E... T..., Mme K... U... et Mme N... T... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL) à leur verser une somme totale de 1 475 000 euros. Par un jugement n° 1504917-1700542, le tribunal administratif de Nantes a condamné in solidum la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'ASVL à verser la somme de 20 000 euros à la succession de Mme H... U..., la somme de 20 000 euros à la succession de M. Q... U..., la somme de 12 000 euros à M. L... U..., la somme de 12 000 euros à M. V... U..., la somme de 12 000 euros à M. O... U..., la somme de 6 500 euros à Mme I... Z..., la somme de 6 500 euros à Mme P... J..., la somme de 6 500 euros à M. E... T..., la somme de 6 500 euros à M. X... U..., la somme de 3 000 euros à Mme K... U... et la somme de 3 000 euros à Mme N... T..., sommes assorties des intérêts légaux avec capitalisation. Les parties en cause relèvent appel de ce jugement. La commune de la Faute-sur-Mer et l'ASVL, d'une part, les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T..., d'autre part, forment un appel incident à l'encontre de ce jugement en tant respectivement qu'il les a condamnées à indemniser ces derniers et qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes.

2. Les requêtes, enregistrées sous les numéros 18NT02716, 18NT03094, 18NT03314 et 18NT03407 introduites respectivement par la commune de la Faute-sur-Mer, l'ASVL, l'Etat et les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

3. La SMACL assurances soutient que, eu égard au caractère personnel des fautes commises par M. Y..., maire de La Faute-sur-Mer, et par Mme C..., sa première adjointe, lesquelles seraient détachables du service, seule la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de l'action en réparation des préjudices découlant de ces fautes.

4. Présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire, des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche, ni la qualification retenue par le juge pénal, ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé ne suffisent, par eux-mêmes, à regarder la Faute commise par celui-ci comme étant détachable des fonctions, ou dépourvue de tout lien avec elle.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'appréciation portée sur les faits commis par M. Y... et Mme C... par la cour d'appel de Poitiers dans son arrêt du 4 avril 2016, que les fautes reprochées aux intéressés, commises dans le cadre de l'exercice des pouvoirs et prérogatives conférés par leur mandat électif n'ont pas été motivées par des préoccupations d'ordre essentiellement privé et ne révèlent pas, en elles-mêmes, un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice d'un mandat électif. En outre, en dépit de la gravité de leurs conséquences, les fautes reprochées ne procédaient pas d'une intention d'exposer sciemment au danger les habitants de la commune de La-Faute-sur-Mer. Dans ces conditions, elles ne peuvent être regardées comme détachables du service. Par suite, le moyen de la SMACL Assurances tiré de ce que le tribunal administratif de Nantes a retenu à tort la compétence de la juridiction administrative doit être écarté.

En ce qui concerne la motivation du jugement attaqué :

6. Le ministre de la transition écologique et solidaire soutient que le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'appréciation des fautes commises par lui au titre de l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) dans la mesure où les éléments factuels mentionnés dans le jugement ne sont pas de nature à établir que les données utilisées pour établir ce document auraient été erronées. Il ressort, toutefois, des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont relaté avec précision les conditions dans lesquelles le PPRI avait été élaboré et en particulier les carences devant être constatées tant de la part de la commune de la Faute-sur-Mer que de l'Etat. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté. En outre, à les supposer erronés, les motifs sur lesquels le tribunal s'est fondé pour considérer que les données de référence utilisées pour établir le PPRI étaient entachées d'erreur ont trait au bien-fondé du jugement et ne sont pas susceptibles d'en affecter la régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

7. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". L'article R. 421-5 du même code prévoit que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés ainsi que les voies de recours dans la notification de la décision ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 612-1 de ce code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) ".

8. Le maire de la Faute-sur-Mer a rejeté la demande indemnitaire présentée par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... par un courrier du 19 janvier 2015 mentionnant les voies et délais de recours ouverts contre cette décision de rejet. Le 16 mars 2015, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois, les intéressés ont formé devant le maire un recours administratif tendant au retrait de sa décision du 19 janvier 2015. Ce recours a ainsi eu pour effet de proroger le délai de saisine de la juridiction. Le rejet par le maire, le 25 mars 2015, de ce recours a été reçu par le conseil des demandeurs le 1er avril suivant. Le 26 mai 2015, soit dans le délai de recours contentieux, ces derniers, ainsi que diverses autres victimes des inondations de la Faute-sur-Mer, ont par une requête collective qui a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes sous le n° 1504374 introduit une requête aux fins d'indemnisation des préjudices dont chacun d'entre eux a été victime. La recevabilité d'une telle demande présentée conjointement par des demandeurs à l'encontre de décisions les concernant individuellement est subordonnée à la condition que la solution du litige ne nécessite pas un examen distinct de la situation de chacun. En conséquence, le tribunal a, le 1er juin 2015, invité les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... à régulariser leur demande dans un délai de quinze jours. Une demande propre à ces derniers a été enregistrée le 11 juin 2015, dans le délai imparti. Cette régularisation ne saurait s'analyser comme une nouvelle demande. Dans ces conditions, la demande de première instance introduite le 26 mai 2015 puis régularisée le 11 juin 2015 ne peut être regardée comme tardive. La fin de non-recevoir opposée par la commune de la Faute-sur-Mer et par la SMACL Assurances doit, dès lors, être écartée.

En ce qui concerne l'exception de force majeure :

9. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a rappelé la cour d'appel de Poitiers dans son arrêt du 4 avril 2016, que si, selon les experts missionnés après la tempête, la probabilité pour que la concomitance d'une forte dépression atmosphérique, de vents violents et d'un coefficient de marée élevé soit réunie était de 0,5 pour mille sur un an, correspondant à un temps de retour de 2 000 ans et que la probabilité pour une personne de 78 ans de rencontrer ce phénomène était d'environ 4 %, les experts ont ajouté qu'il s'agissait d'" une probabilité loin d'être négligeable ". Par ailleurs, la commune de la Faute-sur-Mer avait connu depuis 1882 des tempêtes majeures, dont la force était, pour celles de décembre 1999 et de janvier 2009 supérieure à celle de " Xynthia ". En outre, le dossier départemental sur les risques majeurs, établi en 1995 par le préfet de la Vendée et transmis à la commune, indiquait qu'elle était la seule commune du département à être soumise à trois risques majeurs naturels, l'inondation terrestre, l'inondation maritime et les feux de forêt. L'atlas de submersion marine adressé par le préfet le 30 septembre 2002 aux 38 communes littorales, montrait que la digue Est de la commune de la Faute-sur-Mer était bordée sur 50 m de large par une zone d'aléa fort avec un risque de submersion supérieure à 1 mètre ou avec une vitesse d'écoulement supérieure à 0,5 mètre par seconde. De plus, de précédentes submersions marines sont survenues en 1928, 1940, 1941, 1960 et 1989.

10. Enfin, le diagnostic technique de la digue Est, réalisé en juillet 2006 par le cabinet SCE à la suite de l'arrêté de classement de la digue du 7 juillet 2005, faisait état de la nécessité d'un dispositif d'alerte et de vigilance pour traiter les situations de crise en cas de conjonction d'une dépression et d'une forte marée et relevait en particulier que les secteurs D et E étaient les plus fragiles.

11. Dans ces conditions, les conséquences de l'association exceptionnelle de ces phénomènes de grande intensité ne peuvent être regardées comme présentant, sur le territoire de la commune de la Faute-sur-Mer, un caractère imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure de nature à exonérer la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'ASVL de leur responsabilité respective.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune de la Faute-sur-Mer :

12. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement.

13. La digue Est a été édifiée durant la seconde moitié du XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle pour protéger des terres agricoles exploitées sur la presqu'île sablonneuse initialement rattachée à la commune de la Tranche-sur-mer avant de devenir la commune de la Faute-sur-Mer en 1953. Jusqu'à la tempête " Xynthia ", les habitations construites à l'abri de cette digue en ont tiré un avantage en ce qu'elle les protégeait des tempêtes et des risques de submersion marine. Les occupants de ces habitations ne peuvent dès lors être qualifiés de tiers par rapport à cet ouvrage. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté la responsabilité sans faute de la commune.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune de la Faute-sur-Mer :

S'agissant des travaux à réaliser sur la digue Est :

14. Par un arrêté du 7 juillet 2005, le préfet de la Vendée a classé la digue Est de la Faute-sur-Mer comme intéressant la sécurité civile " compte tenu de l'impact sur la sécurité des personnes qu'est susceptible d'entraîner sa rupture ou son dysfonctionnement ". Cet arrêté mettait à la charge du propriétaire de la digue, l'organisation, dans un délai maximal d'un an, " d'une étude permettant de déterminer la durée de retour des risques de surverse et analysant le fonctionnement de l'ouvrage selon divers scénarios " et d'" une étude appuyée notamment sur un diagnostic approfondi permettant d'apprécier les faiblesses de l'ouvrage et de définir les travaux nécessaires à sa remise en état et à son entretien ". Lors de la tempête Xynthia, la commune de la Faute-sur-Mer n'était, il est vrai, pas propriétaire de la digue Est, laquelle appartenait à l'association syndicale des Marais de la Faute-sur-Mer dont les moyens matériels, humains et financiers extrêmement limités ne lui permettaient toutefois de réaliser ni ces études, ni les travaux qui devaient en résulter. Sa dissolution était d'ailleurs envisagée depuis 1994, en vue d'un transfert de propriété de l'ouvrage à la commune de la Faute-sur-Mer.

15. Il résulte de l'instruction que la commune, qui disposait de l'appui technique et financier de l'Etat, a fait réaliser un premier diagnostic par le cabinet SCE, lequel a remis son rapport définitif en septembre 2006 faisant ressortir que la portion de la digue Est couvrant les zones urbanisées était très largement classée en zone de vulnérabilité forte. Une seconde étude a été confiée au cabinet Egis Eau pour déterminer les travaux à réaliser et constituer les dossiers de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Ce rapport a été déposé en septembre 2008 et faisait état de la nécessité de procéder à des travaux de relèvement de la hauteur de la digue Est.

16. Il résulte également de l'instruction que, dans le cadre d'un protocole d'accord conclu entre l'association syndicale autorisée propriétaire de la digue Est, l'ASVL et la commune de la Faute-sur-Mer, dont les termes ont été approuvés par délibérations du comité syndical de l'ASVL et du conseil municipal de la Faute-sur-Mer intervenues, respectivement, le 31 mai 2007 et le 26 septembre 2007, la propriété de la digue Est devait, par suite de la dissolution à intervenir, être transférée à la commune, l'ASVL devant alors prendre en charge des travaux d'entretien et de confortement de cet ouvrage. Il résulte encore de l'instruction que la commune de La Faute-sur-Mer a décidé de faire réaliser ces travaux et a déposé à cette fin, le 14 septembre 2008, une demande d'autorisation de travaux sur les secteurs E à H de la digue Est. Alors qu'elle a obtenu, par arrêté du préfet de la Vendée du 4 août 2009, l'autorisation d'exécuter les travaux d'exhaussement de la digue en ces secteurs, la commune avait, à la date du sinistre seulement débuté l'exécution de ces travaux, lesquels n'étaient ainsi pas achevés au jour du sinistre Ceux-ci n'ont, de surcroît, concerné que les seuls secteurs E et H de la digue alors notamment que le secteur D présentait des risques similaires.

17. Il suit de là qu'en dépit de l'absence, à la date du sinistre, d'un transfert effectif de propriété de la digue Est à la commune de la Faute-sur-Mer, cette dernière qui avait reçu des subventions de l'Etat à hauteur de 80 % des dépenses prévues et à laquelle avait été délivrée l'autorisation de réaliser les travaux, devait être regardée comme le maître d'ouvrage des travaux de rehaussement de la digue dont les riverains bénéficiaient en leur qualité d'usagers de cet ouvrage. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu sa responsabilité sur ce fondement juridique.

S'agissant de l'élaboration des plans et documents d'information :

18. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date du fait générateur du dommage : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...) les inondations (...) ou autres accidents naturels (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". Aux termes du III de l'article R. 125-11 du code de l'environnement, dans sa version applicable : " Le document d'information communal sur les risques majeurs reprend les informations transmises par le préfet. Il indique les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde répondant aux risques majeurs susceptibles d'affecter la commune. Ces mesures comprennent, en tant que de besoin, les consignes de sécurité devant être mises en oeuvre en cas de réalisation du risque. / (...) / Le maire fait connaître au public l'existence du document d'information communal sur les risques majeurs par un avis affiché à la mairie pendant deux mois au moins. / Le document d'information communal sur les risques majeurs et les documents mentionnés à l'article R. 125-10 sont consultables sans frais à la mairie. ". Aux termes de l'article 13 de la loi du 13 août 2004, alors en vigueur : " Le plan communal de sauvegarde regroupe l'ensemble des documents de compétence communale contribuant à l'information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l'organisation nécessaire à la diffusion de l'alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et de soutien de la population. Il peut désigner l'adjoint au maire ou le conseiller municipal chargé des questions de sécurité civile. Il doit être compatible avec les plans d'organisation des secours arrêtés en application des dispositions de l'article 14. / Il est obligatoire dans les communes dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou comprises dans le champ d'application d'un plan particulier d'intervention. Le plan communal de sauvegarde est arrêté par le maire de la commune (...) : La mise en oeuvre du plan communal ou intercommunal de sauvegarde relève de chaque maire sur le territoire de sa commune (...) ".

19. Si, au regard des dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 13 août 2004, la commune de la Faute-sur-Mer n'était pas tenue d'élaborer un plan communal de sauvegarde, le plan de prévention des risques d'inondation prescrit le 29 novembre 2001 n'étant pas approuvé, il résulte de l'instruction que, au cours d'une réunion qui a eu lieu le 11 mars 2003 en mairie avec les services de l'Etat, un compromis a été trouvé. En contrepartie de la réduction de la zone d'inconstructibilité des parcelles soumises à un risque d'inondation, la commune s'était engagée à établir un plan de secours. Par ailleurs, le 22 octobre 2007, le préfet a adressé aux maires une circulaire rappelant les obligations des communes en matière d'information au regard de l'établissement du dossier d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM) et du plan communal de sauvegarde (PCS). Un canevas de PCS était proposé aux communes sur le site intranet de la préfecture ainsi qu'une assistance technique par les différents services de l'Etat.

20. Il est constant qu'à la date de la tempête, non seulement le plan de prévention des risques d'inondation dont l'élaboration était confiée aux services de l'Etat n'était pas approuvé, en raison notamment de la pression des élus de la Faute-sur-Mer, mais qu'en outre, la commune n'avait réalisé ni DICRIM, ni PCS. De plus, la commune établit ni avoir informé, par d'autres moyens, ses administrés sur les risques encourus, ni mis en place une quelconque organisation des secours en cas d'inondation. Si elle soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre ces manquements et les dommages, il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, que l'action des pompiers a été " entravée par le fait qu'ils ne disposaient pas d'informations suffisantes sur la situation réelle ni de consignes précises sur l'organisation des secours, à défaut de tout plan de secours communal prévisionnel ". Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la commune avait ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de la délivrance de permis de construire :

21. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent, et pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, le cas échéant, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer ainsi qu'en pareil cas, la probabilité de rupture ou de submersion de cet ouvrage au regard de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion.

22. Il résulte de l'instruction que le territoire de la commune de la Faute-sur-Mer a connu plusieurs épisodes de submersion marine, notamment, en mars 1928, en novembre 1940, en février 1941, ainsi qu'en octobre et novembre 1960. Le caractère insuffisant de la protection contre les eaux assurée par la digue Est n'a été révélé qu'en juillet 2006, date de réalisation d'un diagnostic en application des dispositions de l'arrêté du 7 juillet 2005 pris par le préfet de la Vendée classant cette digue au nombre des ouvrages intéressant la sécurité civile, notamment dans les secteurs où se trouvaient des habitations occupées lors de la tempête. Il ne résulte pas de l'instruction, faute de précision quant à la date à laquelle a été délivré le permis de construire la maison que louaient M. et Mme Q... et Muriel U... depuis le 1er décembre 2008 que ce permis aurait été délivré postérieurement à la production du diagnostic mentionné ci-dessus ni, par suite, qu'il aurait été entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :

S'agissant de l'exercice de la tutelle sur l'ASVL :

23. D'une part, il résulte de l'instruction que la digue Est était, au moment de la tempête Xynthia, la propriété de l'association syndicale autorisée des Marais de la Faute (ASMF) dite des Chauveau fondée en 1863. Ses statuts ont été modifiés d'office le 24 novembre 2008 par le préfet de la Vendée afin de les mettre en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et le décret du 3 mai 2006 portant application de cette ordonnance. Selon l'article 4 de ces statuts, l'association a pour objet : " la prévention contre les risques naturels, l'aménagement et l'entretien des cours d'eau, voies et réseaux divers ". Cet article précise en outre que " dans ce cadre, l'association a pour mission l'entretien, le renforcement et l'exhaussement des digues établies ou à établir pour la conservation des terrains inclus dans le périmètre de l'association ". L'article 21 de ces mêmes statuts prévoit par ailleurs que " L'association syndicale autorisée est propriétaire des ouvrages qu'elle réalise en qualité de maître d'ouvrage dans le cadre de son objet statutaire et, à ce titre, en assure l'entretien. Cet entretien pourra être délégué par convention avec des organismes compétents. Cependant l'entretien, le terrassement, le renforcement et l'exhaussement des digues de la rive droite du Lay Maritime situées sur le territoire de la commune de la Faute-sur-Mer assimilées à des ouvrages de défense contre la mer sont assurés par l'Association syndicale autorisée dite " Vallée du Lay ".

24. D'autre part, les statuts de l'ASVL, créée en 1931 et couvrant une zone géographique plus large que l'ASMF, ont également été mis à jour le 12 mars 2008. En vertu de l'article 4 de ses statuts : " L'association a pour but l'entretien des ouvrages et l'exécution des travaux en cours ou à entreprendre pour prévenir des graves dangers qu'une rupture du littoral sur le périmètre dont le tracé figure en rouge sur la carte ci-jointe et l'invasion de la mer qui en serait la conséquence feraient courir aux terrains désignés à l'article premier ci-dessus et situés soit sur la rive droite soit sur la rive gauche du Lay entre la côte et le canal du Luçon inclusion faite de la digue Est de La Faute-sur-Mer. ". Il est également prévu que, pour lutter contre les inondations " En outre, l'association pourra exécuter à l'intérieur de son périmètre tous travaux d'intérêt général de défense contre les inondations. L'association pourra avoir recours à tous moyens adaptés ". Ces statuts précisent enfin, au dernier aliéna de leur article 4, que " A titre ponctuel et marginal, l'association pourra accomplir certaines activités accessoires contribuant à l'accomplissement de son objet principal ou qui en sont le complément naturel. ".

25. Aux termes de l'article 30 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 mentionnée au point 23 : " L'autorité administrative peut, après mise en demeure de l'association syndicale autorisée restée sans effet dans un délai qu'elle détermine : / 1° Faire procéder d'office, aux frais de l'association, à l'accomplissement des opérations correspondant à son objet, dans le cas où la carence de l'association nuirait gravement à l'intérêt public ; / 2° Constater que l'importance des ouvrages ou des travaux à réaliser excède les capacités de l'association. / Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent décider, dans des conditions définies par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 62, de se substituer, en tout ou partie, à l'association dans ses droits et obligations ". Aux termes de l'article 49 du décret susvisé du 3 mai 2006 : " Dans le cas où une association syndicale autorisée interrompt ou laisse sans entretien les travaux entrepris par elle, le préfet fait procéder, par le service compétent, à une vérification de l'état des lieux. / S'il ressort de cette vérification que l'interruption ou le défaut d'entretien peut nuire gravement à l'intérêt public, le préfet indique au syndicat les travaux jugés nécessaires pour pallier ces conséquences et le met en demeure de les exécuter. / Le préfet assigne au syndicat, dans cette mise en demeure, un délai suffisant pour procéder à l'exécution des travaux. Faute pour le syndicat de se conformer à cette injonction, le préfet ordonne l'exécution d'office aux frais de l'association et désigne, pour la diriger et la surveiller, un agent chargé de suppléer le président du syndicat. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 50 du même décret : " Dans le cas où le préfet constate, après mise en demeure de l'association, que l'importance des ouvrages ou des travaux à réaliser dans l'intérêt public excède les capacités de l'association sans que cela remette en cause de manière définitive sa capacité à réaliser son objet, il peut décider, par arrêté, de substituer en tout ou partie à l'association l'Etat ou, sur leur demande, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales. Cette substitution ne peut intervenir que pour une durée déterminée (...) ".

26. Hors le cas où il s'est substitué à une association syndicale autorisée défaillante, la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables du fonctionnement défectueux des ouvrages publics dont cette association est propriétaire ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde dans l'exercice de ses pouvoirs de tutelle sur cette association, qui a le caractère d'un établissement public.

27. L'arrêté du 7 juillet 2005 classant la digue Est de la Faute-sur-Mer comme ayant un intérêt pour la sécurité publique a imposé au propriétaire de la digue de réaliser dans un délai d'un an " une étude permettant de déterminer la durée de retour des risques de surverse et analysant le fonctionnement de l'ouvrage selon divers scénarios " et " une étude appuyée notamment sur un diagnostic approfondi permettant d'apprécier les faiblesses de l'ouvrage et de définir les travaux nécessaires à sa remise en état et à son entretien ". En l'espèce, l'Etat ne pouvait ignorer que l'ASMF, propriétaire de la digue, ne disposait d'aucun moyen en personnel et en matériel, que son budget provenant des redevances annuelles n'excédait pas 30 000 euros et que sa dissolution avait été envisagée dès 1994. En dépit du caractère urgent des travaux de rehaussement de la digue, rappelé dans l'étude réalisée par le cabinet SCE en septembre 2006, l'Etat n'a procédé d'office à une mise en conformité des statuts de l'ASMF que le 24 novembre 2008 alors que les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004 modifiée par la loi du 30 décembre 2006 avaient été précisées par un décret du 3 mai 2006. Par ailleurs, le rôle respectif des deux associations syndicales autorisées ne ressortait pas clairement de leurs statuts qui tous deux, prévoyaient des interventions sur la digue Est. Il a fallu attendre le mois de septembre 2008 pour que la commune de la Faute-sur-Mer, qui s'est substituée aux associations syndicales autorisées, dépose une demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau pour la réalisation de des travaux d'exhaussement.

28. Par ailleurs, le préfet ne peut mettre en demeure une association syndicale autorisée d'exécuter des travaux puis le cas échéant, faire procéder d'office à l'exécution de ces travaux que dans l'hypothèse où leur non-réalisation serait susceptible de nuire gravement à l'intérêt public. Il peut également décider de se substituer à cette association lorsque cette dernière n'est pas en mesure de réaliser des travaux d'intérêt public.

29. Il résulte de l'instruction que la commune de la Faute-sur-Mer a connu, depuis la fin du XIXème siècle, de nombreux épisodes de submersion marine. Les tempêtes Lothar et Martin, en particulier, ont été, en décembre 1999, à l'origine de phénomènes de submersion marine sur le littoral de la Vendée et de la Charente-Maritime. Le dossier départemental des risques majeurs établi par le préfet en 1995 mentionne notamment que la commune de la Faute-sur-Mer est soumise à trois risques naturels majeurs, à savoir les inondations terrestres, les inondations maritimes ainsi que les feux de forêt. L'atlas de submersion marine réalisé le 30 septembre 2002 par le cabinet Sogreah, pour le compte de la direction départementale de l'équipement, faisait notamment ressortir que la digue Est est bordée d'une zone d'aléa fort. Le 30 novembre 2003, le préfet appelait l'attention du maire sur une étude effectuée par le centre d'études technique maritime et fluvial préconisant une surveillance accrue de la digue Est compte tenu du risque de surverse. Alors même que l'établissement d'un plan de prévention des risques d'inondation a été prescrit par le préfet en novembre 2001, le compte rendu de la réunion ayant eu lieu en mars 2003 en mairie de la Faute-sur-Mer en vue de la finalisation de ce document, mentionne qu'il y avait, notamment, été conclu que la digue de protection devait avoir des caractéristiques dimensionnelles d'une crue centennale et faire l'objet d'un entretien pérenne et d'un contrôle périodique.

30. Dans ces conditions, compte tenu de la connaissance précise qu'avait le préfet de la gravité des risques susceptibles de découler des caractéristiques techniques de la digue Est et de son état d'entretien, en ne clarifiant pas les compétences des deux associations syndicales et en n'exerçant pas son pouvoir de tutelle afin de faire réaliser les travaux d'exhaussement, le plus rapidement possible, l'Etat a commis une faute lourde dans l'exercice de sa mission de tutelle de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation :

31. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...) ". Ces plans ont pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages et de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités.

32. L'existence et la gravité des risques d'inondation étaient connues depuis de nombreuses années, en particulier grâce aux études effectuées, en 2000 et 2002, par la Sogreah, laquelle avait rappelé les submersions déjà survenues et dressé un atlas des zones submersibles, ainsi que, en novembre 2002, par les services de la direction départementale de l'équipement, lesquels ont dressé une nouvelle carte des aléas. Le préfet avait, par ailleurs, classé la digue Est au titre de la sécurité civile le 7 juillet 2005. Si cette autorité a prescrit, par son arrêté du 29 novembre 2001, l'élaboration d'un PPRI, mis en oeuvre de manière anticipée, par son arrêté du 8 juin 2007, le projet de ce plan et engagé des négociations avec le maire de La Faute-sur-Mer à compter de 2009 aux fins de finaliser ce plan, il est constant qu'aucun PPRI n'avait été approuvé au jour de la tempête " Xynthia ".

33. En outre, il ressort du rapport établi en mai 2010 par la mission interministérielle sur la tempête " Xynthia " que le " PPR appliqué par anticipation depuis 2007, faisait, avant la tempête Xynthia, l'objet d'une actualisation datée de 2009 fixant l'aléa de référence à 3,90 NGF, inférieur au niveau de 4 m pris en compte pour le littoral vendéen en raison de l'influence moindre des houles océaniques sur l'élévation du niveau de l'eau dans l'estuaire du Lay ". La mission interministérielle en a déduit que cette assertion revêtait un caractère erroné. Ainsi, les services de l'Etat ont sous-évalué l'appréciation du risque de submersion et défini de manière insuffisamment précise et pertinente, dans le cadre du PPRI à intervenir, les zones inconstructibles et celles où, sous réserve de prescriptions particulières elles-mêmes minorées, la construction d'immeubles était envisageable.

34. Si le retard pris dans l'adoption du PPRI résulte essentiellement, ainsi qu'il ressort en particulier du relevé des conclusions d'une réunion ayant eu lieu le 11 mars 2003 en mairie de la Faute-sur-mer, des réticences de la commune à raison des restrictions aux possibilités de construire des habitations qu'un tel document entraînerait, l'absence d'établissement par l'Etat de ce plan et le recours à des données de référence erronées ayant contribué à minorer l'exposition au risque de submersion des terrains protégés par la digue Est, y compris en ce qui concerne les mesures de ce plan appliquées de manière anticipée, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

S'agissant de l'instruction et la délivrance de permis de construire :

35. Les services de l'Etat mis à la disposition des communes pour l'élaboration des documents d'urbanisme et l'instruction des demandes d'occupation des sols agissent en concertation permanente avec le maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées. La responsabilité de l'Etat ne peut être engagée à ce titre envers les communes que lorsqu'un de ses agents commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire. Il est constant que dès 1984 la commune de la Faute-sur-Mer avait conclu une convention avec les services de l'Etat en vue de leur confier l'instruction des permis de construire. A ce titre, la direction départementale de l'équipement assurait " l'ensemble de la procédure d'instruction (...) à compter du dépôt de la demande auprès de la commune jusqu'à la notification par le maire de sa décision, ainsi que le suivi des travaux ". Il ne résulte de l'instruction, en l'absence de précision quant à la date à laquelle a été délivré le permis de construire la maison qu'occupaient M. et Mme U... depuis 2008, ni que les services de l'Etat aient procédé à la délivrance de ce permis ni qu'ils aient refusé d'exécuter des ordres ou instructions du maire de la Faute-sur-Mer dans le cadre de l'instruction de la demande relative à cette autorisation. Par suite, la commune de la Faute-sur-Mer n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat aurait dû être retenue à raison de l'instruction des permis de construire que le maire a délivrés.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'ASVL :

36. Il ressort des stipulations statutaires citées au point 24 du présent arrêt que l'ASVL, alors même qu'elle n'avait pas la qualité de propriétaire de la digue Est, était chargée non seulement de son entretien courant mais également des travaux nécessaires à la protection des biens situés à proximité tels que ceux relatifs au rehaussement de la digue Est afin de prévenir de graves dangers d'inondation. Il résulte de l'instruction que si l'ASMF assurait la surveillance de l'état de l'ouvrage et son entretien courant comprenant le fauchage, la vérification des clapets, le nettoyage, le repérage et la réparation des renards hydrauliques ainsi que des fissurations, l'ASVL, qui employait deux salariés à temps plein, disposait toutefois d'engins et de matériels de gros-oeuvre et d'un budget plus conséquent que celui de l'ASMF, incluant des activités rémunérées de prestation de service et intervenait pour les travaux les plus importants. Si l'ASVL soutient qu'elle n'était ni propriétaire, ni maître d'ouvrage, ni gestionnaire de la digue Est et qu'elle ne pouvait intervenir sur cet ouvrage que sur demande des propriétaires, elle n'établit pas que ses actions devaient être soumises à une autorisation préalable de l'ASMF ou de la commune. Ni ses statuts, ni ceux de l'ASMF, ne le prévoyaient. En outre, si l'ASVL affirme qu'elle ne disposait pas des moyens financiers lui permettant de réaliser des travaux de renforcement de la digue, elle avait néanmoins le pouvoir de suggérer ces travaux tant à l'ASMF, qu'à la commune ou même à l'Etat. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait suffisamment appelé l'attention de ces acteurs locaux sur son incapacité à réaliser de tels travaux. Dans ces conditions, l'ASVL a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la faute des victimes :

37. Les carences de la commune en matière d'information de la population sur les risques d'inondations encourus ainsi que l'absence d'établissement par l'Etat, notamment, d'un plan de prévention des risques d'inondation, étaient de nature à conforter les victimes, eu égard à l'absence de mesures spécifiques, dans l'idée que les risques auxquels elles étaient exposées ne présentaient pas une menace réelle de sorte qu'elles étaient ainsi maintenues dans un sentiment illusoire de sécurité. Par suite, aucune faute exonératoire des victimes ne peut, en l'espèce, être retenue.

38. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner solidairement la commune de La Faute-sur-Mer, l'Etat et l'ASVL à réparer les préjudices subis par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T....

En ce qui concerne les préjudices :

39. Il résulte de l'instruction que M. et Mme Q... et Muriel U... ont, au cours de la nuit du 27 au 28 février 2010, fui leur domicile inondé. Ils sont parvenus à s'accrocher à un véhicule et une gouttière avant d'être finalement emportés par les courants d'eau et de succomber.

S'agissant du préjudice d'angoisse de mort subi par M. Q... U... et Mme H... U... :

40. Le droit à réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Le droit à réparation du préjudice résultant pour elle des souffrances morales qu'elle a éprouvées en prenant conscience de sa mort imminente et inéluctable constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers.

41. Compte tenu des circonstances, évoquées au point 39, dans lesquelles M. et Mme Q... et Muriel U... sont décédés, ces derniers n'ont pu que prendre conscience, avant leur décès, d'une mort imminente et inéluctable à l'origine de souffrances morales. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant à la somme de 20 000 euros les indemnités à verser à la succession de M. Q... U..., d'une part, et à la succession de Mme H... U..., d'autre part.

S'agissant de la douleur morale liée aux décès de M. Q... U... et Mme H... U... :

42. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. L... U..., M. V... U... et M. O... U..., fils de M. Q... U..., âgés respectivement de 28, 27 et 22 ans à la date de la tempête, ont subi un préjudice moral lié aux décès, survenus dans des conditions particulièrement douloureuses, de leur père et de leur belle-mère, dont ils n'ont eu la confirmation que le 2 mars 2010. Il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en fixant à 10 000 et 2 000 euros les indemnités auxquelles ils ont chacun droit au titre, respectivement, du décès de leur père et du décès de leur belle-mère.

43. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme P... J..., mère de M. Q... U..., et Mme I... Z..., mère de Mme H... U..., ont chacune subi un préjudice moral né des décès de leur enfant et du conjoint de celui-ci. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudices en les évaluant à, respectivement, 5 000 euros et 1 500 euros.

44. En troisième lieu, M. X... U... et Mme K... U..., frère et belle-soeur de M. Q... U... et M. E... T... et Mme N... T..., frère et belle-soeur de Mme H... U... ont subi un préjudice moral lié aux décès de M. Q... U... et de Mme H... U.... Il sera fait une juste appréciation des préjudices ainsi subis par M. X... U... et M. E... T... en les évaluant, pour chacun à 5 000 et 1 500 euros, pour chacun des décès. Il y a lieu de fixer les préjudices subis, chacune, par Mme K... U... et Mme N... T..., au titre des deux décès, à la somme de 3 000 euros.

En ce qui concerne le partage de responsabilité et les appels en garantie :

45. Eu égard à la gravité des fautes respectives de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'Etat et l'ASVL, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues par chacun d'eux en les fixant respectivement à 50 %, 35 % et 15 %. Il y a lieu, en conséquence, de confirmer, d'une part, la condamnation de la commune de la Faute-sur-Mer à garantir l'Etat et l'ASVL à hauteur de 50 % du montant de la condamnation solidaire, d'autre part, la condamnation de l'Etat à garantir la commune de la Faute-sur-Mer et l'ASVL à hauteur de 35 % du même montant et, enfin, la condamnation de l'ASVL à garantir la commune de la Faute-sur-Mer et l'Etat à hauteur de 15 %.

46. Il résulte des stipulations du contrat conclu entre l'ASVL et MMA Iard, lequel a pris effet au 1er janvier 2011, que si cette dernière garantit l'association pour des faits antérieurs à cette date, sont exclues de cette garantie les conséquences pécuniaires des sinistres dont l'assuré avait connaissance à la date de souscription de la garantie. En l'espèce, alors même que l'ASVL n'a pas été poursuivie pénalement, elle ne peut sérieusement soutenir avoir été dans l'ignorance des conséquences humaines et matérielles provoquées par la tempête Xynthia. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à être garantie par MMA Iard ne peuvent être accueillies.

47. Il résulte de tout ce qui précède que ni la commune de la Faute-sur-Mer, ni l'Etat, ni l'ASVL ni les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... ne sont fondés à demander l'annulation ou la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

48. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, d'une part, par l'ASVL et, d'autre part, par les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes respectives de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'ASVL, du ministre de la transition écologique et solidaire et des consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par la commune de la Faute-sur-Mer, l'ASVL et les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... ainsi que celles présentées par l'ASVL et les consorts U..., Mme J..., Mme Z... et M. et Mme T... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Faute-sur-Mer, l'association syndicale de la Vallée du Lay, le ministre de la transition écologique et solidaire, M. L... U..., M. V... U..., M. O... U..., Mme P... J..., Mme I... Z..., M. X... U..., M. E... T..., Mme K... U..., Mme N... T..., la société MMA IARD et la Société Mutuelle d'assurances des collectivités locales.

Copie en sera adressée au préfet de la Vendée et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, président,

M. A...'hirondel, premier conseiller,

Mme S..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.

Le rapporteur,

K. S...

Le président,

C. BRISSONLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 18NT02716, 18NT03094, 18NT03314, 18NT03407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02716
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-12-10;18nt02716 ?
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