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15/11/2019 | FRANCE | N°18NT03339

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 novembre 2019, 18NT03339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Haras du Mezeray a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012.

Par un jugement n° 1701883 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts (article 1er) et a rejeté le

surplus de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Haras du Mezeray a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012.

Par un jugement n° 1701883 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 septembre 2018 et 27 septembre 2019, la SA Haras du Mezeray, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son projet de recherche tendant à rendre des poulains plus compétitifs relève du développement expérimental ;

- pour chacun des sous-projets, au nombre de cinq, elle a procédé à l'analyse détaillée des aléas, des incertitudes scientifiques, des verrous technologiques, de la démarche expérimentale et des connaissances acquises ;

- les travaux de recherche ont porté sur l'influence des critères de sélection parentale, sur celle de l'itinéraire technique des paddocks, sur celle du rythme de débourrage, des caractéristiques de fin de débourrage et de l'âge du début d'effort et de course ; sur celle du régime alimentaire des poulains et des mères en période de gestation et sur celle de l'infiltration des cellules souches sur la guérison des tendons lésés ;

- les travaux ont pour objectif de lier génétique, conditions d'élevage et performance ;

- le rapprochement entre les résultats et les croisements effectués constituent un socle de connaissances nouvelles acquises grâce aux travaux menés dans le cadre de ce projet ; ce socle permet de fournir des éléments techniques de décisions afin d'améliorer la race chevaline dans son ensemble et surtout ses chevaux ;

- elle invoque le contenu des n° 70 et 310 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, du 12 septembre 2012 ;

- le projet est éligible au crédit impôt de recherche dans son ensemble ;

- il y a lieu de prendre en compte les dépenses relatives au personnels affectés au projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué et à la remise à la charge de la SA Haras du Mezeray.de la majoration pour manquement délibéré.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la SA Haras du Mezeray ne sont pas fondés ;

- la société requérante ne pouvait pas ignorer que, compte tenu de leurs caractéristiques, les opérations de recherche qu'elle déclarait au cours de plusieurs années successives pour obtenir le crédit impôt de recherche ne présentaient pas un objet de recherche.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SA Haras du Mezeray.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Haras du Mezeray, dont l'activité est l'élevage et le débourrage de chevaux de course ainsi que le pré-entraînement et le commerce de yearlings de race de pur-sang anglais, a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012. Par un jugement du 5 juillet 2018, le tribunal a déchargé la société des pénalités pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts (article 1er) et rejeté le surplus de sa demande (article 2). La SA Haras du Mezeray relève appel de l'article 2 du jugement. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation de l'article 1er de ce jugement et la remise à la charge de la société, en pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à concurrence du dégrèvement prononcé en exécution de ce jugement, soit la somme de 19 215 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". L'article 49 septies F de l'annexe III au même code dispose : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques.

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

4. Le projet en cause, subdivisé en cinq sous-projets, consiste à obtenir les meilleurs paramètres déterminant la qualité des poulains destinés à la compétition en début d'entraînement pour les rendre plus performants en étudiant et en prenant en compte l'influence des critères de sélection parentale, par le développement d'une méthode de calcul des indices génétiques à partir des résultats en épreuves sportives et le rassemblement de données, et l'influence de certaines conditions que sont l'entretien des paddocks, le rythme de débourrage des poulains, le régime alimentaire de ceux-ci et des juments pendant la gestation et les effets de l'infiltration de cellules souches sur la guérison des tendons lésés. Il résulte de l'instruction que ces travaux de recherche qualitative, qui consistent seulement à trouver les meilleures conditions compétitives des poulains, sont des améliorations ou des perfectionnements de techniques déjà existantes, dépourvues de caractère substantiel, et ne présentent pas le caractère d'opérations de développement expérimental. Dès lors, le projet ne constitue pas une opération de recherche entrant dans le champ d'application de l'article 244 quater B du code général des impôts. C'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice du crédit impôt de recherche restitué en 2013 au titre de 2012, au motif que ce projet n'avait pas le caractère de travaux de recherche au sens des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

5. La garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester l'établissement ou le rehaussement d'une imposition. Le refus de l'administration de faire droit à la demande de la SA Haras du Mezeray tendant au bénéfice d'un crédit d'impôt de recherche ne résulte pas de l'établissement ou du rehaussement d'une imposition. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des conditions d'éligibilité au crédit d'impôt de recherche prévues tant par les énonciations de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, no 70 du 12 septembre 2012, qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent jugement, que par le paragraphe 310 du BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 12 septembre 2012, qui au demeurant donne une définition des opérations constituant un projet de recherche et qui ne constitue pas de la loi une interprétation différente de celle dont il vient d'être fait application.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt que le moyen tiré du caractère éligible des dépenses de personnel est inopérant tant au regard de l'application de la loi fiscale que sur le fondement de son interprétation administrative.

7. Il résulte de ce qui précède que la SA Haras du Mezeray n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'appel incident du ministre :

8. Pour justifier l'application de la majoration prévue par ces dispositions, l'administration relève en appel, sans être contredite, que la société requérante savait que, compte tenu de leurs caractéristiques, notamment la collecte d'informations par constitution de bases de données et l'absence de mise en oeuvre scientifique ou technologique pour améliorer la qualité des pur-sang, les opérations de recherche qu'elle déclarait au cours de plusieurs années successives pour obtenir le crédit impôt de recherche ne présentaient pas un objet de recherche. Eu égard à ces éléments, et alors même que la société a obtenu le 23 avril 2013 la restitution du montant correspondant au crédit impôt de recherche litigieux, elle doit être regardée, d'une part, comme apportant la preuve de l'intention de la société d'obtenir indûment une restitution d'impôt et, par voie de conséquence, d'éluder l'impôt et, d'autre part, comme ayant suffisamment justifié l'application des pénalités prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé, par la voie d'un appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré appliquées, sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SA Haras du Mezeray a été assujettie au titre de l'exercice 2012.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à verser à la SA Haras du Mezeray au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Haras du Mezeray est rejetée.

Article 2 : Les pénalités dont la décharge a été prononcée par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Caen du 5 juillet 2018 sont remises à la charge de la SA Haras du Mezeray.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 5 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Haras du Mezeray et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2019.

Le rapporteur,

J.-E. C...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT03339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03339
Date de la décision : 15/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-15;18nt03339 ?
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