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15/11/2019 | FRANCE | N°18NT00972

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 novembre 2019, 18NT00972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Haras du Mezeray a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1601509 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts au titre des e

xercices clos en 2009, 2010 et 2011 (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande (articl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Haras du Mezeray a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1601509 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mars 2018 et 27 septembre 2019, la SA Haras du Mezeray, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de vérification du 28 janvier 2013 aurait dû viser la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 au cours de laquelle a été déposée la déclaration spéciale concernant le crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011 ; il méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales selon lesquelles un avis de vérification doit préciser les années soumises à vérification et celles de l'article L. 172 G du même livre qui prévoient que le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle du dépôt de la déclaration spéciale prévue pour le calcul de ce crédit d'impôt ;

- ses deux projets de recherche, tendant à rendre des poulains plus compétitifs, relèvent du développement expérimental ;

- en ce qui concerne le premier projet, il est fondé sur des calculs à partir des résultats en épreuves sportives et d'améliorer la prédiction d'un cheval gagnant à partir des données généalogiques ; elle a établi une base de données construite et structurée sous la forme d'un logiciel ;

- en ce qui concerne le second projet, il nécessite la mise au point d'un plan d'expérience permettant de déterminer quels sont les facteurs les plus influents au détriment de ceux qui peuvent être traités avec une moindre importance et établit des programmes au niveau de chaque facteur en vue de faire participer ces facteurs à l'amélioration globale ;

- des rapports de deux vétérinaires contredisent celui de l'expertise de la direction de la recherche et de la technologie ;

- elle invoque le contenu des n° 70 et 310 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, du 12 septembre 2012 ;

- le projet est éligible au crédit d'impôt recherche dans son ensemble ;

- il y a lieu de prendre en compte les dépenses relatives au personnels affectés au projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué et à la remise à la charge de la société des pénalités au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.

Il fait valoir que :

- les moyen soulevés par la SA Haras du Mezeray ne sont pas fondés ;

- la société requérante ne pouvait pas ignorer que, compte tenu de leurs caractéristiques, les opérations de recherche qu'elle déclarait au cours de plusieurs années successives pour obtenir le crédit d'impôt recherche ne présentaient pas un objet de recherche.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SA Haras du Mezeray.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Haras du Mezeray, dont l'activité est l'élevage et le débourrage de chevaux de course ainsi que le pré-entraînement et le commerce de yearlings de race de pur-sang anglais, a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011. Par un jugement du 29 décembre 2017, le tribunal a déchargé la société des pénalités pour manquement délibéré prévues par l'article 1729 du code général des impôts (article 1er) et rejeté le surplus de sa demande (article 2). La SA Haras du Mezeray relève appel de l'article 2 du jugement. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation de l'article 1er de ce jugement.

Sur l'appel principal :

2. En premier lieu, l'avis de vérification du 28 janvier 2013 relatif au crédit d'impôt recherche concerne l'année 2011 alors même que la déclaration spéciale concernant ce crédit d'impôt recherche a été déposée en 2012. Dès lors, la société requérante ne peut pas valablement soutenir que cet avis est irrégulier faute de viser l'année 2012 et méconnaît de ce fait les articles L. 47 et L. 172 G du livre des procédures fiscales.

3. En second lieu, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". L'article 49 septies F de l'annexe III au même code dispose : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques.

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

5. Dans son projet de recherche et de développement, la SA Haras du Mezeray présente deux projets qui sont, d'une part, la détermination de critères de sélection parentale permettant de donner naissance à des poulains susceptibles d'obtenir une performance donnée en course et, d'autre part, la recherche des meilleurs ensembles de paramètres possibles déterminant la qualité des poulains en début d'entraînement à la sortie du haras.

6. Il résulte de l'instruction que le premier projet porte sur l'étude des pedigrees et, pour affiner les calculs à partir des résultats en épreuves sportives et améliorer la prédiction d'un cheval gagnant à partir des données généalogiques, met en place une collecte, un archivage et un traitement de données. L'autre projet vise la mise en place d'un plan d'expérience pour identifier les paramètres les plus performants et la mise en oeuvre de programmes pour faire participer chaque facteur à l'amélioration. Toutefois ces projets ne précisent pas en quoi l'objectif à atteindre est indissociable d'une tentative de création de connaissances au-delà des données déjà connues. Il en résulte que ces projets sont des améliorations ou des perfectionnements de techniques déjà existantes, dépourvues de caractère substantiel, et ne présentent pas le caractère d'une opération de développement expérimental. Dès lors, ces deux projets, qui consistent seulement à trouver les meilleures conditions compétitives des poulains, ne constituent pas des opérations de recherche entrant dans le champ d'application de l'article 244 quater B du code général des impôts. C'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice du crédit d'impôt recherche restitué les 5 octobre 2010, 27 mai 2011 et 9 octobre 2012 respectivement au titre des années 2009 à 2011, au motif que ces projets n'avaient pas le caractère de travaux de recherche au sens des dispositions du c de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

7. La garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester l'établissement ou le rehaussement d'une imposition. Le refus de l'administration de faire droit à la demande de la SA Haras du Mezeray tendant au bénéfice d'un crédit d'impôt recherche ne résulte pas de l'établissement ou du rehaussement d'une imposition. La société requérante n'est donc pas fondée à se prévaloir des conditions d'éligibilité au crédit d'impôt recherche prévues tant par les énonciations du n° 70 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 12 septembre 2012 que par le paragraphe 310 du BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 12 septembre 2012.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 du présent arrêt que le moyen tiré du caractère éligible des dépenses de personnel est inopérant tant au regard de l'application de la loi fiscale que sur le fondement de son interprétation administrative.

9. Il résulte de ce qui précède que la SA Haras du Mezeray n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'appel incident du ministre :

10. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration relève à bon droit l'importance des sommes en cause, le caractère réitéré sur quatre exercices des demandes de crédit d'impôt et l'absence de verrou technologique et scientifique à lever pour parvenir aux objectifs recherchés. Eu égard à ces éléments, l'administration, qui a suffisamment motivé sa décision, apporte la preuve de l'intention de la société d'obtenir indûment une restitution d'impôt.

11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré prévues par l'article 1729 du code général des impôts.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à verser à la SA Haras du Mezeray au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Haras du Mezeray est rejetée.

Article 2 : Les pénalités dont la décharge a été prononcée par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Caen du 29 décembre 2017 sont remises à la charge de la SA Haras du Mezeray.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 29 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Haras du Mezeray et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2019.

Le rapporteur,

J.-E. C...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00972
Date de la décision : 15/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-15;18nt00972 ?
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