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14/11/2019 | FRANCE | N°18NT03353

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 14 novembre 2019, 18NT03353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté en date du 9 août 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation.

Par un jugement N°1703968 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 9 août 2017 et a enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer

M. D... dans ses fonctions dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par un recours enr

egistré le 5 septembre 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté en date du 9 août 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation.

Par un jugement N°1703968 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 9 août 2017 et a enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer

M. D... dans ses fonctions dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 5 septembre 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans.

Il soutient que :

- en estimant, d'une part, que le délai de 15 jours prévu par l'article 4 du décret n°84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat n'avait pas été respecté, viciant ainsi la procédure disciplinaire et d'autre part, que l'information sur la communication du dossier individuel telle que prévue par l'article 1er du 25 octobre 1984 n'avait pas été faite, le tribunal a entaché son jugement d'erreurs de fait ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2019, M. D..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 95-964 du 9 mai 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. François Lemoine, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., gardien de la paix affecté à la circonscription de sécurité publique de Montargis, a fait l'objet d'une procédure disciplinaire. Après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline le 25 janvier 2017, le ministre de l'intérieur a prononcé la sanction de révocation par arrêté en date du 9 août 2017. Par sa requête visée ci-dessus, le ministre de l'intérieur demande à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du

10 juillet 2018 ayant annulé l'arrêté du 9 août 2017 et portant injonction de réintégrer

M. D... dans ses fonctions dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 susvisé : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. ". Le respect du délai de quinze jours entre la présentation de la lettre de convocation devant le conseil de discipline et la réunion de ce conseil constitue une formalité substantielle, dont la méconnaissance vicie la procédure disciplinaire en privant le fonctionnaire poursuivi d'une garantie.

3. Il ressort des pièces du dossier que suite à une demande de M. D... de reporter l'examen de son dossier devant le conseil de discipline, l'intéressé a été convoqué par lettre du 22 décembre 2016, reçue le 24 décembre 2016, devant le conseil de discipline dans sa séance du 25 janvier 2017 afin de répondre aux faits qui lui étaient reprochés. Par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé que le délai prévu par les dispositions précitées n'avait pas été respecté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la convocation du 22 décembre 2016 devant le conseil de discipline comporte la mention expresse du droit de l'intéressé d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Par courrier du 20 janvier 2017, M. D... a informé le préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest qu'il ne serait pas présent au conseil de discipline. La circonstance que l'intéressé ait été en congé maladie à la date de réunion du conseil de discipline est sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir procédé à un acquiescement aux faits, a annulé l'arrêté en date du 9 août 2017 par lequel il a prononcé la révocation de M. D... aux motifs erronés que le requérant n'avait pas été informé de son droit à être assisté par un ou plusieurs défenseurs de son choix et que la procédure disciplinaire était entachée d'irrégularités.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... à l'appui de sa demande.

7. M. D... soutenait en première instance que la décision attaquée est entachée d'erreurs de fait car, d'une part, il n'était pas le conducteur du véhicule lors de la commission de l'infraction reprochée et, d'autre part, il était en congés lorsque certaines consultations du système national des permis de conduire sont intervenues. Il soutenait également que la décision en cause est entachée de disproportion.

8. En premier lieu, l'arrêté portant révocation de l'intéressé relève à son encontre que : " verbalisé pour avoir franchi, le 11 février 2014, un feu tricolore au rouge fixe, a sollicité un ami âgé de 85 ans afin qu'il prenne à sa charge l'infraction et a renvoyé à cette fin à l'officier du ministère public un formulaire de requête en exonération désignant de façon mensongère cet ami comme auteur de l'infraction routière ; que ce dernier, après s'être acquitté du paiement de l'amende, était avisé que son permis était invalidé pour perte totale des points et révélait alors la manoeuvre frauduleuse ; (...) lors de son audition administrative M. D... a reconnu partiellement les faits, affirmant toutefois ne pas être l'auteur de l'infraction originelle et avoir prêté à cette occasion son véhicule à une autre personne qu'il a refusé obstinément d'identifier ; (...) l'enquête administrative a également permis de révéler qu'entre le 17 mai 2013 et le 28 septembre 2015, M. D... avait consulté à 330 reprises le système national des permis de conduire à des fins personnelles et sans nécessité de service, afin d'obtenir des informations confidentielles sur lui-même, sur des membres de son entourage familial ou des connaissances, notamment l'ami sollicité afin de connaître le solde des points restant sur son permis de conduire ; (...) la matérialité des faits fautifs a été établie par l'autorité judiciaire qui est entrée en voie de condamnation (...) en outre, convoqué pour le 14 mars 2016 par les services de l'inspection générale de la police nationale afin de fournir ses explications, M. D... a refusé d'y déférer (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que lors de ses auditions administratives les 3 août 2015 et 9 décembre 2015, l'intéressé entendu en présence de son avocat, par l'officier de police judiciaire de la délégation de l'IGPN de Metz, a confirmé avoir consulté le fichier des permis de conduire à des fins personnelles. Au cours de son audition du 9 décembre 2015,

M. D... a confirmé qu'il était présent sur la commune de Dijon le 11 février 2014 et que le véhicule verbalisé ce jour là pour franchissement d'un feu rouge lui appartenait. Il a également reconnu avoir complété et signé le formulaire de requête en exonération désignant un tiers comme auteur de l'infraction. Lors de son audition du 15 octobre 2015, le tiers désigné dont il s'agit, a déclaré ne pas être l'auteur de l'infraction mais avoir néanmoins été informé par M. D... de sa désignation comme conducteur du véhicule dans le cadre " d'un service entre amis ". Le tribunal de grande instance de Troyes a condamné

M. D..., par une ordonnance du 2 juin 2016, à 1500 euros d'amende délictuelle, 250 euros d'amende contraventionnelle et 125 euros de responsabilité pécuniaire pour avoir détourné des données à caractère personnel de leur finalité et d'avoir à Troyes, le 5 avril 2014, fourni des renseignements inexacts sur un conducteur en infraction. Les dénégations du requérant ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause les conclusions concordantes des enquêtes administratives et les constatations matérielles du juge pénal. Par suite, les faits relevés à l'encontre du requérant doivent être regardés comme établis.

10. En second lieu, eu égard à la gravité des faits reprochés, constitutifs de détournement de données à caractère personnel et de déclarations mensongères sur l'auteur d'une infraction, et compte tenu notamment de la qualité de fonctionnaire de la police nationale de M. D... qui impose, en toute circonstance, un respect des normes légales et réglementaires et une attitude digne et exemplaire, la sanction de révocation prononcée à l'encontre de M. D..., qui, en outre, s'est vu infliger six sanctions entre les années 2009 et 2016, n'apparait pas disproportionnée en l'espèce.

11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté en date du 9 août 2017 par lequel il a prononcé la révocation de M. D....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de

M. D... n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. D... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. D... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2019, où siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT03353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03353
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET ARNAUD HONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-14;18nt03353 ?
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