La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2019 | FRANCE | N°19NT01497

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 novembre 2019, 19NT01497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 mars 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 20 mars 2019 par lequel la Préfète d'Ille-et-Vilaine l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 191443 du 28 mars 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2019, M. C..., représenté par Me A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 mars 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 20 mars 2019 par lequel la Préfète d'Ille-et-Vilaine l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 191443 du 28 mars 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 28 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 20 mars 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 20 mars 2019 l'assignant à résidence ;

4°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle et méconnaît les dispositions de l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 511-1 et L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ;

- la décision portant refus de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- une décision de remise aurait dû être prise en lieu et place d'une obligation de quitter le territoire français et c'est par suite à tort que le préfet d'Ille-et-Vilaine a fixé comme pays de destination tout pays où il est légalement admissible ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est dépourvu de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relative à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes ;

- le code du travail ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien né en 1976, est titulaire d'un titre de séjour permanent délivré par les autorités italiennes le 11 avril 2005 ainsi que d'une " carte d'identité " délivrée par les mêmes autorités et valable du 5 octobre 2010 au 4 octobre 2020. Il est entré sur le territoire français au mois de janvier 2018 selon ses déclarations. Un contrôle de police réalisé sur un chantier, où il exerçait en qualité de monteur câbleur dans le cadre d'un contrat de travail conclu avec la société ORACLES, a révélé qu'il travaillait sans être muni de l'autorisation de travail prévue par les articles L. 5221-2 et L. 5221-5 du code du travail. Par deux arrêtés du 20 mars 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. M. C... relève appel du jugement du 28 mars 2019, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours contre ces arrêtés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort des termes de la décision attaquée que pour obliger M. C... à quitter le territoire français, le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est fondé sur le double motif tiré, d'une part, de ce que l'intéressé était entré irrégulièrement sur le territoire français et, d'autre part, de ce que l'intéressé, qui ne résidait pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, avait méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail.

3. En premier lieu, M. C... ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne constituent pas un fondement de la décision contestée.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 8°Si l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu l'article L. 5221-5 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) ".

5. D'une part, s'il soutient qu'il est entré régulièrement sur le territoire français, M. C..., dont le titre de séjour permanent délivré par les autorités italiennes ne lui permettait pas de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois à compter de son entrée sur le territoire français, ne conteste pas qu'à la date de la décision litigieuse, il se trouvait en situation irrégulière depuis plus de trois mois. Il est par ailleurs constant que, le 20 mars 2019, l'intéressé a été interpellé par les agents de la police de l'air et des frontières en action de travail sur un chantier de la société ORACLES, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail faute de justifier d'une autorisation de travail. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur ce motif.

6. D'autre part, il résulte des dispositions précitées des article L. 511-1 et L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

7. Contrairement à ce que soutient M. C..., celui-ci ne saurait, du seul fait qu'il a déclaré être en situation régulière en Italie à l'occasion de son audition par les services de police, être regardé comme ayant sollicité son éloignement vers l'Italie, alors que ces propos ont été tenus au sujet de son parcours et qu'il ressort des termes du procès-verbal de ladite audition que, interrogé explicitement sur la perspective d'un éloignement à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il est légalement admissible, il a déclaré n'avoir aucune observation à formuler.

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 511-1 et L. 531-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du défaut d'examen dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

10. Il est constant que M. C... s'est maintenu sur le territoire français durant plus de trois mois à compter de son entrée en France et qu'à la date de la décision contestée, il n'avait pas sollicité de titre de séjour auprès des autorités françaises. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen, de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation dont procéderait à ce titre la décision portant refus de délai de départ volontaire doivent être écartés, ni les circonstances de son interpellation ni l'intégration professionnelle dont se prévaut l'intéressé n'étant propres à caractériser une circonstance exceptionnelle au sens des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

12. En second lieu, les moyens tirés du défaut d'examen dont serait entachée la décision portant fixation du pays de destination, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commises le préfet d'Ille-et-Vilaine en faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français au lieu de le remettre aux autorités italiennes doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7 du présent arrêt.

Sur la décision portant assignation à résidence :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

14. S'agissant des autres moyens de sa requête, tirés, d'une part, de ce que la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de ce que la décision portant refus de délai de départ volontaire est suffisamment motivée, M. C... n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. Mony, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2019.

Le rapporteur

M. E...La présidente

N. F...Le greffier

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT01497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01497
Date de la décision : 08/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : MARAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-08;19nt01497 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award