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05/11/2019 | FRANCE | N°19NT00362

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 novembre 2019, 19NT00362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... L... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2017 par lequel le maire de Portbail a délivré à Mme J... C... et M. G... E... un permis de construire une maison individuelle sur le terrain situé 22-24 rue Rozé sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1702137 du 25 novembre 2018, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 28 septembre 2017 et mis à la charge de la commune de Portbail le versement à M. L... d'une somme de 1 5

00 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... L... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2017 par lequel le maire de Portbail a délivré à Mme J... C... et M. G... E... un permis de construire une maison individuelle sur le terrain situé 22-24 rue Rozé sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1702137 du 25 novembre 2018, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 28 septembre 2017 et mis à la charge de la commune de Portbail le versement à M. L... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I° Par une requête enregistrée le 24 janvier 2019 sous le n° 19NT00362, et un mémoire enregistré le 26 juillet 2019, Mme C... et M. E..., représentés par Me F..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. L... devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) subsidiairement, de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 ou, à défaut, de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de M. L... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que leur projet n'était pas conforme à l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés par M. L... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2019, M. L..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... et M. E... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le motif d'annulation retenu par les premiers juges est bien fondé ;

- le dossier de la demande de permis de construire était insuffisant ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article UC 2 du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que le chapitre III-2 du plan de prévention des risques littoraux ;

- il est contraire aux dispositions de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- il n'est pas conforme à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2019, la commune de Portbail devenue la commune de Portbail-sur-Mer, représentée par Me H..., conclut au bénéfice de précédentes écritures.

Elle fait valoir que :

- le motif d'annulation retenu par les premiers juges est parfaitement fondé ;

- le nouveau moyen soulevé en appel par M. L... et tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.

II° Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2019 sous le n° 19NT00403, la commune de Portbail-sur-Mer, représentée par la SELARL Auger Vielpeau Lecoustumer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. L... devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de M. L... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le permis de construire délivré à Mme C... et M. E... méconnaissait les dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. L... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2019, M. L..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Portbail-sur-Mer d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le motif d'annulation retenu par les premiers juges est bien fondé ;

- le dossier de la demande de permis de construire était insuffisant ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article UC 2 du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que le chapitre III-2 du plan de prévention des risques littoraux ;

- il est contraire aux dispositions de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- il n'est pas conforme à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2019, Mme C... et M. E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. L... devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) subsidiairement, de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 ou, à défaut, de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de M. L... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que leur projet n'était pas conforme à l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés par M. L... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- les observations de Me H..., représentant la commune de Portbail-sur-Mer et les observations de Me B..., substituant Me D... et représentant M. L....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 septembre 2017, le maire de la commune de Portbail, devenue la commune de Portbail-sur-Mer (Manche), a délivré à Mme C... et M. E... un permis de construire une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées AC 15 et AC 16 situées rue Rozé sur le territoire de cette commune. Deux permis modificatifs relatifs à ce projet ont été accordés le 20 avril 2018 et le 10 juillet 2018. A la demande de M. L..., voisin immédiat du projet, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 28 septembre 2017, motif pris de la méconnaissance de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Mme C... et M. E..., d'une part, la commune de Portbail-sur-Mer, d'autre part, relèvent appel de ce jugement. Ces deux requêtes, dirigées contre le même jugement, ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Portbail, relatif à l'aspect extérieur des constructions : " 11.1 Généralités : Tout bâtiment situé à proximité d'un élément intéressant du point de vue du patrimoine d'intérêt local, devra faire l'objet d'une attention particulière. Les constructions devront être adaptées au terrain, de manière générale. Le rythme des façades doit s'harmoniser avec celui des bâtiments voisins. Les accroches aux constructions limitrophes doivent être particulière étudiées : chêneaux, lignes de fenêtres, soubassements, corniches (...) / Pour tout bâtiment nouveau d'architecture contemporaine (par opposition à l'architecture traditionnelle locale) : / - la qualité recherchée visera une intégration harmonieuse à son environnement proche aussi bien dans le choix des volumes (y compris la forme de la toiture), des percements, les couleurs des matériaux apparents et les détails architecturaux / - et sera motivée par la réalisation d'un habitat plus durable : prise en compte des énergies renouvelable [s] ou de type BBC, un recueil des eaux pluviales et toutes installations s'inscrivant dans un souci d'économie et de développement durable./ (...). / 11.2 - Volumétrie : Les gabarits des constructions nouvelles devront respecter l'aspect général des gabarits existants. 11.4 - Matériaux apparents et couleurs / 11.4.1 - Couleur : le nuancier des couleurs utilisées devra s'inscrire dans la palette des couleurs des matériaux locaux traditionnellement utilisés (pierre, terre, bois, ardoise ...). / 11.4.3 L'aspect des matériaux ou revêtements employés devra être choisi en harmonie avec le site et les constructions avoisinantes. Les maçonneries apparentes seront réalisées soit en respectant la mise en oeuvre traditionnelle, soit en enduit de ton neutre en harmonie avec les constructions traditionnelles ou en tout autre matériau lié à une architecture contemporaine de qualité. / (...) ".

3. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions du règlement d'un plan local d'urbanisme, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation du plan local d'urbanisme communal, que le quartier littoral de " Port-Bail Plage ", au sein duquel est situé le projet, constitue un quartier pavillonnaire présentant une typologie de bâtis très variée avec des hauteurs variables et des implantations aléatoires, souvent en milieu de parcelles. La rue Rozé, en particulier dans la première moitié de l'axe à partir du rivage, est bordée de parcelles vierges de construction ou peu densément bâties. Le terrain d'assiette du projet est entouré au nord-est et au sud-ouest, de deux pavillons, dotés de toitures à pente, en bâtière pour le premier et à croupes pour le second, revêtus d'enduits de couleurs claires et, au niveau du soubassement, d'un parement de pierres. Ils sont composés de trois niveaux, en incluant les combles, et implantés en retrait de la voie publique, les façades donnant sur rue correspondant aux pignons. Ces constructions ne présentent pas de caractéristiques particulières. La vaste parcelle située de l'autre côté de la rue, désignée comme " Le Domaine des Pins " accueille essentiellement trois longs bâtiments au style architectural plus marqué et distinct de celui des pavillons. Le projet contesté porte sur l'édification d'une maison constituée de deux volumes parallélépipédiques sur deux niveaux, le second étant en retrait, couverts par une toiture-terrasse et d'un garage intégré. Il ressort de la notice paysagère que la géométrie " très simple " du projet est justifiée par sa conception bioclimatique visant à limiter les déperditions énergétiques. De même, les larges ouvertures des façades sud et ouest ont notamment pour objet de récupérer l'énergie solaire. Le volume du projet correspond à celui observé aux alentours. Son orientation par rapport à la rue et son implantation en retrait rappellent celles des constructions édifiées sur les parcelles contiguës et sur le " Le Domaine des Pins ". Le recours à un enduit clair, un bardage en bois et des huisseries en aluminium lui confèrent une sobriété de nature à ne pas rompre, en dépit de sa facture contemporaine, l'harmonie avec les lieux avoisinants. Dans ces conditions, eu égard notamment à l'hétérogénéité architecturale du secteur dans lequel il est situé et à sa conception bioclimatique, le projet litigieux doit être regardé comme s'intégrant harmonieusement à son environnent proche. Par suite, la commune de Portbail-sur-Mer, Mme C... et M. E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le permis de construire contesté, le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

5. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. L... tant devant le tribunal administratif de Caen que devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. L... :

6. En premier lieu, en vertu de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme, la demande de permis de construire comporte un projet architectural, qui, aux termes de l'article L. 431-2 du même code " définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. ". A cette fin, sont joints à la demande de permis, en application de l'article R. 431-8 de ce code, " une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ". En outre, l'article R. 431-9 dispose : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / (...). ". Enfin, l'article R. 431-10 prévoit : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. D'abord, la notice paysagère jointe à la demande de permis de construire présentée par Mme C... et M. E... indique que " la parcelle est actuellement composée d'une étendue de végétation rase et compte très peu d'arbres. (...). Elle ne comprend aucune construction ". Le dossier de la demande comporte également une photographie (PC 7) du terrain permettant d'apprécier son état existant et une photographie (PC 8) permettant de l'appréhender avec son environnement immédiat, notamment avec les constructions implantées sur les parcelles contigües. M. L... n'établit, ni même n'allègue, que le terrain d'assiette du projet présenterait des spécificités qui auraient dû être mentionnées. La description de l'état initial du terrain doit, dans ces conditions, être regardée comme suffisante. Par ailleurs, cette notice précise, à propos de l'aménagement du terrain envisagé, que la " nature du terrain est conservée, seul un empierrement est prévu pour créer un accès voiture de la rue Rozé au garage ". Les plans de masse représentent un aplat figurant les broussailles ainsi que des symboles indiquant les arbres. Le document graphique PC 6 rend compte du traitement des espaces extérieurs limité, ainsi que la notice l'indique, à un chemin carrossable. Le dossier de la demande permet ainsi d'apprécier l'aménagement du terrain prévu par le projet.

9. Ensuite, l'allégation de M. L... selon laquelle le dossier ne comporterait pas de plan de coupe ni de plan de façades manque en fait. Contrairement à ce qu'il soutient, les plans de masse joints à la demande font apparaître, de manière suffisamment précise, outre le raccordement de la construction projetée au réseau public d'eaux pluviales, les dimensions du projet, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme. Ils représentent également une bande de retrait de trois mètres à partir des limites séparatives et précisent que le projet est implanté à une distance de 4,79 mètres de la limite séparative au nord-est.

10. Enfin, si la notice paysagère n'évoque que sommairement les caractéristiques des constructions et paysages environnants, faisant état de la proximité du rivage et d'un tissu urbain pavillonnaire relativement lâche, les documents graphiques joints à la demande permettent de rendre compte tant du style architectural des constructions avoisinantes que de la faible densité de construction des parcelles les plus proches. Ces mêmes documents permettent d'appréhender correctement l'impact visuel du projet depuis l'espace public.

11. Il suit de là que le moyen tiré de l'incomplétude et de l'insuffisance du dossier de la demande de permis de construire doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables à tout terrain situé sur le territoire d'une commune littorale, que ce terrain soit ou non situé à proximité du rivage, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

13. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé dans le secteur de " Port-Bail Plage " qui accueille des résidences, principales ou secondaires, ainsi que des équipements touristiques, notamment un pôle nautique, et des espaces résidentiels saisonniers. La commune indique sans être contredite que ce secteur accueille une centaine de constructions. Les vues aériennes et les extraits du rapport de présentation versés aux débats font apparaître une relative densité. Si le terrain d'assiette du projet litigieux est localisé dans la portion la moins densément bâtie de ce secteur, il s'intègre néanmoins au même compartiment d'urbanisation. Le projet doit ainsi être regardé comme réalisant une extension de l'urbanisation en continuité d'un secteur aggloméré, caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme doit, dès lors, être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. ". Pour l'application de ces dispositions, une opération qu'il est projeté de réaliser dans un espace déjà urbanisé ne peut être regardée comme une "extension de l'urbanisation" que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l'urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d'un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions. La seule réalisation dans un quartier urbain d'un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension de l'urbanisation au sens de la loi.

15. Le projet litigieux, portant sur l'édification d'une maison d'habitation de 135 mètres carrés de surface de plancher sur un terrain de 4 077 mètres carrés n'a pas pour effet, alors même qu'il est situé, ainsi qu'il a été dit au point 13, dans une partie du secteur de " Port-Bail Plage " caractérisée par une urbanisation moins dense, de modifier les caractéristiques de ce secteur. Bien que localisé entre le rivage et la partie la plus agglomérée du quartier, il n'implique pas davantage, eu égard à ses caractéristiques, un renforcement significatif de l'urbanisation de cet espace périphérique. Il doit ainsi être regardé, pour l'application de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, comme une simple opération de construction urbaine. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit, dès lors, être écarté.

16. En quatrième lieu, en se bornant à citer les dispositions de l'article UC 2 du règlement du plan local d'urbanisme, propres au secteur UCs, et à invoquer, sans autres précisions, leur méconnaissance, M. L... ne met pas la cour à même d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.

17. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme : " Implantations nouvelles : Lorsque les constructions ne jouxtent pas la limite séparative, la distance horizontale de tout point du bâtiment à édifier au point le plus proche de la limite séparative doit être au moins égale à 3 m. (...) ".

18. Contrairement à ce qu'allègue M. L..., il ressort précisément des plans de masse joints à la demande que le projet est, conformément aux dispositions précitées, implanté en dehors de la marge de retrait de trois mètres. Le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut, par suite, qu'être écarté.

19. En sixième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions et recommandations des chapitres III-3, III-4 et III-5 du règlement du plan de prévention des risques littoraux, applicable au territoire de la commune de Portbail-sur-Mer n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

20. En septième lieu, les dispositions du chapitre II-2-2 du règlement mentionné au point précédent prévoient, s'agissant des constructions de bâtiments à usage d'habitation, que la " cote de premier plancher devra être supérieure à la cote de référence 2100. Cependant si la topographie des lieux le justifie, la cote de premier plancher des garages attenants pourra être abaissée au niveau de la voirie de desserte la plus proche. ". La cote de référence 2100 correspond au niveau de 8,20 mètres NGF.

21. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 10 juillet 2018, le maire de Portbail a délivré à Mme C... et M. E... un permis de construire modificatif portant la cote de premier plancher de 8,20 mètres NGF à 8,21 mètres NGF. D'autre part, alors qu'il ressort de l'attestation du géomètre-expert, produite par M. L... devant les premiers juges, que la voirie se situe, au niveau de l'accès au terrain d'assiette, à une altitude comprise entre 7,25 mètres NGF et 7,26 mètres NGF, le projet contesté, tel que modifié par le permis de construire modificatif délivré le 20 avril 2018, prévoit une cote de plancher du garage située à 7,25 mètres NGF. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du règlement du plan de prévention des risques littoraux doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., M. E... et la commune de Portbail-sur-Mer sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du maire de cette commune du 28 septembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... et M. E... ou de la commune de Portbail-sur-Mer, lesquels ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que demande M. L... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. L... le versement à Mme C... et M. E..., d'une part, et à la commune de Portbail-sur-Mer, d'autre part, de la somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature qu'ils ont supportés.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. L... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : M. L... versera à Mme C... et M. E..., d'une part, et à la commune de Portbail-sur-Mer, d'autre part, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... C..., M. G... E..., la commune de Portbail-sur-Mer et M. K... L....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, président,

M. A...'hirondel, premier conseiller,

Mme I..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

Le rapporteur,

K. I...

Le président,

C. BRISSONLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 19NT00362, 19NT00403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00362
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-05;19nt00362 ?
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