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04/10/2019 | FRANCE | N°18NT03439

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 04 octobre 2019, 18NT03439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E..., agissant en son nom propre et au nom de son mari, décédé en cours d'instance, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 5 mai 2015, déclarant d'utilité publique l'extension de la mairie d'Armaillé (49) et l'acquisition d'un bien immobilier par la commune d'Armaillé.

Par un jugement n° 1505365 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

enregistrée le 10 septembre 2018, Mme F... E..., représentée par Me C..., demande à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E..., agissant en son nom propre et au nom de son mari, décédé en cours d'instance, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 5 mai 2015, déclarant d'utilité publique l'extension de la mairie d'Armaillé (49) et l'acquisition d'un bien immobilier par la commune d'Armaillé.

Par un jugement n° 1505365 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2018, Mme F... E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 5 mai 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet pour lequel l'utilité publique a été déclarée diffère de celui pour lequel la délibération de la commune d'Armaillé du 23 juillet 2014 a sollicité le préfet en vue d'une déclaration d'utilité publique ;

- la notice explicative est insuffisante ;

- le projet de la mairie, objet de l'expropriation, va porter une atteinte disproportionnée à l'intérêt architectural, paysager et environnemental du Bois Geslin ;

- l'opération pourrait être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à une expropriation ;

Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2018, la commune d'Armaillé, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 23 juillet 2014 le conseil municipal d'Armaillé a décidé d'acquérir, au besoin par voie d'expropriation, la parcelle cadastrée C n° 726, d'une superficie partielle de 305 m2, appartenant à M. et Mme E..., afin de réaliser le projet d'extension de la mairie. Par cette même délibération, la commune a sollicité le préfet de Maine-et-Loire en vue de lancer et d'organiser les enquêtes conjointes d'utilité publique et parcellaire nécessaires et de prendre un arrêté portant déclaration d'utilité publique du projet et de cessibilité. Le préfet a prescrit l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique du projet, qui s'est déroulée du 4 au 19 décembre 2014, aux termes de laquelle le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable à la déclaration d'utilité publique. Le préfet a déclaré d'utilité publique le projet d'extension de la mairie d'Armaillé, par arrêté du 5 mai 2015. M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Mme E... relève appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.-Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; (...) II.-Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. Dans les cas prévus aux I et II ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu (...) ".

3. En premier lieu, Mme E... soutient que le projet soumis au préfet de Maine-et-Loire aurait différé de celui finalement arrêté par celui-ci. Si le projet en litige a évolué entre la première délibération du conseil municipal du 28 avril 2010 évoquant la volonté de la commune d'acquérir une surface supplémentaire le long de la mairie et la délibération du 23 juillet 2014 sollicitant l'intervention du préfet pour la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation, il ressort des termes de cette dernière délibération, transmise au préfet et sur laquelle celui-ci s'est fondé pour entamer la procédure d'utilité publique, que celle-ci mentionne un projet d'extension de la mairie pour notamment la mise aux normes suivant la réglementation " loi handicap " et le " respect du code du travail pour la mise en place de sanitaires pour le personnel et pour le public ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 18 novembre 2014, le préfet a décidé l'ouverture et l'organisation d'enquêtes préalables à la déclaration d'utilité publique et parcellaire en vue de l'extension de la mairie sur le territoire de la commune d'Armaillé. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'objet de l'arrêté contesté du préfet différerait de la demande de la commune doit être écarté.

4. En deuxième lieu, selon les dispositions de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique précité, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu. Cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre la collectivité bénéficiaire de l'expropriation à envisager tous les projets éventuellement susceptibles de répondre à l'intérêt général recherché. Selon les termes de la notice explicative : " la collectivité a étudié toutes les autres solutions : il n'existe pas d'autres possibilités d'agrandissement de la mairie sans empiéter sur la cour de l'école ou sur la RD 182. La construction d'une nouvelle mairie est trop onéreuse pour une petite commune comme Armaillé et celle-ci ne dispose pas de foncier disponible à cet effet. La possibilité de rachat d'une maison à vendre en centre bourg, un moment envisagée, a été abandonnée car jugée trop coûteuse compte tenu des travaux de rénovation à réaliser. ". Ces hypothèses alternatives, pas plus que celles suggérées par Mme E... dans ses écritures, ne sauraient être regardées comme un "parti envisagé", au sens des dispositions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique par la collectivité, la commune d'Armaillé n'ayant étudié que le seul projet qui était soumis à l'enquête. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.

5. En troisième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

6. D'une part, Mme E... soutient que d'autres parcelles appartenant à la commune auraient permis de réaliser l'opération projetée dans des conditions équivalentes, notamment sur le côté est de la parcelle cadastrée AB 22. Eu égard toutefois à l'objet de l'opération projetée, qui tend à une extension de la mairie pour des raisons tenant non seulement à des impératifs d'accessibilité et de respect du code du travail, mais également à une volonté d'amélioration des conditions de travail et d'accueil du public, il ne ressort pas des pièces du dossier que les divers emplacements mentionnés par la requérante, eu égard à leur situation, leur superficie, leur configuration, ou à leur disponibilité, seraient de nature à permettre de réaliser l'opération projetée dans des conditions équivalentes, soit, concernant le parvis actuel de la mairie, parce qu'il présenterait un risque pour la sécurité des piétons et des véhicules, soit, concernant le terrain où sont bâties la mairie actuelle et l'école, parce qu'il empièterait sur la cour de l'école et romprait l'harmonie architecturale constituée de l'ensemble formé par la mairie et l'école.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, que la portion de la parcelle C 726, objet du litige, d'une superficie de 305 m2 est enclavée entre les locaux municipaux et un talus planté d'arbres bordant le domaine du Bois Geslin comprenant le château, son pigeonnier et ses communs, inscrit à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques le 2 septembre 1991, ce dernier étant d'une superficie de 50 hectares environ. L'architecte des bâtiments de France, consulté en 2013 par le préfet sur un projet d'extension de la mairie plus important en termes d'emprise, avait, le 15 novembre 2013, émis un " avis favorable sans remarque particulière à la création de l'extension qui ne présente pas d'enjeux vis-à-vis du patrimoine monumental et du patrimoine paysager. Néanmoins, le demandeur devra prendre l'engagement de ne procéder à aucun abattage d'arbre sur le talus à l'ouest de l'extension projetée de la mairie, de façon à maintenir l'écran visuel mis en place en limite du parc du château. De ce fait, le demandeur renoncera à l'édification d'un passage de service contre le bâtiment et proposera un autre accès pour les façades arrières de la mairie ". Consulté pour avis sur le projet contesté, l'architecte des bâtiments de France a, le 5 septembre 2014, " constaté que les réserves de [son] précédent avis avaient été prises en compte par le maire d'Armaillé et par conséquent [émis] un nouvel avis sans réserve sur les derniers documents ". Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme E..., le projet litigieux ne porte pas une atteinte grave à une propriété privée exceptionnelle et à l'intérêt public qui s'attache à la protection de l'environnement et à la préservation du monument historique.

8. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet contesté ne présenterait pas de caractère d'utilité publique doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposé et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... le versement à la commune d'Armaillé d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Mme E... versera à la commune d'Armaillé une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E..., à la commune d'Armaille et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire..

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

Le rapporteur,

T. A...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03439
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELAS DE BODINAT ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-04;18nt03439 ?
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