Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 février 2016 par lequel le ministre des affaires étrangères et du développement international a mis fin à son appel spécial et l'arrêté du 24 février 2016 du ministre portant rupture d'établissement après appel spécial.
Par un jugement n° 1603262 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juin 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2016 par lequel le ministre des affaires étrangères et du développement international a mis fin à son appel spécial ainsi que l'arrêté du 24 février 2016 du ministre portant rupture d'établissement après appel spécial et affectation à l'administration centrale ;
3°) d'enjoindre à l'administration de le réaffecter à l'ambassade de France à Washington en tant qu'adjoint administratif de 1ère classe de chancellerie, 12ème échelon ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut de motivation ;
- elles sont entachée d'un détournement de procédure ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles sont discriminatoires et méconnaissent les dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2019, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°67-290 du 28 mars 1967 ;
- le décret n° 79-433 du 1er juin 1979 ;
- le décret n°2010-569 du 8 mai 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me D..., substituant Me C..., avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint administratif de chancellerie de 1ère classe, a été affecté par arrêté du 19 mai 2015 au sein de l'ambassade de France aux Etats-Unis en qualité de gestionnaire comptable et administratif. Ayant rejoint ce poste à compter du mois de septembre 2015, il a dû réintégrer le territoire français le 18 novembre 2015 et a été placé en situation d'appel spécial à compter du 27 novembre 2015. Par arrêté du ministre des affaires étrangères et du développement international du 23 février 2016, il a été mis fin au placement de l'intéressé en position d'appel spécial à compter du 27 février 2016. Par arrêté du 24 février 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international a rompu l'établissement de M. A... au sein de l'ambassade de France aux Etats-Unis à compter du 27 février 2016 en vue de l'affecter pour plus de six mois au sein de l'administration centrale. Par sa présente requête, M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 avril 2018 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. Aux termes de l'article 9 du décret du 1er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l'organisation des services de l'Etat à l'étranger : " L'ambassadeur peut demander le rappel de tout agent affecté à sa mission et, en cas d'urgence, lui donner l'ordre de partir immédiatement ". Aux termes l'article 22-1 du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat en service à l'étranger : " L'appel spécial est la situation de l'agent qui, en raison de la situation politique ou des circonstances locales appréciées par le ministre ou par le directeur de l'établissement public dont relève l'intéressé, reçoit instruction soit de quitter le pays où il est affecté et de regagner la France métropolitaine, soit, s'il est en congé, de rentrer en France métropolitaine ou d'y demeurer. /(...) L'agent placé en appel spécial est à la disposition de l'administration dont il dépend. Le ministre ou le directeur de l'établissement public dont dépend l'agent décide de mettre fin à l'appel spécial. ".
3. Pour prendre les décisions attaquées le ministre des affaires étrangères et du développement international s'est fondé sur la circonstance qu'il avait été informé, dès le lendemain des attentats du 13 novembre 2015, que l'intéressé avait fait l'objet de la part des services du ministère de l'intérieur d'une " fiche S " sans toutefois produire la fiche en question ou révéler les motifs pour lesquels M. A... faisait l'objet d'une telle inscription. Cependant, en se limitant à faire valoir le contexte particulier qui a suivi les attentats du 13 novembre 2015, caractérisé notamment par le vote d'une loi relative à l'état d'urgence, pour justifier les décisions attaquées alors que l'inscription d'une personne dans le fichier des personnes recherchées régi par le décret du 28 mai 2010 ne saurait, par elle-même, suffire à fonder ce type de décision, le ministre des affaires étrangères et du développement international n'établit pas qu'à la date de la décision attaquée, l'intérêt du service justifiait le rappel en urgence de M. A... puis, par la suite, la fin de la position d'appel spécial de ce dernier sans retour sur son poste. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté du 23 février 2016 par lequel le ministre des affaires étrangères et du développement international a mis fin à son appel spécial ainsi que l'arrêté du 24 février 2016 du ministre portant rupture d'établissement après appel spécial et affectation à l'administration centrale sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 23 février et du 24 février 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au ministre des affaires étrangères et du développement international de réexaminer la situation de M. A.... Il y a lieu en conséquence de lui enjoindre de prendre une mesure en ce sens dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 avril 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 23 février 2016 par lequel le ministre des affaires étrangères et du développement international a mis fin à l'appel spécial de M. A... ainsi que l'arrêté du 24 février 2016 du ministre portant rupture d'établissement après appel spécial et affectation de l'intéressé à l'administration centrale sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères et du développement international de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02404